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sur 192 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je referme le roman de Yôko Ogawa, doucement, avec précaution, du bout des doigts, comme l'aurait fait Monsieur Amber avec les pages de ses encyclopédies. Quel beau voyage j'ai fait...
Dans ce roman mélancolique et très poétique la narratrice est une femme âgée, nous ne savons rien d'elle si ce n'est qu'elle a été pianiste autrefois et qu'elle recueille les confidences d'un Monsieur Amber âgé et quasi aveugle avec lequel elle semble avoir tissé un lien profond et que tous 2 demeurent dans ce qui semble être un établissement pour personnes âgées.
Au fur et à mesure de leurs apartés elle nous raconte une bien étrange histoire. L'histoire d'une mère qui n'a pas réussi à surmonter la perte de son premier enfant et qui entraîne les 3 autres enfants de la fratrie dans sa propre folie en les séquestrant dans une vieille maison ayant appartenu au père de famille. L'histoire d'une mère qui dépossède ses enfants de leur identité, qui leur impose des interdictions, qui exerce sur eux une emprise psychologique, qui leur fait porter le poids d'un deuil trop lourd finalement.
L'écriture de Yôko Ogawa est envoûtante, je me suis laissée glisser avec plaisir dans son récit où l'imaginaire et l'aspect visuel tiennent une place importante. Elle nous raconte un long moment, six années de la vie de ces 3 enfants, : Ambre, Opale, et Agate, qui, pour supporter l'enfermement et se protéger des névroses de leur mère, vont se refugier dans l'imaginaire de "l'oeil d'Ambre", cet oeil qui change progressivement de couleur et perçoit un monde qui lui est propre au travers des silhouettes qu'il dessine en marge des pages des encyclopédies du cabinet de lecture.
Ce roman est une ode à l'enfance perdue et à l'innocence, il a su me rendre nostalgique de ma propre enfance, j'ai parfois même arrêté ma lecture pour me remémorer les moments de complicité que j'ai pu avoir avec ma soeur jumelle quand nous etions enfants, nos jeux, les nuits passées à chuchoter, à se raconter des histoires dans le noir, à s'endormir blotties l'une contre l'autre pour se rassurer... Un magnifique roman !


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Coup de coeur

Monsieur Amber est un homme âgé qui vit dans une maison de retraite. C'est un artiste et ses oeuvres ont toujours quelque chose de triste et de mélancolique, en réalité il a juste sa façon à lui d'observer le monde qui se trouve devant ses yeux.

"On pense bien souvent à tort qu'il a des problèmes de vue, mais non. En réalité, il a sa manière bien à lui d'observer le monde, différente de celle des autres. Il ne se contente pas de regarder le point qui se trouve présentement devant ses yeux : il accueille aussi la continuité des instants passés et à venir. C'est seulement à travers l'ambre au fond de lui que s'écoule le temps tel qu'il est."

Instantanés d'ambre, c'est l'enfance recluse d'une fratrie dans une villa reçue par la mère de ces derniers, par leur père en dédommagement de leur rupture. Une mère qui invente des mythes dans le but d'inciter ses enfants à ne pas déroger à la règle qui est de rester à l'intérieur du mur de briques. Une mère qui coud les vêtements de ses enfants et ajoutent des accessoires à ces derniers tels que des queues, des ailes, des oreilles pour qu'ils soient en harmonie avec leur vaste chambre. 

Une mère à plaindre, une mère menteuse, une mère aimante et une mère malade. 

Les enfants qui inventent de multiples jeux : les jeux olympiques, le jeu des situations où ils sont inspirés, instinctifs, libres et attendrissants : Ambre invente alors, la fédération des enfants nés par le siège : les enfants nés ainsi ont la capacité instinctive d'examiner l'opposé des choses, une facette qui échappe aux êtres nés par la tête.

Ce roman évoque le secret, la séparation du monde, la construction psychologique des êtres même dans un petit endroit à l'écart de la société, le deuil, la perte, l'absence, les illusions, ce qui brille encore malgré le départ, les traces. Il y a certains aspects que je qualifie de féerique dans ce livre, mêlés à un malaise grandissant au fil du temps et en fonction de l'âge des enfants qui grandissent, mûrissent dans la villa, autant que leurs vêtements raptississent et leur intérieur s'use, devenant très morne, les murs qui s'effritent, les affiches qui tombent. Ces passages m'effraient autant qu'ils me fascinent.

Cette cachette devenue leur lieu d'apprentissage, leur lieu d'aventure, dénué de toute nostalgie pour ceux d'entre eux qui avaient connu le monde extérieur.

Des encyclopédies abritent la benjamine.

Instantanés d'ambre ou l'enfance égale à nulle autre pareille d'opale, Agate et Ambre ( fossile qui garde en mémoire le passé)… et à l'absente.

Un roman somptueux, comme toujours avec Yôko Ogawa qui sait avec habilité dérouter les lecteurs tout en leur faisant voir des images auxquelles ils n'auraient jamais imaginé et qui avec celui-ci soustrait une fratrie à la vue du monde.

Yôko Ogawa, sur les mères :

"Une tristesse est attachée au destin maternel : les mères ont pour devoir de donner un amour sans fond, or elles se trompent parfois dans la façon de le donner et pourtant, elles s'obstinent, comme la mère d'Instantanés d'Ambre."

Les oppositions : Monde restreint et vaste univers à l'intérieur de soi. Fusion avec ses proches et inexistence de tout le reste… 

Peut-on rassembler tout cela ?

Cela est-il nécessaire ? 

EXTRAIT :

"Ils sont une fratrie de trois comme nous. Et ils brillent comme des joyaux, alors on se sent de plus en plus familiers avec eux. Ils sont toujours ensemble tous les trois et ne s'éloignent jamais l'un de l'autre. On pourrait dire qu'à eux trois ils ne font qu'un.

On les rencontre aisément un peu partout. En général ils vont par paires, et il y a même des endroits où ils se regroupent. Mais ils ne peuvent pas s'entraider. Chaque membre de la fratrie endure la tristesse expérimentée par l'ensemble. Chacun brille dans sa direction, et même si les groupes peuvent se faire face, leurs rayonnements ne se croisent jamais."

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Ce livre se lit comme on regarde les mouvements d'une boule à neige, où dans un monde clos chaque nouvelle douce secousse nous fait imaginer être entré dans un univers féérique, où les sons seraient amortis, et où le ralenti des mouvements prolonge un temps à l'imagination qui galope.
Ce n'est pas à lire dans un moment où on cherche le linéaire et la raison. On entre dans une maison à saisons aux larges horizons, où le regard lui-même prend des teintes que notre esprit ne pensait pas voir atteintes.
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"Une mère demande à ses enfants d'oublier leur prénom. Ils doivent, dit-elle, ne plus jamais le prononcer ni même y penser, mais en choisir un autre afin d'échapper au danger qui menace leur vie. Dans une villa ayant appartenu à leur père, au milieu d'un vaste jardin cerné de hauts murs, les trois enfants vont passer un temps infini, enfermés, coupés du monde mais heureux."



Leur mère leur insuffle une crainte, une peur afin de les isoler du monde extérieur,  ils doivent oublier leur nom, s'interdire de le prononcer car le son de leur nom se transformerait en graines qui feraient pousser des ronces incrustés dans les chairs des joues. Les crochets s'y enfonceraient et deviendraient indélogeables.

Au bout de quelques pages, nous sommes plongés dans le monde d'Ogawa : univers doux calme sans aspérité mais emprunt de perversions et de cruauté.

Reclus dans une résidence, leur mère veut les protéger du monde extérieur qui, est selon elle habité par un « chien maléfique ».

Pour les trois enfants le mot maléfique, chargé de résonances particulières, était réservé à de très rares situations. Que leur mère le prononce et l'atmosphère autour d'eux changeait du tout au tout.

La benjamine décédée, les trois enfants restants Ambre, Opale, et Agate sont prisonniers des phobies de leur mère. Elle les surprotège ? les garde-t-elle près d'elle pour ne pas reproduire l'abandon qu'elle a subie ?  La mère se promène avec une grosse pioche pour se défendre ou défendre ses enfants. Eux, les enfants ne connaissent rien du monde, excepté ce qui est écrit dans les encyclopédies ou ce que leur dit leur mère.

"Instantanés d'ambre" comporte de nombreuses approches sur la mémoire, la conservation d'un être cher.  On retrouve l'enfermement de la mère sur ses enfants pour les protéger, mais aussi les façons de refaire revivre un être aimé. Par les encyclopédie pour se rappeler du père, par les dessins dans les marges qui font revivre la petite soeur décédée. Mais aussi la sacoches en cuir de Joe fabriqué "avec sa peau en souvenir".  On retrouve aussi dans le prénom Ambre, pierre fossile : une transmission de plusieurs millions d'années. Tous ces éléments créent une atmosphère spéciale.

La poésie, ou l'onirisme que l'on retrouve dans les phrases nous fait basculer entre monde réel ou monde imaginaire. Nous sommes toujours poussé dans des retranchements : est ce une métaphore, une figure de stye  ou le réel ?

"Par quelle ironie du sort le mot ambre a-t-il été donné au jeune garçon encore pourvu de pupilles d'un noir profond ? Peut-être ce mot est-il allé cristalliser directement au fond de son oeil gauche ? "

Un des aspects qui m'enchante dans le monde d'Ogawa est de dénicher des thèmes communs ou familiers que l'on retrouve dans ces romans. On a par exemple la figure du père qui est absent, ici il est parti.

"Leur père qui vivait dans une autre famille n'avait finalement pas épousé leur mère tout en lui faisant quatre enfants, et sans jamais avoir vécu avec eux, il avait fini par rompre le lien alors qu'elle était enceinte de son quatrième enfant."

On retrouve l'obsession de classement et de collection d'objet par le biais des encyclopédies, il y en a de toutes sortes : encyclopédie des produits d'hygiène, des blasons de famille ou des normes industrielles internationales des vis, écrous & ressorts

On retrouve également des espace clos, isolé du monde extérieur et délabrés, des êtres qui ont des fêlures: Ambre, avec en particulier son oeil gauche doué de capacités étranges. Et la musique aussi, il y a toujours une persistance de bruits et de murmure silencieux, est ce le monde invisible qui nous parle ?

Instantanés d'Ambre est un magnifique livre sur l'enfance, un conte de fée de la folie ordinaire, pourrait on dire....
Lien : https://nounours36.wordpress..
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Une mère, en réaction à la mort accidentelle de sa benjamine, décide d'enfermer ses trois enfants dans une villa isolée. Là, elle pense les protéger au mieux des dangers de la vie. de nombreuses années plus tard, dans une résidence pour artistes âgés, une femme reconstitue les années d'isolement des trois enfants, grâce aux indices d'Ambre, l'un d'eux. Suivant les consignes de leur mère, arguant des dangers venant d'un chien maléfique, les enfants (Opale, Ambre et Agate) vont vite s'habituer à leur nouvelle vie et aux nouvelles règles dans cette villa ceinte d'un long mur. Hormis leur mère, leur seul contact vivant sera l'âne chargé de brouter l'herbe du terrain. Pourtant très rapidement les enfants, sciemment ou non, ressentent un manque dans cette nouvelle vie et compensent chacun à leur façon. Ainsi Ambre jette-t-il une graine de gratteron par-dessus le portail tous les jours. Opale danse sur les chansons silencieuses d'Agate. Et puis dans la bibliothèque, l'aînée Opale décide de lire l'ensemble des encyclopédies (éditées d'ailleurs par le père) tandis qu'Ambre entame des séries de dessins dans les marges de celles-ci. Des dessins (sous forme de flip books) qui font revivre la benjamine, cette petite fille qui semble revivre dans l'oeil malade d'Ambre… Comme à son habitude, Yôko Ogawa nous fait découvrir des gens qui vivent à la marge avec bienveillance et tendresse. Bien sûr, ces enfants subissent une maltraitance, due à l'amour castrateur de leur mère. Et on comprend qu'Ambre en a subi de sérieuses séquelles. Mais l'auteur nous montre comment ces enfants ont su s'adapter, et respecter avec plus ou moins de rigueur les règles maternelles. Leur imagination et leur amour fraternel les protégeant d'une situation critique. Toute la force du livre venant de la douceur de l'écriture et des personnages face à la terrible maltraitance que subissent les enfants. Absolument magnifique. Qui a dit que les bons sentiments ne faisaient pas de la bonne littérature ? (Gide, on lui pardonnera pour cette fois).
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J'ai été assez surpris par la sévérité de la critique envers ce livre que je trouve bouleversant. Une mère décide d'enfermer ses trois enfants dans une maison décrépie. Elle va jusqu'à leur ôter leur identité en leur faisant choisir de nouveaux noms. c'est d'une perversité totale. Les enfants sont adultérins, indirectement ils payent.
la résilience, les enfants résistent à leur façon, s'adaptent. la fin ne peut qu'être terrible, la soeur disparaît avec un homme. Les enfants sont découverts, la mère se suicide. Il ne reste qu'Ambre qui par ses sublimes dessins leur redonne vie. Magnifique
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Ce roman parlera à celle ou celui qui a conservé intact son coeur d'enfant, à la mère qui garde en secret le désir de protéger telle une louve ses petits des brutalités du monde, aux rêveurs, aux solitaires... à tous ceux qui pensent que raconter ou lire une belle histoire peut nous sauver du pire. Parfois mentir...
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C'est par ce livre que je suis entrée dans l'oeuvre de Yoko Ogawa (dévorée depuis)...Donc j'aurais toujours un petit quelque chose pour lui. L'auteure dévoile un imaginaire foisonnant dans ce livre où tout semble maîtrisé, et poétique, et en même temps d'une grande violence. Ce livre m'a fait penser à Canine, de Yorgos Lanthimos, qui est un film que j'adore.
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Les avis que j'ai pu lire sur ce livre m'ont paru assez négatifs... mais à moi, il m'a plu! Beaucoup!

Voici un livre à la fois étouffant et poétique, un livre au goût d'enfance,de peur et d'imagination. Trois enfant qui ont dû oublier leur nom. Trois enfants qui ont dû oublier le monde extérieur. Enfermés dans une villa entourée d'un jardin cerné de hauts murs, trois enfants grandissent loin des regards et du monde. Livre à mi-chemin entre le huis-clos et le conte de fées, Instantanés d'Ambre possède quelques chose de vraiment particulier, une sorte de folie mêlant habilement l'angoisse et les rêveries enfantines. Coupés du monde, les enfants s'évadent par leur simple imagination. On se retrouve pris entre l'imaginaire, si puissant des enfants et l'atmosphère lugubre de l'enfermement.

Malgré l'angoisse et la folie qui émanent de ce livre, il s'en dégage un fort parfum de poésie et de féerie. On oscille sans cesse entre le réel et le conte, et ce d'une manière particulièrement habile.

J'ai aimé les descriptions, le rapport aux éléments, l'atmosphère étrange de ce livre. Il y a à la fois une grande douceur et une grande douleur dans la manière dont Ambre conserve ses souvenirs et fait revivre, à travers son regard si spécial, ceux qui lui sont chers. J'ai aimé ce côté troublant qui, à chaque page, donne au lecteur l'envie de s'interroger tout en se laissant emporter lui aussi par son imagination d'enfant. Ce livre m'a fait l'effet d'un funambule au pas sans cesse hésitant entre rêve et réalité.

Le rythme est lent mais cela va tout à fait avec l'histoire, avec la manière dont se déroule les journées des enfants. Un livre étrange, parfois inquiétant et très beau...

Lien : http://tantquilyauradeslivre..
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Si vous vous sentez contemplatifs, c'est un livre pour vous. Ce livre explore l'imagination de trois enfants. Leur mère les oblige à rester à la maison, le jardin, sans jamais aller à l'extérieur des murs de briques qui entourent la maison ....Ils apprennent avec les encyclopédies jeunesses que leur père a laissé, ils font récréation à leur façon en attendant leur mère partie travailler à la station thermale .... Un livre magnifique et fort et aussi un roman sur la maltraitance, la peur, ....... Vraiment une écriture délicieuse.
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