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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Joyce Carol Oates revient ici sur des pans de sa vie ; de son enfance où elle vit avec ses parents dans la ferme de ses grand-parents hongrois, sa scolarité, ses études, sa soeur autiste, le suicide d'une amie, sa grand-mère bien aimée, sa rencontre avec son futur mari au décès de ses parents.
Il n'y a aucun voyeuriste, tout est en délicatesse.
Comme d'habitude le style est agréable et fluide.
Et surtout ce récit est une déclaration d'amour posthume à ses parents. Ils étaient taiseux, bienveillants, la laissaient libre et elle n'a jamais douté de leur amour.
J'ai vraiment passé un bon moment de lecture.
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Paysage perdu « de l'enfant à l'écrivain » est une oeuvre auto-biographique qui rassemble, pour une majeure partie, divers textes déjà publiés entre 1986 et 2015, et remaniés pour ce récit.
Joyce Carol Oates nous offre un focus sur divers moments de sa vie, agencés de façon globalement chronologique. Divers paysages, émotions, rencontres sélectionnés par « le filet déchiré » de sa mémoire, à la recherche sincère de ce qui forgea sa nature d'écrivain.

le premier paysage est celui d'une ferme paumée dans l'Amérique profonde, rustique, rurale et rude, celle où elle vécut jusqu'à son départ pour l'université. Nous irons aussi à Detroit où la jeune mariée vit intensément le choc des conflits entre américains et afro-américains, notamment lors des émeutes de 1967. Elle enseignera également à Windsor, puis à Princeton, évoluant dans des paysages désormais bien éloignés de ceux de son enfance, et pourtant habités par tous ceux qu'elle chérit et qui l'ont quittée, ses chers parents Carolina & Fred Oates, ou sa grand-mère paternelle Blanche Morgenstern qui lui offre ses premiers livres. Puis son cher mari pendant plus de 47 ans, Raymond Smith.
Les paysages de Oates sont plutôt solitaires, à la façon des peintures de Ed Hopper, mais elle y intègre quelques portraits qui ont vraiment compté, qui ont généré des émotions durables, qui ont influé sur son envie, besoin, d'écrire, et sur le contenu de ses écrits. Une mine d'informations précieuses pour qui apprécie cette autrice, une émouvante façon de la découvrir pour qui comme moi, n'a lu qu'un de ses si nombreux romans.

JCO dit dans ce livre « la prose autobiographique ne m'a jamais attirée parce que je n'ai jamais eu le sentiment que ma vie était à moitié aussi intéressante que ce que mon imagination pouvait faire de celle d'autrui; quelle que soit mon "histoire", elle n'a rien de passionnant comparée à d'autres, y compris celle de mes parents, de mes grands-parents et d'autres de leurs générations qui m'ont toujours paru avoir vécu une vie plus proche de l'essentiel que leurs enfants et petits-enfants. ». Je n'ai perçu aucune fausse modestie dans cette phrase émanant pourtant de qui est en plein récit autobiographique, je n'ai perçu qu'une recherche intègre de vérité, la même que celle qui émane du roman que j'ai lu d'elle (« Respire... »), un regard acéré sur le monde qui l'entoure, une lucidité, une exigence envers elle-même, un désir de décortiquer son âme et celle des autres avec le même soin.
Il est vrai que sa vie n'est pas des plus remarquables, hormis si l'on tient compte du fait qu'elle soit considérée comme une femme de lettres remarquable, couvertes de prix littéraires, ce dont elle ne fait pas état dans ce livre. J'ai plutôt ressenti qu'il s'agissait là d'un don à tous ceux que le processus de création littéraire rend curieux. J'ai trouvé beaucoup de générosité à ce récit, finalement. En tant que curieuse et aussi en tant qu'être humain qui s'inscrit dans une lignée familiale car JCO évoque ses aïeux avec beaucoup d'amour, sans filtre. Son émotion de s'inscrire dans un livre auprès de ses parents est vraiment touchante.

« Heureux le poulet" qui ouvre le livre m'a marquée également, le poulet si proche de la petite Joyce Carol, alors une enfant de 4 à 6 ans. Un début de récit en grande partie offerte par Babelio si l'on clique à la page du livre sur "lire un extrait".
Ce récit m'a émue, cette amitié surprenante, puis cette odeur de plumes de poulet mouillées, cet appel « PETITS ! petits, petits, petits, PE-TITS ! » il m'a semblé réentendre ma propre grand-mère il y a bien longtemps.
Puis j'ai été marquée par le style de l'autrice, davantage que dans le reste du livre. La façon dont elle mélange les points de vue du poulet, d'elle-même enfant, et au travers de l'enfant, d'elle-même adulte m'a beaucoup plu. Il faut dire que dans le reste du livre, il n'est pas fait étalage d'un style si recherché, ou d'effet de style tout court. La sincérité brute, les bribes de souvenirs dont on essaye de faire sortir l'essence qui a forgé l'écrivain.
Et si ce premier récit m'a semblé en particuliers différent du reste -et est-ce un défaut ?-, j'applique la même remarque à l'ensemble du livre, à vrai dire. Il est clair que ce sont des récits disparates, auxquels ont a voulu donner un sens chronologique. Peut-être une mécanique finalement assez fidèle à la celle d'une mémoire qui chercherait une logique, mais qui me semble-t-il nuit un peu à la fluidité de cette lecture.
Commenter  J’apprécie          2021
Je crois vous avoir déjà dit que j'aimais découvrir, au-delà d'une lecture, l'auteur(e) qui tient la plume car on comprend et découvre ainsi certaines clés liées à son oeuvre car souvent écriture et vie sont étroitement liées.

J'ai eu des expériences de lecture très variées avec Joyce Carol Oates : tout d'abord très mitigées avec Je vous emmène, puis Confessions d'un gang de filles et plus réussie avec Les Chutes il n'y a pas très longtemps et qui m'avais conquise.

C'est un récit très personnel que Paysage perdu. Joyce Carol Oates revient sur son enfance dans l'état de New-York, près de Niagara, dans la ferme de ses grand-parents maternels, où elle a passé toute son enfance avec eux et ses parents, Frédéric et Carolina et son jeune frère Robin (dit Fred Junior). C'est un milieu pauvre, immigrés hongrois où les distractions étaient rares à part la vie de la ferme et la nature. C'est avec beaucoup de tendresse et d'humour qu'elle se raconte. Il y a autour d'elle beaucoup d'amour, non exprimé mais ressenti, présent, un amour pudique qui ne s'exprime pas par les mots.

Dès les premières pages elle donne à Heureux le Poulet, son animal de compagnie, une poule rousse, la parole et à travers ses yeux on découvre l'environnement dans lequel Joyce a grandi. C'est à la fois très drôle et très habile de se pencher sur soi à travers celui qui partageait ses journées, doué, d'après elle, de beaucoup de facultés, son ami, son confident.

Joyce Carol Oates reprend ensuite la narration pour délivrer ses souvenirs parsemant ça et là des informations sur les origines familiales et des éléments de l'enfance de ses parents qu'elle développera plus longuement plus loin.

Avec une écriture douce, posée, qui peut sembler parfois légère mais révélatrice de sa personnalité qu'elle aborde de nombreux thèmes comme l'amitié, la religion, la mort, les agressions sur enfants, sa relation à ses lieux de vie, ses années universitaires, son hyperactivité, ses insomnies, son obsession de la réussite, son refus de l'échec, son amour de sa solitude et aussi de façon très pudique son premier mari Ray Smith.

De nos blessures et de nos désarrois, nous faisons des monuments à la survie ; sur nos bons choix et nos bonheurs, nous devons garder le silence. Nous n'osons parler pour autrui, et il n'est jamais bon de révéler l'intimité, fût-ce pour la célébrer. (p290)

sur son obsession à réussir, sa peur de l'échec mais aussi son rapport aux lieux de vie et ses rituels (comment ne pas penser à Virginia Woolf). le souvenir de la ferme de son enfance reste très présent, a été la source de son inspiration d'écrivaine :

Quand une maison a été abandonnée parce que trop délabrée, trop pourrie pour qu'on puisse espérer la vendre, que très vraisemblablement elle a été saisie par le comté pour défaut de paiement, et mise sous séquestre, elle a été le lieu d'une histoire douloureuse. Des vies ont été dévastées. Des vies dont il faut parler avec précaution. (p117)

Le récit est construit autour de différents articles parus par le passé, remaniés et enrichis, de bribes de son journal afin de restituer le paysage de son enfance, ce qui l'a construit et qui a fait d'elle l'auteure qu'elle est devenue, qui lui a donné le désir d'écrire.

Au commencement, nous sommes des enfants imaginant des fantômes qui nous effraient. Peu à peu, au cours de nos longues vies, nous devenons nous-mêmes ces fantômes, hantant les paysages perdus de notre enfance. (p15)

Elle évoque les écrivains, poètes ou peintres représentatifs de ses sentiments et souvenirs, comme Edward Hopper :

Ce sont les tableaux d'Edward Hopper qui viennent le plus immédiatement à l'esprit : ces visions stylisées dérangeantes d'une Amérique perdue, où les maisons n'ont jamais rien d'un « chez soi », où les êtres humains, si on les regarde de près, ne sont jamais plus que des mannequins. (p116)

En se plongeant dans son passé, elle soulève de nombreuses réflexions sur les événements d'alors et ce qu'ils sont maintenant comme la religion, les agressions d'enfants, les faits restent mais l'interprétation est parfois différente :

Assurément, selon nos critères d'aujourd'hui, certaines de ces agressions seraient qualifiées de sexuelles, mais en réalité c'était plutôt de la brutalité – une brutalité physique – assez semblable à celle dont ces mêmes garçons faisaient preuve à l'égard des animaux sans défense (….) qu'ils parvenaient parfois à attraper.(…) Je me rendis compte que j'étais stupéfaite d'avoir réellement vécu ces harcèlements, des mois et même des années durant, et d'avoir d'une certaine manière appris à les accepter avec le fatalisme d'un enfant qui, ne voyant aucun moyen de changer les choses, doit changer la perception qu'il en a. (p198-199)

Une grande partie du récit est consacrée à son enfance jusqu'à la fin de ses études qui peut sembler douce et joyeuse et dans le dernier quart elle revient sur les origines de ses parents, survolées dans la première partie, où l'on découvre que des drames s'y sont joués mais dont elle ne porte aucun jugement, ne dramatise rien, et reste admirative de l'amour reçu.

Comme elle l'évoque dans la postface, elle se méfie des souvenirs, des récits autobiographiques et pense que la vérité tient plus dans les journaux tenus sur le moment, à l'immédiateté des sentiments, qui reflètent plus la réalité que ceux qui sont remémorés et déformés par la vie et le temps. N'ayant que peu de documents sur lesquels se basés, elle préfère n'évoquer que ce qui lui semble êtres les moments les plus marquants, refusant aussi de s'étendre sur les faits douloureux ou qui ne lui appartiennent pas, comme sa soeur Lynn Ann, née 18 ans après elle, autiste.

C'est une écriture facile d'accès mais qui vous porte à réfléchir sur vos propres souvenirs. Joyce Carol Oates le fait avec douceur et clairvoyance, retrouvant un peu de ses sensations de l'époque, gardant pour elle le plus intime et j'ai trouvé cela d'une grande élégance. Elle ne se contente pas de relater mais, utilisant parfois la 3ème personne, se regarde avec les yeux de la femme qu'elle est devenue.

Je ne m'attendais pas à ressentir autant d'émotions et de sentiments dans ce type de lecture car au-delà de sa vie, l'auteure nous parle de l'Amérique du début du 20ème siècle, de la société, des comportements qui pour certains sont encore présents, c'est une fine observatrice du monde qui l'entoure et nous le restitue en essayant de le comprendre. Beaucoup de ses événements, souvenirs ont servi de terreau pour ses romans.

C'est pour moi une grande dame de la littérature américaine, qui sait, grâce à son écriture accessible, fluide et profonde, parler de la société et des gens. Cette dame de plus de 80 ans, discrète nous livre une belle leçon de narration et pour les amoureux de littérature, c'est un beau travail de construction et d'analyse.

Je crois qu'il est inutile de préciser que je vais lire Joyce Carol Oates, relire les deux romans (je sais qu'à l'époque je n'étais pas versée dans ce type de littérature) et j'en ai déjà deux autres sur mes étagères : Nous étions les Mulvaney et Fille noire fille blanche que je vais découvrir bientôt et qui seront éclairés par ce que j'ai découvert de sa vie.

Evoquer son enfance c'est ressusciter le monde qui nous a construit et comprendre la personne que l'on devient, les germes sont là, ils marquent souvent à jamais notre vie. C'est un paysage perdu mais qui ne s'efface jamais.

Merci Madame.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Livre choisi dans le cadre du challenge solidaire 2021.

Je ne connaissais pas du tout cette autrice, et je dois saluer la force de sa plume !
Elle évoque son enfance et adolescence, les disparus, les sensations, la perception que l'on a enfant de son environnement. C'est intéressant de voir le regard de cette femme âgée sur elle-même et son histoire.
Mon passage préféré c'est celui de sa passion pour un poulet ! (poule en fait, puisque le poulet pond des oeufs).

Bon moment de lecture.
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Joyce Carol Oates nous ouvre les portes de sa vie, son vécu, son expérience qui ce qui fait d'elle un jour l'écrivain qu'elle est aujourd'hui. Entre imaginaire et réalité émerge le travail créatif, l'écriture, le talent...


Joyce Carol Oates fait le chemin à l'envers. Elle part de ses racines, de son enfance, de ses influences pour aller à son parcours de vie et d'écrivain.

Avec discrétion et je crois beaucoup d'honnêteté, elle dévoile sa nature profonde, sa relation à l'extérieur et au monde. On découvre sa singularité, son milieu, son histoire, le rôle des rencontres. Elle fait défiler, elle égrène les souvenirs qui ont forgé son goût pour les lettres et sa personnalité profonde. Chez elle, tout est nature à réflexion, à évasion. On aime ce caractère indépendant, volontaire et affirmé. On suit son parcours avec curiosité et intérêt.

On aime l'aspect touchant qu'elle donne aux gens à travers sa plume lucide et vraie. Elle ne nous cache rien des difficultés rencontrées, des peurs, des pertes endossées. Elle évoque non sans humour et tendresse des anecdotes chères à l'enfance. Avec elle, on traverse les années avec recul sans doute et humilité. Ce récit est une aventure à lui tout seul, suspendu dans l'espace-temps, éprouvant le rêve à l'intérieur de la réalité.

Il faudra se laisser guider par les mots, s'imprégner, pour saisir, comprendre la substance. Joyce Carol Oates est certainement née écrivain, une aptitude acquise qui ne dément pas ce "Paysage perdu".
Lien : http://www.sophiesonge.com/a..
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Qu'y a-t-il au commencement de l'écriture ? quand on connaît le nombre vertigineux d'ouvrages publiés par Joyce Carol Oates, on ne peut que se demander d'où vient son inspiration, cette fine plume psychologiquement précise et puissante. Dans « Paysage Perdu », elle en révèle la source : son enfance, simple, modeste et heureuse dans une ferme de l'Etat de New York, ses grands-parents hongrois, ses parents si proches et si aimants, l'école avec sa classe unique et ses élèves persécuteurs, la nature, les animaux (Heureux le Poulet !)…

Un terreau d'écriture composé de toutes les premières fois : la première amie, la première disparition, le premier amoureux, le premier voyage… de cette Amérique à la Edward Hopper elle fait le compte avec une nostalgie à peine dissimulée de tout ce qui a disparu mais qu'elle a reconstitué brillamment au fil d'une oeuvre extrêmement forte (elle a évoqué sa mère dans tel roman, son mari dans tel autre…). Ce récit est aussi un hommage à une famille adorée, des grands-parents un peu rustres, des parents qui lui ont transmis le goût du travail acharné, le secret douloureux d'une soeur gravement souffrante, autant de tranches d'enfance bercées par le désir diffus, apparu très tôt et encouragé, de raconter des histoires et de devenir Lewis Carroll ou rien.
C'est un texte vraiment émouvant, captivant et qui permet d'un peu mieux connaître ce grand écrivain – un tout petit mieux seulement, car elle l'avoue elle-même : elle ne nous a livré ici que quelques pistes.
Lien : https://cestquoicebazar.word..
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