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Ma vie de cafard
Joyce Carol Oates


C'était le week-end de Pâques et il pleuvait.
Sans arrêt.
J'ai attaqué Ma vie de cafard avec le cafard, ça ne pouvait pas mieux tomber.
J'ai lu en oubliant la pluie.
Joyce Carol Oates est un génie.
Et même si je me suis dit à plusieurs reprises en lisant ce livre que je n'aimerais pas me trouver à l'intérieur de sa tête parce que quand même, c'est effrayant ce qu'elle y trouve, dans sa tête, Joyce Carol Oates est un génie d'imagination, d'écriture, de situations, de construction.

Je l'avais découverte grâce à mon amie Laurence qui m'en avait parlé il y a quelques années : « Quoi tu n'as jamais lu Joyce Carol Oates ? Mais c'est impossible, commence par « Nous étions les Mulvaney » et enchaîne avec « Les chutes »… Laurence est une personne dotée d'une légitimité naturelle c'est pourquoi j'avais obtempéré. On devrait tous avoir une Laurence près de soi pour nous recommander des autrices surdouées !

Ma vie de cafard est l'histoire d'une famille modeste les Kerrigan, installée dans l'état de New York à South Niagara, dans les années 90. Une famille moyenne dont le père d'origine irlandaise incarne le patriarcat, tout le patriarcat. Dans cette famille, il y a sept enfants, quatre garçons et trois filles et parmi ces trois filles, il y a Vio-Let Rue, douze ans, bannie de sa famille pour avoir dénoncé ses frères au sujet d'un crime qu'ils ont commis ! Alors commence sa vie de cafard … loin de cette famille et auprès des mauvaises personnes, des hommes en particulier.

Là où Joyce Carol Oates est un génie c'est pour décrire de manière si précise et si juste les liens familiaux qui demeurent malgré les drames et le temps qui passe :
L'amour d'un enfant pour ses parents malgré tout et avec Joyce Carol Oates tout c'est beaucoup.
La vie de Vio-Let Rue n'est pas un long fleuve tranquille,
La lecture de Ma vie de cafard ne l'est pas non plus.
Mais ce livre, traduit de l'américain par Claude Seban, est incontournable comme l'est toute l'oeuvre de Joyce Carol Oates.
Merci Laurence !

instagram @mesmotsdanslesleurs
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Violet Rue est la dernière de la fratrie de sept enfants de la famille Kerrigan.
Ils habitent dans une petite ville de l'État de New-York .

Dans les années 1970, les frères ainés de Violet renversent volontairement un cycliste et le rouent de coups simplement parce qu'il est noir et qu'ils ont bu.
Une fois rentrés chez eux, ils nettoient leur voiture et enterrent sommairement la batte de base ball qui a servi d'arme .
Seulement, ils sont loin de se douter que Violet , 12 ans, les a vus .

Le jeune garçon décède de ses blessures.
L'enquête piétine jusqu'à ce que Violet méchamment poussée par un de ses frères , se blesse et avoue ce qu'elle a vu au principal de son collège .

Bien sûr, les frères sont arrêtés et envoyés en prison .
Mais Violet est bannie de chez elle , rendue responsable de l'arrestation de ses frères et elle est envoyée chez une tante,.
Elle espère pouvoir retrouver son foyer et souffre , elle n'est pas en état d'accepter l'amour de sa tante ou de se faire des amies ...

Ce roman , plutôt poignant, ouvre le débat sur plusieurs points :
le sens critique, d'abord , avec le refus du père, un homme sévère , brutal avec ses enfants, surtout les garçons , de reconnaitre la culpabilité de ses fils même devant les preuves .
Dans la famille Kerrigan, on se sert les coudes et on reste uni avant tout et devant les autres , donc c'est l'effondrement du schéma paternel .

Cela pose également la question du pardon : qui doit pardonner à qui.
Violet, à juste titre pour le lecteur est injustement chassée et attend que ses parents et surtout son père dont elle était jusque là la préférée lui demandent pardon .
Alors que pour sa famille, c'est par elle que le déshonneur est arrivé et que c'est à elle de faire sa contrition .
Les Kerrigan sont catholiques et la religion compte beaucoup, surtout pour la mère .
Les actes de confession sont un passage obligé pour les enfants qui ne perçoivent pas forcément la nature des péchés .
Ça ne vous est pas arrivé d'être dans le confessionnal quand vous étiez petits, je parle de la même époque, années 1970 et de ne pas savoir quoi dire au prêtre, dont l'haleine à travers cette mince paroi ajourée de bois était souvent désagréable...

Bref, Violet, désemparée par ce rejet n'a pas le discernement vis à vis des mauvaises personnes qu'elle rencontre et qui lui font du mal: peur de nouveau d'être mise au pilori , c'est la honte de tellement de femmes violentées qui n'osent pas parler ou qui minimisent les actes.
Ses choix sont souvent mauvais et l'obligent fréquemment à fuir . Ces fuites répétées sont le miroir de sa vie : un labyrinthe pour retrouver l'amour familial .

Hasard de la vie, j'ai regardé peu après ma lecture le film de Jeanne Herry : Et je verrai toujours vos visages .
Un film sur la justice restaurative assez stupéfiant et qui vient en miroir de ce roman parler de colère et d'angoisse, de peur qui colle à la peau des victimes et aussi de la prise de conscience des agresseurs .
On sent tout le travail effectué par chaque personne pour se reconstruire et j'aurai tant désiré la même démarche pour Violet Rue , l'aider , la rassurer et lui offrir une existence plus heureuse !
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Cafard, Violet Rue Kerrigan est un cafard : elle n'a pas réussi à tenir sa langue, elle a dénoncé ses frères, coupables de meurtre. Elle devient de fait une ignominie pour le reste des Kerrigan, une exilée loin des siens qui doit vivre avec cette trahison, une autre elle-même qui subit une constante et paradoxale culpabilité, celle d'avoir cafardé, et celle de savoir que ce qu'elle a fait était juste.

Culpabilité qui deviendra un fardeau de plus en plus lourd à porter, les années passant, l'adolescence laissant place à l'âge adulte, la relative sécurité cédant le pas à la peur de voir la libération fraternelle de prison se transformer en vengeance, la progressive acceptation de soi et la stabilité, géographique, émotionnelle, rendue, de ce fait, difficile. Il est attachant, et profondément humain, en tout cas, ce cafard.

Avec ce roman, Joyce Carol Oates signe un nouveau tour de force, cette fois pour aborder sans fard le racisme à travers le regard d'une simple petite américaine d'origine irlandaise, qui a décidé de nommer les choses pour ce qu'elles sont, même si en premier lieu inconsciemment. Malgré tout, il m'a manqué la petite touche narrative percutante de l'autrice à laquelle je commençais à m'habituer, le récit étant ici, en effet, un peu plus académique et moins tortueux que dans les autres romans que j'ai déjà pu lire.

Ma vie de cafard n'en reste pas moins une lecture plaisante - enfin plaisante est un adjectif assez particulier à utiliser pour parler d'une oeuvre de Joyce Carol Oates, disons plutôt une expérience de lecture convaincante.
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Roman social dramatique.
Une histoire où la violence se diffuse en continu sous divers aspects, racisme, sexisme, misogynie.

« Si ma vie de cafard prend fin un jour, je repenserai à ces années comme à un rêve fiévreux où le rêveur est dans un état de quête, de désespoir permanent. »

L'autrice dresse le portrait de la famille Kerrigan dans les moindres détails. Elle installe le climat sombre et malaisant dont elle maîtrise le secret d'écriture, en effet elle insère tous les ingrédients pour captiver le lecteur. Elle s'attache à mettre l'accent sur le contexte social et religieux.

Les Kerrigan vivent dans l'état de New-York. C'est une famille nombreuse, catholique, issue de l'immigration irlandaise ; le patriarcat domine.

La solidarité et la loyauté au coeur de cette famille font partie des valeurs de l'éducation très patriarcale qui règne chez les Kerrigan.
On doit se dire les choses au sein de la cellule familiale, ne pas se mentir et être prêt à tout pour défendre et protéger les siens.
« On était prêt à mourir pour sa famille et (peut-être) pour ses amis (proches) à la façon dont les soldats étaient prêts à mourir pour leurs camarades ».

La plus jeune de la fratrie, Violet Rue, remonte le fil de ses souvenirs autour d'un évènement survenu dans les années 70 – le meurtre d'un afro-américain dans leur petite ville traversée par le Niagara. Ses frères avaient-ils prémédité leur acte ?
Lorsque le drame s'est produit, elle n'avait que douze ans à l'époque…
Cette tragédie décida de son avenir et portera des échos longtemps présents dans la vie de Violet.

Le point de non-retour atteint, les conséquences pour Violet marqueront sa vie, chargée d'ombres et de traces indélébiles sur son émancipation, en quête d'affection en l'absence de repères et d'amour, et toujours dans la crainte, la honte et la culpabilité, avec l'espérance d'une réconciliation.
« Je cherche juste à sauver ma peau ».
Le personnage de Violet Rue est tout à fait crédible et touchant. Les liens familiaux, les relations, sont analysés dans toute leur complexité et les personnages avec sens de la psychologie.
*
Je continue à apprécier le style de l'autrice et ce talent pour capter l'attention et décrire les plus bas et vils instincts humains, elle réussit à instiller une violence latente, presque tacite, tout au long de l'histoire.

LC avec @Flaubauski

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Ce roman de Joyce Carol Oates n'est pas facile à appréhender je trouve. Il débute sur une affaire judiciaire qui fait éclater le cadre familial de Juliette puisque c'est elle qui dénonce ses frères qui ont battu à mort un jeune noir.
Renvoyée de chez elle pour avoir cafardé, elle va vivre chez sa tante dans un autre état mais reste comme sidérée et a beaucoup de mal à parler.
Mais ensuite intervient la partie du récit où l'adolescente est la proie de plusieurs prédateurs sexuels : son professeur de mathématiques d'abord (un pervers psychopathe bien malsain) puis alors qu'elle est étudiante et effectue des ménages, un de ses employeurs qui la teste avant de faire d'elle son jouet.
Et tout du long, Violet ne pense qu'à la réconciliation avec sa famille et comment expier sa trahison (honnête en terme de justice mais bon), obtenir le pardon de son frère qui sort de prison.
On ressort de cette lecture dans un état second.
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En novembre 1991, Violet Rue Kerrigan, 12 ans, est la cadette des Kerrigan, une famille irlandaise catholique traditionnelle de sept enfants, vivant à South Niagara. L'alcoolisme, la misogynie, la violence, le racisme cohabitent dans cette famille complexe mais soudée jusqu'à ce que Violet provoque l'irréparable. Un soir, les deux frères aînés de Violet, Jerr et Lionel, renversent un jeune afro-américain en vélo, Hadrian Johnson, puis le tabassent. le jeune homme décède des suites de ses blessures. le soir même, Violet surprend une conversation entre ses frères. Lorsque l'enquête débute, elle devine ce dont ils sont responsables et totalement angoissée et perturbée, Violet dénonce ses frères. La petite-fille est alors bannie de la famille et envoyée vivre chez sa tante Irma, à 130 kilomètres de chez elle.

Plonger dans un roman de JC Oates, c'est plonger dans l'histoire de la société américaine, dans ce qu'elle a de plus sombre. En décrivant l'ensemble des sentiments qui composent la personnalité de Violet, l'auteur brosse ainsi le tableau des conflits qui agitent la société américaine. A travers la voix et les pensées de Violet, l'auteure nous montre tout le dilemme qui se pose à l'être humain lorsqu'il est partagé entre son devoir de justice et son devoir familial. Violet aime sa famille : son père en premier lieu, et puis ses frères dont elle recherche l'attention et l'affection. Mais le sens moral de Violet est le plus fort puisque malgré son attachement profond à sa famille, elle n'hésite pas à trahir cette dernière. Si la dénonciation de la petite-fille est surtout impulsive au début, la jeune femme qu'elle devient reste elle emplie de remords et d'un profond sentiment de redevabilité envers la famille d'Hadrian Johnson. Plus largement, Violet ne supporte pas le racisme ambiant du monde qui l'entoure, ainsi que sa violence.
En effet, les rencontres qu'elle fera, d'un professeur de maths suprémaciste blanc fanatique à son amant qui fantasme sur ses potentielles relations sexuelles avec des hommes Noirs, en passant par le racisme ordinaire de sa famille, révèlent combien la société américaine reste gangrenée par le racisme, un thème que JC Oates aborde très souvent dans ses romans.
Autre thème de prédilection de JC Oates, c'est bien sûr la condition de la femme et les violences exercées contre elle. Les hommes que Violet rencontrent sont tous des prédateurs qui prolongent sa solitude de « cafard » et son enfermement. A un autre degré, la mère et la tante de la jeune femme sont elles aussi d'autres exemples de femmes soumises à des maris misogynes.

Comme à son habitude, c'est au scalpel que Joyce Carol Oates étudie la sociologie dans laquelle s'inscrit l'histoire de Violet.  le regard que cette dernière porte sur elle-même, ses proches, ses rencontres, le monde qui l'entoure rend l'approche psychologique de ce personnage passionnant. Récit fort et touchant, « Ma vie de cafard » véhicule malgré sa thématique sombre des sentiments positifs : courage, empathie, résilience, sens de la justice.
Une fois de plus, un roman qui confirme tout le génie de JC Oates.
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« Ma vie de cafard » Joyce Carol Oates (Points 460p)
Ames sensibles ou dépressives plutôt s'abstenir.
Sinon, on peut y aller, ouvrir ce plutôt bon roman, dur, violent, mais qui ne tombe pas dans le voyeurisme. Il nous guide sur une quinzaine d'années de vie de la narratrice, Violet, 12 ans au moment où commence son récit. Six frères et soeurs, une mère au foyer, un père ouvrier ou quelque chose dans le genre, une petite maison avec un jardin dans une bourgade proche des chutes du Niagara, de nos jours. On n'est pas dans le sud profond des petits blancs de Erskine Caldwell dans les années 50, mais ça y ressemble par bien des côtés. le racisme le plus archaïque y gangrène ce petit monde, c'est le « ressac blanc », ce mouvement qui suit et contrebalance l'élection de Barack Obama et les révoltes contre les crimes racistes de la police blanche, comme un retour du refoulé d'une société qui semble irréductiblement ancrée dans ses préjugés : « on est accusés, par ce qu'on est blancs ». Or les deux frères ainés de Violet sont bel et bien coupables d'un terrible crime raciste gratuit, Violet l'a compris, et un jour elle n'a pu faire autrement que de rompre le pacte de silence. Malgré ce qui la lie à sa famille, elle est devenue un cafard, une cafardeuse, responsable de la condamnation « injuste » qui frappe ses deux frères, et par contrecoup toute sa lignée. Bannie à 12 ans, y compris par son père adoré, elle débute un exil chez une tante lointaine.
Mais les hommes qu'elle rencontre et à qui a priori elle devrait pouvoir faire confiance se révèlent des pervers, les femmes presque toutes des lâches. Comment grandir et devenir adulte face à ces humiliations et ces trahisons ?
Dans le regard de cette jeune femme, c'est le tableau bien sombre et réaliste d'une Amérique d'aujourd'hui qui n'a toujours pas chassé ses démons.
C'est donc un roman particulièrement noir, on cherche longtemps un rai de lumière dans la vie de Violet, d'autant que Joyce Carol Oates se concentre sur les aspects les plus sombres. Elle ne nous dit par exemple rien de la foi que la jeune fille met dans l'acharnement à reprendre des études, ce que cela lui apporte, les espoirs qu'elle y trouve, des rencontres humaines ou culturelles positives qu'elle peut y faire.
Du coup, on souffle à cette lecture, on se demande si ses malheurs vont bientôt se terminer, et il y a parfois des longueurs inutiles (est-ce parce que, comme le précise l'auteure, ce roman est la réécriture de plusieurs textes disparates, publiés ailleurs ?) Mais c'est plutôt bien écrit, les sentiments de Violet (la culpabilité, sa force, son besoin d'aimer et d'être aimée sans être trahie encore et encore), sont particulièrement bien fouillés.
Un très bon roman sans doute, mais après cela, on a besoin d'une bonne cure d'espoir, si peu esquissé ici.
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Pour rester dans l'image zoologique, quelle mouche a donc piqué la traductrice d'intituler ce livre « Ma vie de cafard » alors que le titre en V.O mentionnait le rat ? To snitch en anglais, traduction de « cafarder » ne se réfère pas à un animal en particulier. En revanche, outre-atlantique, on prête au rat le même défaut majeur que le cafard dans la langue de Molière. Erreur éthologique majeure, d'ailleurs, puisque le rongeur, bien qu'il suscite appréhension ou dégoût, n'en demeure pas moins un animal intelligent et social. Les rats usent de stratégies et de solidarités familiales autrement plus poussées que chez bien d'autres mammifères, suivez mon regard. Peut-être Joyce Carol Oates, jouait-elle précisément de cette méprise pour qualifier cette histoire de rupture familiale ? Violet, notre héroïne bannie des Kerrigan, parviendrait-elle à s'en sortir loin de ce foyer qu'elle contribua à déstabiliser ?
« Ma vie de rat », donc, est une chronique passionnante qui nous plonge dans cette Amérique des franges où le racisme et les délits sexuels causent des ravages. le tragique destin de Violet permet d'aborder de nombreux angles de ces problématiques, qui, comme souvent, au pays de l'Oncle Sam, sont à analyser à travers le prisme d'une sensibilité religieuse exacerbée. Joyce Carol Oates décrit avec précision tant le cadre social que la psychologie des personnages ainsi que leurs relations. Ne pas faire sombrer le lecteur dans l'ennui pendant plus de 400 pages en traitant de thèmes aussi sombres qu'intimistes est une gageure dont l'auteure se sort avec une grand maîtrise. Pourtant, en refermant ce livre passionnant, une petite insatisfaction me tirailla. En songeant à toutes ses mésaventures successives, il m'apparut que notre pauvre Violet était une sorte de François Pignon XXL, sans toutefois que cette avalanche de galères ne prête à sourire. du coup, la véracité de ce personnage principal me sembla souffrir de la volonté légitime mais sans doute trop poussée de Oates de dénoncer the dark side of the american moon (je garde volontairement le terme anglais pour ne pas que le mot « lune » ne suscite chez certain(e)s des ricanements malséants, c'est bien le cas de le dire).
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Je n'ai lu qu'un seul livre de Joyce Carol Oates, un livre qui m'avait projetée dans l'intimité d'un grand malade psychopathe et qui m'avait grandement perturbée, mais dont j'avais aimé la plume. Il était donc logique que je revienne vers elle, sans trop savoir vers lequel de ses nombreux romans je me tournerai (d'autant que je m'en étais noté pas mal). C'est un peu par hasard que j'ai choisi "Ma vie de cafard", le titre et les thèmes associés étant attirants.

Un cafard, outre l'insecte, désigne également une personne qui moucharde ou dénonce. Dans ce roman, il s'agit de Violet Rue, gamine de 12 ans, témoin d'un événement accusant directement deux de ses frères du meurtre d'un jeune afro-américain. Comme le titre et le résumé de la quatrième de couverture l'indiquent, elle va cafarder, entraînant l'arrestation et la condamnation de ces derniers.

L'histoire se déroule en premier lieu à South Niagara, dans l'état de New York. Violet revient sur son enfance et sa vie de famille d'avant le drame, prend le temps de nous présenter chacun des membres : son père, que tout le monde craint et adore ; sa mère, dévouée à son mari et ses enfants mais malheureuse ; ses quatre frères et ses deux soeurs, tous plus âgés qu'elle. Une vie de famille tout ce qu'il y a de plus normale (ou presque), jusqu'à ce fameux jour où Hadrian Johnson se fait agresser et meurt quelques jours après de ses blessures.

Reniée par sa famille pour avoir dénoncé ses frères lors d'un moment de panique et de forte fièvre, Violet est recueillie par une tante et continue à nous raconter son histoire, désormais sa vie de cafard.

Rejet familial, violence, racisme, sexisme, abus sexuels, culpabilité, honte, vont bercer les vingt années qui vont suivre, toujours dans la peur de représailles et toujours avec l'espoir qu'on lui pardonne et qu'on lui demande de revenir...

Joyce Carol Oates nous entraîne dans une histoire sombrement initiatique, dans laquelle on aimerait prendre sous son aile cette gamine complètement perdue et rejetée, qui tente d'avancer et briller pour se faire pardonner, pour rentrer, pour retrouver sa vie d'avant, son insouciance, son enfance. J'ai souffert avec elle et perçu ses moindres ressentis, elle m'a beaucoup touchée.

Et la plume de l'autrice y est pour beaucoup, puisqu'elle sait nous raconter des choses moches de belle manière. Une plume qui a une âme, s'adressant directement au lecteur, lui permettant de s'impliquer dès les premières pages. Une plume sachant décortiquer la complexité des liens familiaux autant que les sentiments et la psychologie des personnages. Une plume qui dégage une certaine aura, rendant l'atmosphère ambiante pas toujours très confortable et pourtant captivante.

Joyce Carol Oates prend le temps de tout installer, les personnages, les lieux, le contexte socio-familial. Son histoire, tragique, ne nous laisse pas indifférents, tout comme ses personnages, fouillés et bien campés, qui nous touchent ou qu'on déteste profondément.

Roman noir, roman iniatique, roman psychologique, "Ma vie de cafard" est tout ça à la fois. Bouleversant, incandescent et intense, tels sont les premiers mots qui me sont venus à l'esprit en le fermant. J'ai beaucoup aimé, vraiment beaucoup aimé.
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Encore un grand roman écrit par une grande autrice. JCO continue de dépeindre une Amérique pétrie d'injustices et de contradictions. Ici, on découvre à quel point une famille est prête pour défendre son honneur et sa dignité (ou ce qu'il en reste). À cela s'ajoute la douce naïveté de Violet, si touchante alors qu'elle souhaite juste être protégée et pardonnée.

Si l'écriture de JCO peut paraître particulière – première et seconde personnes du singulier sont habilement mêlées dans ce roman – la lecture n'en reste pas moins agréable. Est-ce une façon de montrer la dissociation que ressent Violet après le drame ? En tout cas, ça fonctionne. La jeune fille est profondément troublée par le rejet de ceux qu'elle aime tant, son père en particulier. Dénoncer les coupables ou rester loyale à sa famille ? J'ai refermé ce livre en me questionnant, en me demandant si il y a réellement un choix à faire entre les deux…

En bref, une lecture passionnante qui interroge et soulève des points importants. du JCO comme j'aime, évidemment, et je vous le conseille fortement.

Attention toutefois, certaines scènes peuvent être choquantes - je pense notamment au chapitre intitulé « Mr. Sandman » ‼
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