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3,47

sur 195 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'aime retrouver régulièrement Yoko Ogawa. Cette auteure japonaise propose à ses lecteurs des instants de pure grâce, de délicatesse, et de magie.
De son écriture élégante et légère, elle dessine une petite porte dérobée qui s'ouvre rien que pour nous, sur un monde étonnant, entre réalité et imaginaire, empli de douceur et de silence dans lequel s'invite le mystère, les non-dits.

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Ce roman était dans ma bibliothèque depuis un petit moment déjà, suite à magnifique critique de Sachka que je remercie. Je l'ai choisi parmi tant d'autres, attirée par sa couverture, sûrement parce que j'étais encore profondément imprégnée des majestueuses forêts canadiennes de mon précédent roman.

Dans ce roman-ci, il ne s'agit ni de forêt, ni d'écologie. Ce n'est qu'un simple jardin muré dans lequel une mère va décider de cloitrer ses trois enfants, suite au décès de la petite dernière.

Elle va leur demander d'être silencieux, de tout oublier jusqu'à leur prénom, et surtout de ne jamais sortir de l'enceinte du jardin, afin que rien ne puisse leur arriver.
Intuitivement, les enfants comprennent que leur mère est fragile, perturbée et qu'il faut la préserver. Par amour, ils vont suivre ses consignes à la règle et vivre repliés sur eux-mêmes dans la crainte du monde extérieur, déposant « au fond de leur coeur » tous leurs souvenirs d'avant.

« Un voyage sans retour pour survivre dans un monde où la benjamine n'était plus. »

L'auteure nous livre ici une solide réflexion sur la maltraitance, la résilience chez l'enfant, l'amour filial et l'amour maternel.

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Seuls toute la journée, ils vont se réfugier dans le cabinet de lecture de leur père et trouver la sécurité au milieu des livres et des encyclopédies. Les livres ont la précieuse faculté de contenir le monde et c'est même dans l'un d'entre eux, l'encyclopédie des sciences, que chacun va se choisir un nouveau prénom, un nom de pierre : Opale, Ambre et Agate.

Derrière les hauts murs de brique, les trois enfants imaginent de nouveaux jeux avec trois fois rien, apprennent grâce aux livres. Leur imagination, fertile, belle, s'épanouit, inventant le monde du dehors.

« Quand Opale dansait, le jardin se transformait à leurs yeux en un univers plus vaste que celui qu'ils connaissaient. Pour eux, ce jardin était toujours aussi immense, mais la danse de leur aînée lui donnait davantage de profondeur. »

*
Si Yoko Ogawa n'a pas son pareil pour nous entraîner dans un huis-clos dérangeant, elle a aussi tout le talent pour introduire une touche de surnaturel.
C'est avec Ambre que le récit bascule dans la magie et le fantastique car ce petit garçon est atteint d'une étrange maladie : son oeil gauche se teinte progressivement d'ambre.

« Tout d'abord, non loin du coin de l'oeil la limite entre le noir et le blanc s'estompa, le marron de l'iris déborda en marbrures qui bientôt s'étendirent à la totalité de l'oeil gauche. Elles coulaient le long des vaisseaux capillaires, se déposaient, sédimentaient. Et les strates venant s'imprégner de larmes comme de résine, il se forma bientôt une concrétion d'ambre. »

Et l'enfant va découvrir la silhouette de sa petite soeur défunte jouant dans les filaments protéiformes pareils à des araignées d'eau qui se déplacent le long de sa rétine.
Il s'invente un monde imaginaire dans lequel la benjamine prend vie dans des folioscopes.

« Venant de découvrir un moyen de reproduire sur les pages de l'encyclopédie ce qui apparaissait dans son oeil gauche, Ambre choisit pour redonner vie à la benjamine l'Encyclopédie illustrée des sciences pour enfants. Il pensait que sa petite soeur devait tout naturellement se joindre à ce volume où Opale, Agate et lui-même avaient choisi leur nom. »

*
Le temps défile sans que le lecteur n'arrive vraiment à cerner le nombre d'années qui passe.
Mais leur monde se craquelle insensiblement à mesure qu'ils grandissent.
*
J'ai aimé ce monde créé par Yoko Ogawa. Son écriture épurée et poétique est propice à nous envelopper dans une atmosphère rêveuse et calme, à transformer progressivement notre regard, à le rendre contemplatif et introspectif. Rien n'est dit de manière frontale. Tout se devine lentement, par petites touches, comme un peintre impressionniste qui apposerait des impressions, des émotions.

Si cette ambiance est onirique et féérique, elle est également tragique et bouleversante. Yoko Ogawa se concentre essentiellement sur les trois enfants, mais en filigrane, le lecteur saisit le drame que vit cette jeune mère qui a perdu son mari, puis son plus jeune enfant.

« le commencement de tout fut la mort de la benjamine. Elle venait tout juste d'avoir trois ans lorsqu'un jour au jardin public, un chien famélique était venu lui lécher le visage : le lendemain elle avait eu une forte poussée de fièvre, et son état de santé s'aggravant rapidement, elle était morte brutalement. le médecin avait dit qu'il s'agissait d'une pneumonie, mais leur mère n'avait jamais voulu le reconnaître.
— C'est le chien maléfique. À cause de sa langue, ne cessait-elle de répéter malgré les dénégations du médecin. »

On retrouve les composantes de l'univers de l'auteure : le sentiment d'enfermement, la nostalgie d'un temps révolu, la mémoire, les souvenirs, l'obsession.
Pour ma part, j'ai eu un sentiment de malaise, partagée entre l'amour de cette mère qui veut préserver ses enfants de la mort en les soustrayant au monde extérieur et la magie du monde de l'enfance. Mais à vouloir trop les protéger et les préserver, ne risque-t-on pas au contraire de les fragiliser et de les rendre inaptes à la vie en société ?

*
Pour conclure, cette atmosphère presque irréelle, entre huis-clos et monde merveilleux, à la fois fascinante et dérangeante, ne plaira sans doute pas à tout le monde. Mais ce roman d'apparence simple fait parti de ces lectures qui laissent une impression profonde après l'avoir refermé, suscitant un sentiment troublant et subtil de solitude, de malaise et de paix.
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L'histoire d'une fratrie japonaise séquestrée par leur mère.

Ambre c'est le nom d'un vieillard qui raconte sa vie de jeune garçon enfermé entre les murs d'un jardin pendant plusieurs années. Probablement déjà perturbée, leur mère avait perdu pied à la mort de sa benjamine de trois ans. Selon elle, c'était un chien maléfique qui avait empoisonné la petite. Elle avait donc déménagé et installé ses trois enfants dans une maison à la campagne avec la stricte interdiction de sortir de l'enceinte. Les enfants avaient dû changer de nom et avaient même appris à ne parler qu'à voix basse pour éviter d'être repérés par les créatures dangereuses.

S'il est difficile à croire que les aînés de 7 et 10 ans n'aient jamais essayé de fuir pour retrouver leur monde d'avant et leurs amis, on comprend peu à peu la force de l'emprise de la terreur et de la folie qui régnaient sur la fratrie. Un des enfants a développé un talent particulier : affecté d'un problème de vision, Ambre s'est mis à dessiner des folioscopes (flip books) dans les marges des encyclopédies, les seuls livres qui servent à leur éducation. Les oeuvres instantanées d'Ambre redonnent vie à sa petite soeur disparue et apportent un réconfort à sa mère. Jusqu'au jour où…

Une écriture subtile qui restitue avec justesse les émotions enfantines.
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Plus encore que dans ses autres romans,Yoko Ogawa transgresse les lois du réel pour inscrire le lecteur dans un monde parallèle gràce à sa poésie,ses métaphores,ses créations oniriques.Cette distorsion de la réalité peut faire penser à certains moments à H.Murakami, mais ce qui l'en distingue fondamentalement c'est que ses personnages sont sacrifiés à la folie maternelle et n'ont pas d'autre choix pour survivre que de s'inventer un monde imaginaire, alors que ceux d'H.Murakami sont pleinement conscients et acteurs de leur quête.
Ici, trois enfants,après le decés de leur"benjamine",vont devoir vivre dans le microcosme imposé par leur mère ,qui les contraint et les contient.Ils doivent s'effacer et devenir des êtres aussi improbables que leurs rêves.Tout d'abord en abandonnant à tout jamais leur nom,puis en maîtrisant le filet de leur voix jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un murmure audible d'eux seuls. Cet enfermement est justifié par leur mère par la terreur qu'elle fait régner en ce qui concerne l'exterieur au mur qui cloisonne la maison et le jardin qui constitue leur univers.Ce danger est symbolisé par " le chien maléfique" sensé être coupable de la mort de leur petite soeur.Pour faire partie de l'humanité,instinctivement ces enfants vont se réapproprier des extraits des encyclopédies paternelles et appréhender le monde de cette façon.Mais ces encyclopedies vont aussi devenir le lieu d'expression de la benjamine ,à travers les dessins qu'Ambre,un des enfants,va inscrire dans les marges. "Instantanés" qu'il perçoit dans son oeil gauche,manifestations de la petite soeur qui y vit...Cadeau suprême pour leur mère mais élan vital pour lui et sa fratrie:"Nous ne pouvons vivre ailleurs que dans ces encyclopedies", "...le lit du cours du temps dont chaque strate révèle un souvenir enfoui."
Ainsi,extraordinairement,leur imaginaire est d'autant plus en expansion que leur univers se restreint à la folie maternelle. Cette dernière, à l'opposé de celle décrite par O.Bourdeaut dans" En attendant Bojangle,"qui entraîne son mari et son fils dans un tourbillon de joie et d'amour fracassants, vient rétrécir l'existence de ses enfants en une peau de chagrin dépourvue d'attention et d'amour.
C'est un roman déroutant,au rytme lent et redondant qui m'a nécessité un effort de lecture pour m'extraire du jugement moral et accepter de m'immerger moi aussi dans ce temps dépourvu d'avenir.La beauté de la plume de Yogo Ogawa est indéniablement ce qui m'a porté jusqu'à la dernière page.
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Je ressors de ma lecture un peu indifférente. J'ai apprécié ce roman, je l'ai lu sans heurt grâce à l'écriture agréable et fluide de l'autrice. Pourtant, en le reposant, je sais déjà que c'est un livre que je vais rapidement oublier. A l'image de la vie de cette fratrie, c'est une lecture un peu monotone, sans réel évènement, où les jours s'égrènent les uns après les autres sans vraiment les différencier. On ne s'ennuie pas, mais la répétition des jours sans fin nuit à l'intérêt.
Côté personnages, j'ai eu du mal à m'attacher à cette fratrie. Je trouve la mère inconsistante et peu aimante envers ses enfants. Quant aux enfants, je les ai trouvé trop effacés et sans personnalité. Alors je sais, c'est un peu le but du roman de montrer cette soumission à la volonté de la mère et aux règles de leur enfermement, mais j'ai vraiment eu du mal à m'identifier à eux.
Au final, je ne pense pas garder grand chose de ce roman.
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Le roman s'ouvre avec la mort d'une petite fille de trois ans. le médecin affirme qu'elle est morte de pneumonie mais la mère, accablée de douleur, prétend que cette mort est due à un chien maléfique.
La mère décide d'isoler les 3 enfants survivants dans une maison abandonnée afin de les préserver de la « malédiction »
Il s'agit là d'un roman très onirique.
L'action est vue d'un point de vue extérieur, et raconte le quotidien de ces trois petits pendant plusieurs années..
Les jeux des enfants sont très bien racontés en particulier les instantanés d'ambre (Ambre est le garçon du milieu, huit ans lors du début de cet isolement) : il a réalisé des « dessins animés » de sa petite soeur disparue dans le bas d'encyclopédies. Sa soeur, Opale, 12 ans au début de l'histoire, danse et le petit dernier, Agate, 5 ans, découvre la nature à l'intérieur du jardin jusqu'au mur de briques cachant leur existence au reste du monde.
Le lecteur voit peu la mère mais le contact avec ses trois enfants est un peu »magique »
Un livre étrange et envoûtant …à la fois doux et un peu angoissant…
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Une lecture troublante

Tant de fois j'ai regardé ma fille, son innocence, ses jeux d'enfants, son émerveillement, et j'ai souhaité qu'elle demeure ainsi pour toujours.
Instantanés d'Ambre, c'est un peu la mise en scène de ce voeu.

Yoko Ogawa crée à merveille une atmosphère mélant l'étrange, la douceur de l'enfance et une forme de tension impalpable.
À l'intérieur de ce mur de briques, tous les repères sont flous : le temps, la limite entre imaginaire et réalité, entre vie et mort, entre joie et macabre.
Le personnage de la mère est nébuleux mais intéressant. Les relations mère-fille(s), dépeintes à demi-mot interrogent également.
D'ailleurs, ce roman joue beaucoup sur les non-dits, et sur ce que l'on sait tout en s'efforçant de l'ignorer.

Le personnage d'Ambre est à la fois triste et fascinant. Ambre, c'est celui qui abrite la mémoire de la famille, celui qui plonge en lui pour ne pas voir sa fratrie telle qu'elle devient, et en conserver un souvenir heureux et figé.

Néanmoins, je ne suis pas conquise par ma lecture. Beaucoup de longueurs et de répétitions dans l'écriture. J'ai trouvé le choix de narration peut intéressant.
La fin se précipite un peu et me laisse un goût d'inachevé.

Instantanés d'Ambre est ma première rencontre avec Yoko Ogawa, et je pense, probablement pas la dernière !
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Très rapidement prise par le charme magnétique du monde parallèle crée par la fratrie d'enfants confinés dans leur huis clos et à l'abri des possibles dangers du monde extérieur, je dois avouer que je m'y suis cependant parfois ennuyée, notamment à la lecture des passages récurrents rappelant l'aptitude d'Ambre à capter des images et à en créer le mouvement. Cette cristallisation du roman autour de la métaphore, qui justifie le titre et confère une unité à l'ouvre m' a semblé régulièrement plomber le récit .

Alors que j'ai lu lentement, et même fréquemment relu certains passages, vrais moments de grâce, décrivant la relation fusionnelle entre les enfants ou montrant comment le chant, la musique, la danse, et l'image transforment l'enfer de leur vie verrouillée en paradis, bien au contraire je suis passée rapidement sur les autres, où l'intrigue semblait s'enliser.
Puis j'ai retrouvé une lecture attentive pour les séquences, où, franchissant les années, la narratrice, un personnage bienveillant qui su comprendre la singularité du monde intérieur du vieux Monsieur Amber révèle, avec tendresse et douceur ce qu'il adviendrait d'Ambre bien des années plus tard .

Un roman-conte à la poésie inattendue, au croisement du rêve et de la réalité, qui révèle le pouvoir magique de l'image sur l'esprit des enfant, leur aptitude à l'imagination et à la création d'un monde consolateur.
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Ce roman raconte l'histoire de trois enfants isolés du monde et laissés à eux-mêmes par leur mère, qui grandissent en symbiose dans l'univers qu'ils se sont créé. C'est une belle métaphore de la famille, qui agit souvent comme une bulle, à la fois protectrice et contraignante; une ode au pouvoir de l'imagination, qui permet de s'évader et de se protéger de la dure réalité.

C'est un roman mélancolique, à la fois triste et lumineux, sur l'enfance, le deuil et le temps qui passe. L'écriture est douce et poétique. le rythme est assez lent, il y a même quelques longueurs, mais cela contribue à l'ambiance. La lecture devient atmosphérique, onirique même, presque méditative. J'ai bien aimé et j'ai déjà hâte de découvrir d'autres livres de cette autrice.
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J'ai beaucoup apprécié cette lecture, le rythme est plutôt lent mais on rentre rapidement dans l'histoire et le texte est assez facile à suivre malgré les changements entre le passé et le présent.
Je me suis posé de nombreuses questions pendant la lecture, dont la plupart n'ont pas eu de réponse. Cependant, l'imagination semble être un thème central du livre et ces questions ouvertes m'ont amené à en imaginer mes propres réponses. le cadre du roman est mystérieux et mélancolique, et j'ai ressenti de l'empathie pour ces enfants coupés du monde extérieur et replié sur leur petit groupe familial.
Je ne connaissais pas du tout Yôko Ogawa donc je ne peux pas juger ce livre par rapport à d'autres oeuvres, mais il m'a donné envie d'en découvrir d'autres.
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Derrière quatre hauts murs de briques, une mystérieuse fratrie évolue à l'abri des regards extérieurs. Enfermés par leur mère depuis leur plus tendre enfance, Opale, Ambre et Agate ne connaissent rien - ou presque - du monde environnant. Ce qu'ils en savent, ils l'ont appris dans la collection d'encyclopédies illustrées héritée de leur père. Au fil des récits et des jeux, ils ont inventé leur propre monde, enchanté et inquiétant. Parfois, la vie surgit au creux des pages, celle de la benjamine disparue, dont la silhouette s'agite au fond du regard d'Ambre. Pendant des heures, Ambre s'efforce de la dessiner et de la mettre en mouvement. Par amour pour sa mère, pour se souvenir, pour figer l'éternité. Dans cet espace clos, c'est ainsi que le temps passe, entre illusion et trouble, douceur et effroi.

Tissé de poésie sourde et de non-dits, Instantanés d'ambre s'anime pour qui sait tendre l'oreille. Tout en suggestion et retenue, Yoko Ogawa excelle à dire les zones de violence et d'inconfort - celles d'une enfance tragiquement perdue, pourtant miraculeusement ressurgie grâce au pouvoir des images et des mots.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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