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sur 566 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« J'étais une fille autrefois, c'est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j'ai vue, cette première nuit d'effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l'école. »

C'est à cela que l'on reconnaît les grands écrivains : leur capacité à embrasser une vie qui n'est pas la leur, une souffrance qui n'est pas inscrite dans leur chair, sans perdre en acuité ou véracité. Ce que fait là Edna O'Brien est un tour de force : raconter le calvaire d'une lycéenne nigériane enlevée par Boko Haram, son enlèvement, ses viols répétés, son accouchement, sa fuite puis son retour chez elle avec le poids du déshonneur et de la honte, sans que jamais le lecteur ne se sente voyeur ou n'y voit qu'une supercherie littéraire factice.

Edna O'Brien ne prétend pas raconter le drame des lycéennes nigérianes en mode journalistique ( survenu 2014 – médiatisée avec le hashtag #bringbackourgirls ), bien qu'elle ait enquêté sur place, recueillant des dizaines de témoignages. Non, elle se glisse dans la peau d'une rescapée, ses mots en bandoulière pour nous proposer un roman comme un hurlement dans la jungle, un roman furieux, suffoquant. le simple témoignage d'une personne ayant vécu le drame est transcendée par la forme. Récemment, je m'étais plongée dans 19 femmes, les Syriennes racontent, de Samar Yazbeck, tout aussi terrible, mais trop répétitif, trop sec pour aller au-delà de la simple compassion. Avec Girl, on est dans de la littérature dans ce qu'elle a de plus universel et de plus nécessaire.

Je n'avais jamais lu cette auteure et j'ai été très impressionnée par son écriture, notamment lorsque Mariam fuit dans la forêt : le monologue se fait hallucinée avec des envolées quasi fantastiques. C'est très puissant. Tellement sonnée par la magnifique style que, parfois, je suis passée à côté des émotions. La fin m'a cependant cueillie. Les vingt dernières ligne sont sublimes et j'ai pleuré sous cette lumière inattendue dans un récit glaçant qui étreint l'horreur jusqu'à l'os.

Un roman impressionnant sur la résilience et la force des femmes à se relever de l'oppression pour accéder à leur propre liberté. le roman d'une guerrière de 88 ans.
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Maryam fait partie des lycéennes nigérianes enlevées par Boko Haram en 2014. Emmenée dans un camp loin de son village, elle devient esclave sexuelle avant d'être mariée à un combattant de l'organisation et de tomber enceinte. Lorsqu'elle parvient enfin à s'enfuir, son retour, après un périple dont elle réchappe par miracle, ne se passe pas du tout comme elle s'y attendait : son village a été détruit, nombre de ses proches ont été tués, les survivants la suspectent elle-même de radicalisation, craignent des représailles liées à son évasion, et traitent en paria cette fille désormais objet de honte.


Si Maryam est un personnage fictif, tout est véridique dans ce roman construit sur une longue et sérieuse documentation, à partir de multiples rencontres et témoignages. Le récit, éprouvant, n'épargne rien du calvaire de ces filles. L'indicible est dans chaque page et c'est les dents serrées et le coeur bien accroché qu'il faut traverser l'enfer à leurs côtés.


Aucune n'a pu jusqu'ici s'exprimer. Ce livre leur donne la parole, exposant au grand jour la barbarie terrifiante dont elles sont les victimes, mais aussi, les difficultés de leur reconstruction dans une société où elles n'ont plus leur place : un livre courageux, porté par la belle écriture d'Edna O'Brien, dont l'oeuvre a prouvé son engagement pour la cause des femmes en général. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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J'ai lu ce livre d'une traite, impossible de le lâcher.
Je peux comprendre qu'il gêne s'agissant d'un sujet brûlant (l'enlèvement des jeunes lycéennes au nord du Nigeria par Boko Haram). Crainte du voyeurisme ? Moi même j'ai traîné, je n'avais pas trop envie.... et puis voilà, le livre était disponible à la bibliothèque, bien en évidence, là juste devant moi, je ne pouvais pas le rater. Alors je l'ai pris.
Et lu. D'une traite.
Un livre indispensable qui essaie de raconter l'indicible, qui est né de la synthèse de récits de survivantes. Dur, évidemment. Utile, certainement.
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La quatrième de couverture et son résumé me faisaient très envie. Je ne connaissais pas l'auteure irlandaise, Edna O'Brien, mais quelle belle découverte, ai je encore fait là grâce au Grand Prix des Lectrices Elle.

A partir du fait réel qu'a été l'enlèvement de dizaines d'étudiantes par le groupe terroriste Boko Haram au Nigéria en 2014, l'auteure écrit l'histoire d'une de ces jeunes filles, telle qu'elle aurait pu être vraiment vécue. C'est sensible mais aussi tellement criant de vérité que, parfois, je me suis posée la question si c'était vraiment dans un roman que je me trouvais ou si l'une des écolières avait écrit son auto-biographie.

Jamais, Edna O'Brien ne tombe dans le pathos malgré cette histoire bouleversante. Elle ne se contente pas de raconter l'enlèvement ou le quotidien des enfants aux mains des kidnappeurs mais aussi la délivrance d'un chemin semé d'embûches ainsi que le retour à une vie « normale ».

Alors que des jeunes filles ont été délivrées, nous pourrions penser, nous petits européens, que la galère est désormais terminée, malgré des séquelles psychologiques. Mais on aurait trop souvent tendance à oublier que dans certains pays d'Afrique, la fin ne peut pas reprendre tout simplement son cours et se poursuivre un peu comme si rien ne s'était passé. Bien entendu, il y a la perte de certains êtres chers durant ces années de captivité mais il y a aussi ensuite le regard différent des autres membres du village et la mise au ban par ces gens qui étaient pourtant les voisins et amis.

Même si le livre n'est pas bien épais, j'ai trouvé l'histoire forte et pas superficielle comme cela pourrait laisser présager le nombre de pages. le style d'écriture m'a énormément plu et beaucoup touchée.

Cette jeune « héroïne » dans ce pays si dénué de tout restera encore longtemps gravé en moi. Finalement, l'auteure vous met en quelque sorte un visage sur ces filles, hélas si vite oubliées en Occident, et pour moi les informations au sujet de ce groupe terroriste résonneront différemment dorénavant.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices 2020 du magazine Elle.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Le cauchemar de Maryam commence par une nuit horrible lorsque qu'elle et ses amies sont enlevées par des jihadistes qui font régner la terreur dans tout le pays. Retenues prisonnières au coeur d'une forêt profonde, les jeunes filles sont maltraitées et exploitées avec une cruauté inimaginable. Même après après avoir réussi à s'échapper et traversé une série d'épreuves terrifiantes, le cauchemar éveillé de Maryam ne se termine pas. Au fur et à mesure que le roman progresse, il semble que le moindre réconfort ou moment de beauté soit bientôt brisé par de nouvelles désolations et un effacement irréversible de l'espoir pour ne laisser de place qu'à la souffrance. C'est d'une voix presque atone, celle des états de choc, que Maryam nous raconte sa douleur et sa terrible solitude.
Son récit fait peur. Il dépeint ce que c'est de vivre dans un monde d'imprévisibilité barbare, où le danger rôde partout, même au sein de son propre clan. J'ai longtemps refusé de lire ce roman, n'ayant aucune envie de me retrouver confrontée à une telle violence mais un jour il s'est retrouvé juste devant mon nez à la bibliothèque et je n'ai pas pu faire autrement que de céder à son appel.
De la violence physique et psychologique, il y en a tout au long de cette histoire. Tout le talent d'Edna O'Brien est de l'évoquer par le biais d'un lyrisme hallucinatoire qui la floute, sans jamais l'édulcorer, afin de la mettre à distance et d'en rendre la lecture à peu près supportable. Supportable pour le lecteur mais pas pour ceux et celles qui ont le malheur de la subir dans la réalité....
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Ce livre est une merveille ! Il prend aux tripes, vous plonge dès les premières pages dans la peau d'une jeune lycéenne Nigériane enlevée par Boko Haram. Avec un style simple, âpres et très immersif, Edna O'brien nous fait vivre ce cauchemar de l'intérieur, celui d'une jeune fille qui ne décide de rien quant à sa propre destinée. Pourtant cette jeune fille à un courage extraordinaire et ne cessera pas de lutter pour retrouver sa famille et sa liberté. Mais il est bien difficile de changer le regard des autres quand celui-ci est biaisé par la religion, le machisme et la morale...

Pour dire toute la vérité, le sujet même du livre ne me donnait pas envie de le lire. Pourtant j'ai lu la première page et j'étais cuit. Car le style de l'auteur est tellement fort que je n'ai pas pu m'arrêter avant la fin. Dire tant de choses avec si peu de mots, est la marque des très grands auteurs. Ce livre, au rythme furieux, est un magnifique portrait de femme et il nous montre que le combat féministe est plus que jamais indispensable. Ne le manquez pas !
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Dès la première page, c'est violent et dérangeant. « J'étais une fille autrefois, c'est fini. Je pue » Vous voilà prévenus.
Edna O'Brien réussit le tour de force de se glisser dans la peau d'une jeune fille nigériane.
Maryam a été enlevée avec ses compagnes d'école par un groupe de djihadistes excités et dangereux. Elle va apprendre à survivre dans un de leurs camps où elle est séquestrée avec quelques-unes de ses compagnes. Humiliées, battues, violées, elles servent de bonnes à tout faire aux hommes et à leurs femmes. Converties de force, voilées et vêtues de loques, elles sont mal nourries, et l'hygiène est désastreuse. C'est dans ce cloaque que Maryam va tenter de survivre et de résister. Mariée de force, elle mettra au monde une petite fille qu'elle nomme Babby et avec laquelle elle tente de fuir l'horreur. Mais comment vivre après une telle descente aux enfers ? Quelle sera sa place ? Adolescente lorsqu'elle a été enlevée, la voilà mère, souillée par des barbares. C'est une survivante mais on se méfie d'elle, on décide pour elle et elle devra se battre pour garder sa fille et trouver sa place.
Le « je » insuffle de la puissance à ce roman qui parle de l'oppression des femmes, des violences qui leur sont faites. On est dans la tête de Maryam, on vit ses moments d'égarement, sa confrontation avec les morts et c'est saisissant. Jamais de facilité ni d'apitoiement de la part de l'auteure, mais une volonté de raconter les faits sans filtre. le style est incisif, le récit rythmé. C'est Maryam qui raconte et nous sommes à ses côtés, effrayés, humiliés ou au contraire retrouvant un peu d'espoir au fil des rencontres.
Bien sûr, tout du long de ce roman, on ne peut que se remémorer l'enlèvement en 2014 de ces lycéennes par le groupe Boko Haram qui voulait les convertir et les marier de force à ses guerriers. Edna O'Brien a su s'emparer avec talent de ce fait divers pour écrire un roman profond. Les remerciements à la fin du livre montrent le travail important mené par l'écrivaine.
Un roman magistral que j'ai lu d'une traite, en apnée. Une histoire qui va me poursuivre longtemps.
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Je ne serai bien sûr qu'une voix de plus pour dire les émotions entrainées par ce livre, mais j'en profite pour répondre en partie à la chronique d'Oiseaulire, qui pose des questions sur l'intérêt d'un tel sujet en littérature quand il n'est pas écrit par les témoins directs ou les victimes de tels actes. N'y a-t-il pas en outre une sorte de voyeurisme à lire un roman où sont racontées de telles atrocités ? Bien sûr, il est légitime de s'interroger sur ces sujets, mais alors il faudrait aller plus loin et se demander ce qui fait - et ce que fait - LA littérature. le grand talent de Edna O'Brien est de réussir à parler, à ressentir, à vivre, avec les mots et les ressentis imaginés de sa petite héroïne... et de le faire avec justesse, finesse, empathie, émotion, réalisme, d'entrainer le lecteur dans ce monde de violence et d'horreur avec la puissance de ses mots. Non, ce n'est pas un article journalistique, et ce n'est pas non plus un témoignage, comme le serait un texte écrit par une des filles enlevées, violées, esclavagisées...Ce n'est pas un compte rendu, ce n'est pas un documentaire...En effet, c'est de la littérature, et n'est-ce pas à cela que sert l'art, dire le réel en l'interprétant afin que nos semblables s'en fassent une idée, qu'ils en entendent un écho, puisque de toute façon ils n'auront jamais l'expérience directe de ceux ou celles qui l'ont vécue ? C'est ainsi en tout cas que j'ai lue "Girl", comme une transmission symbolique de femmes qui n'ont pas pu ou voulu parler et que l'on entend à travers le texte de l'auteur. Un très beau livre malgré sa violence sourde.
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À celle qui connaît le poids des mots de la féminité et de la liberté, cette auteure qualifiée de "guerrière ", le féminisme ne peut se cantonner à un ou deux hashtags, ou à des défilés seins nus.
Edna O' Brien a conquis sa liberté de femme à la force des poignets, et quand, à 88 ans, elle décide de raconter l'histoire des "filles du Bush", ces écolières enlevées par Boko Haram en 2014, elle le fera après trois années d'enquête sur place, en jetant toutes ses forces dans l'écriture. Pour rappel, Boko Haram est une secte islamique terroriste qui multiplie les crimes de guerre au Nigeria, kidnappant une multitude d'enfants - les garçons pour la guerre, les filles pour le sexe - au nom d'un commandant en chef divin qui aime les têtes coupées au petit-déjeuner et les fillettes au souper.
Ce livre est atroce et magnifique. Atroce quand il n'épargne rien du sort de ces gamines, et magnifique comme peut l'être la littérature quand elle dénonce l'indicible.
Je ne dirai rien dans ce billet du chemin de croix de Maryam et de son enfant né en captivité. Je dirai juste mon admiration éblouie pour cette très grande dame de la littérature qui compose comme on crie, en partant du ventre et du coeur.
L'actualité est bien trop prise sur d'autres fronts pour revenir à ces fous de Dieu qui déciment un continent qui ne nous intéresse que de loin.
Pauvre Afrique, si belle Afrique piétinée de toutes parts. Edna O'Brien s'est imprégnée des méandres culturels nigérians, mêlant animisme, cultes païens, catholicisme et islamisme, qui fondent et structurent la société encore aujourd'hui. Elle décrit un peuple marqué par les conflits et la peur, déniant toute résilience à ses filles martyrisées si elles parviennent à fuir l'enfer.
Maryam, la jeune fille de Girl prend une stature de Coré enlevée par Hadès, dieu des enfers, sans Déméter pour la sauver. Pour apprendre à aimer sa fille, fruit honnis de ses entrailles outragées , et pour se pardonner, elle devra faire un très long chemin.
Une oeuvre tristement inoubliable comme le sont toutes les tragédies.
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« J'étais une fille autrefois, c'est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles, un bourbier. Emmenée en trombe à travers cette forêt que j'ai vue, cette première nuit d'effroi, quand mes amies et moi avons été arrachées à l'école… » . le dernier roman d'Edna O'Brien, « Girl », dont la traduction paraît simultanément à sa version originale anglaise en septembre chez Sabine Wespieser, démarre sur les chapeaux de roues, les roues des camions de Boko Haram, emmenant les lycéennes nigérianes que le groupe terroriste vient de kidnapper. Evoquée par l'une de ces jeunes victimes, c'est l'histoire de cet enlèvement collectif, des humiliations et des violences subies, viols et mariages forcés, que relate avec une rare puissance tout le début du texte. Mais « Girl », notre héroïne suppliciée, n'en a pas fini avec la souffrance et l'indignité lorsqu'elle réussit enfin à échapper aux djihadistes, avec Babby, sa toute jeune fille, née de son mariage imposée… Dans la forêt, elle est prête, à bout de force, à abandonner l'enfant, lui faisant cette confession terrible « je ne suis pas assez grande pour être ta mère », puis, sauvée par des nomades, retrouvant les siens, elle découvre qu'elle est devenue une « femme du bush », mère d'une fille au « mauvais sang », l'une et l'autre soupçonnées de pouvoir contaminer leur entourage par l'idéologie de leurs anciens ravisseurs… Un texte aussi vigoureux que poignant, chargé d'émotion, où l'on retrouve toute la pugnacité d'une écrivaine hantée par les violences faites aux femmes, se battant de livre en livre pour la défense de leur liberté et de leur dignité, pour avoir été elle-même victime dans sa jeunesse des préjugés politiques et religieux régnant dans son pays. Une grande dame des lettres irlandaises, décidément, Edna O'Brien, dont ce roman illustre une fois de plus l'énorme talent !
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