Difficile de présenter un livre qui l'a été déjà par de nombreux lecteurs, qui ont utilisé ( et ils ont eu raison ) les mêmes phrases chocs écrites par Edna O'Brien.
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Girl -, c'est, comme son titre ne manque pas de l'indiquer, un mot "emprunté" à la célèbre formule qui a fait le tour du monde et dont
Michelle Obama a été l'un des étendards " BRING BACK OUR
GIRLS ", en référence à ces plus de 200 malheureuses lycéennes enlevées par les djihadistes de Boko Haram en 2014 au Niger.
Cinq ans après, l'auteure donne la parole à l'une d'entre elles, mais ce une est le porte-voix de toutes les autres, de ces femmes qui, dans une société ultra patriarcale passent du rang "d'otages consenties" à celui " d'otages asservies, endoctrinées, avilies, violées, torturées, humiliées, mutilées, engrossées ou tuées."
Comme disait, je ne sais plus qui (qu'il ou elle m'excuse) " en dessous du lumpenprolétariat - prolétariat en haillons -, il y a les femmes."
Cette histoire nous le montre avec force réalisme, sans pathos, sans auto-apitoiement, d'où une résonance particulière dans le coeur du lecteur, que cette souffrance infligée à des "enfants".
De son enlèvement dans son internat, à son séjour dans le camp djihadiste, jusqu'à sa fuite et à son retour "triomphal" parmi les "siens" avec "Babby", l'enfant de la honte et du déshonneur - attention ! Les héros ne sont plus toujours ce qu'on voudrait qu'ils soient -, Edna O'Brien occulte volontairement toute date, tout repère temporel. le lecteur est aussi désorienté dans le temps et l'espace que l'est la victime-narratrice, dont le récit découverte nous permet de voir à travers son regard... celui des autres. Celui des fous de Dieu, celui de ceux qui les fuient, qui en ont peur, celui de ceux qui trahissent, qui vendent leur âme au diable, celui de la famille, des proches, des amis, et celui d'une société, de ses institutions et de ses plus hautes autorités.
Et il n'y a pire regard pour une victime innocente qu'un regard qui change, qui vous juge et vous transforme en coupable.
Dans l'actualité, on sait, ou plutôt on ne sait pas ce qu'il est advenu de ces jeunes filles si ce n'est qu'elles n'ont pas été libérées à ce jour, et que des "communiqués" de Boko Haram voudraient laisser penser qu'elles se sont ralliées à l'islamisme radical.
En tous les cas, ce livre a le mérite de leur donner une voix, de les rappeler à notre souvenir, de nous interpeler - et Dieu sait si nous en avons besoin -. Il a le mérite surtout, de les garder en vie.