Viol/Rape 2003
Une histoire d'amour/ A love story
Joyce Carol Oates
roman
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par
Claude Seban
Editions
Philippe Rey, 2006, 177p
Ce roman m'a finalement déçue, à cause de sa brièveté. Il est construit en trois parties ; la première est consacrée au viol, qu'on devine mais qu'on ne voit pas. On est comme la petite fille de 12 ans, sans fesses, sans hanches, elle, qui entend les cris cachée dans un recoin du hangar où la violence s'exerce collectivement contre sa mère. Cette nuit du viol marque la fin de son enfance. Ce qui domine dans cette partie, c'est moins le viol proprement dit que les rumeurs lancées déjà selon lesquelles la femme violée l'a bien cherché, du reste ne veut-elle pas être libre et affirmer cette liberté ? le lecteur constate quels petits faits auraient évité la destruction de deux êtres et de ceux qui leur sont proches.
Beaucoup de phrases nominales dans cette partie, l'écriture est nerveuse, il y a comme une urgence dans l'expression, un long cri dans lequel on entend la violence, la souffrance, l'indignation contre le crime, et le fait que les choses ne changent pas. Car le viol n'est pas l'incident d'un soir mais « la définition même de ce qu'avait été la vie de ta mère et de toi, sa fille. de plus, quand une femme est attaquée comme ta mère l'a été, toutes les femmes sont attaquées. On remarquera l'adresse à la fille, qui est en fin de compte le personnage principal. le lecteur n'aura pas le point de vue de la victime.
Cette partie introduit un troisième personnage, un jeune flic taiseux, amoureux des armes et qui a perdu son âme, ce qui l' attristé puis il n'y a plus songé, et qui a beaucoup d'amitié tue pour la mère. La fillette sera aussi amoureuse de cet homme qui propose de les aider sans condition. Voilà le sous-titre de l'oeuvre, Une histoire d'amour, expliqué.
Les rumeurs annoncent comment se déroulera le procès.
La deuxième partie est celle de ce procès, et le jeune flic, qui y assiste contre les principes de la profession, a le pressentiment que les choses se passeront mal pour la victime, le président fait rire la foule, il y a une nette complicité entre celui-ci et l'avocat de la défense des coupables, le président reprend un flic sur sa grammaire. Alors que la victime a failli mourir et que son
corps, ses yeux, son esprit sont dévastés, le président ose dire qu'il n'y a pas eu viol, et s'il y a eu agression, ce sont d'autres gens qui l'ont commise. La procureure, dans ce procès le plus médiatisé depuis des années, veut montrer à ses collègues masculins sceptiques de quoi elle est capable. le roman est délibérément féministe. S'il en est ainsi, à « se faire justice soi-même, qu' y a-t-il de mal, bordel ? »
La troisième partie est très brève, qui montre l'ex-fillette mariée, quand son coeur a été donné à un autre.
le roman se passe à Niagara Falls, le même lieu que celui du magnifique roman,
Les Chutes. Il a le mérite de parler du viol. Il est très bien écrit : L'eau était couverte d'une mousse fine qui se ridait et frissonnait comme la peau d'un animal nerveux ; un ciel comme un pansement sale. La couverture du livre est bien choisie, avec un dessin d'
Egon Schiele, un
corps crispé, des doigts contractés. Mais il est décidément trop court.