Auður Ava Ólafsdóttir va vous hypnotiser dès les premières pages, avec l'histoire de Hekla, cette femme à qui sied parfaitement le nom d'un des volcans islandais les plus actifs, avec plus de vingt éruptions connues depuis 874, culminant à près de 1500 mètres d'altitude au sud de l'île.
PHOTO cf. BLOG
«
Miss Islande » se déroule en Europe mais pas n'importe où. Sur une « terre de glace » (la signification littérale en islandais de « Island ») L'Islande, c'est quoi? Plus de 100 000 km2. L'une des dernières terres colonisées au monde, bien après le Groënland. Un pays insulaire aux paysages spectaculaires formés de volcans, de geysers, de glaciers, de montagnes, de champs de lave et d'aurores boréales... [SUITE cf. BLOG]
PHOTOS (capitale, volcan,etc.)
En 1963, Hekla a 21 ans, la tête pleine de rêves, lestée de sa remington, elle prend le car pour la capitale, laissant la ferme de ses parents derrière elle. Des projets plein la tête. Accomplir son destin. Devenir écrivain. Elle écrit depuis toujours, elle a ça dans le sang. Mais rien n'est possible à la campagne alors elle s'en va rejoindre Jón John, son ami de toujours.
Jón John est un incompris. Un être né au mauvais endroit, à la mauvaise époque comme elle. Trop tôt. Ils se comprennent. Sensibles à la beauté de ce monde, leur solitude et leur énergie créatrice se font écho. Chacun se cache pour vivre sa passion, en secret. Elle fait danser les mots, il joue de la machine à coudre comme un virtuose jouerait du violon. Mais il faut bien payer les factures alors ils travaillent. Un emploi de serveuse pour elle. Helka fait sensation. Sa beauté ne laisse pas insensible. Elle doit affronter les regards insistants, les mains baladeuses, les remarques machistes, les tentatives de ces messieurs parfois ivres et tout simplement irrespectueux pour la gente féminine… Certains se sont même mis en tête de l'inscrire au concours de
Miss Islande. Elle n'est pas intéressée. la femme-objet ce n'est pas pour elle. Ils lui font miroiter les voyages, les cadeaux, les avantages. Voyager, ça fait rêver quand on est sans le sou. Un homme insiste, jour après jour. Elle a toutes ses chances, elle doit participer. Il lui promet monts et merveilles. Helka doit-elle accepter? Serait-ce un tremplin pour sa carrière d'écrivain? Ou est-ce incompatible?
CITATIONS
En attendant, elle continue à supporter les clients masculins qui se frottent, font du rentre-dedans, des gestes et des remarques déplacées mais comme le souligne sa collègue, inutile de se plaindre, cela se retournerait contre elle. C'est l'époque qui veut ça. Heureusement, Helka est forte comme le volcan dont elle porte le nom. Elle évolue dans une société patriarcale où l'émancipation féminine n'a pas sa place. Les femmes gagnent deux fois moins pour le même travail. Elle s'échappe à travers la littérature, dévore les livres et profite de ses heures de liberté pour profiter de la vie.
» – C'est un poète, dis-je.
– Les poètes aussi mettent les femmes enceintes. […]
P.99
Helka fréquente son amie d'enfance, Isey, à la capitale, l'entraînant aussi dans sa fièvre créatrice. On assiste à l'évolution de son amie mariée au fil des pages et de son goût pour l'art et la littérature. Une femme, qui accepte sa condition d'épouse mais en souffre. Isey s'évade comme elle peut.
« – de quoi as-tu le plus envie? D'avoir un petit ami ou d'écrire des livres?
Je réfléchis. Dans le monde de mes rêves l'essentiel serait: du papier, un stylo-plume et le corps d'un homme. Quand nous avons fini de faire l'amour, je me dis qu'il pourrait aussi remplir le réservoir d'encre de mon stylo. […]
– Les femmes doivent choisir, Hekla. »
P.109
« Je suis en vie. Je suis libre. Je suis seule. »
Jón John, de son côté, pour faire bouillir la marmite, est marin…Il embarque sur des cargos mais rêve de ne jamais revenir. On souffre à ses côtés de ses expéditions en mer difficiles. L'équipage n'est pas tendre avec lui n'acceptant pas sa différence. Il puise au plus profond de lui pour survivre, rêvant de meilleurs lendemains et de pouvoir vivre de sa passion.
« Les enfants sont sans pitié mais les adultes sont pires encore. »
P.152
« Je n'arrive pas à trouver ma place. Je ne sais pas d'où je viens. Cette terre n'est pas la mienne. Je ne la connais pas sauf quand on m'y enfonce le visage. Je suis le goût de la poussière. »
(réflexion de Jón John)
Et un autre personnage entre en scène, le poète. Tourmenté, amoureux de notre belle et solaire Helka. Il va découvrir son secret et la jalouser. Une idylle amoureuse, tendre et touchante.
» – La vérité c'est qu'il ne me vient rien. […] Je n'ai rien sur le coeur. Tu sais ce que ça fait d'être banal? Non, tu l'ignores. Tes pages sont traversées par les torrents impétueux et dévastateurs de la vie et de la mort, moi je suis un ruisseau qui murmure. Je ne supporte pas l'idée d'être un poète médiocre.
– Tu es ivre?
– Tu ne voudrais pas, Hekla chérie, m'offrir quelques mot de ta corne d'abondance… me prêter ta plume acérée qui s'abat comme un éboulis sur un village endormi?
[…]
P.200
« Je suis réveillée.
Le poète dort.
En dehors des étoiles qui scintillent au firmament, le monde est noir.
Une phrase vient à moi puis une autre, une image se dessine, cela fait tout une page, tout un chapitre qui se débat dans ma tête, pataud comme un phoque pris dans un filet. J'essaie d'accrocher mon regard à la lune par la lucarne, je demande aux phrases de s'en aller, je leur demande de rester, il faut que je me lève pour les écrire avant qu'elles s'évanouissent. »
CITATIONS cf. BLOG
Ce roman parle de personnages en décalage avec la société, qui doivent surmonter les obstacles pour s'accomplir. D'êtres sensibles, qui illuminent l'espace autour d'eux, si on les laisse être eux-mêmes. Une écriture poétique pour traiter de thèmes importants comme la liberté , la différence et l'homosexualité dans l'Islande conservatrice et sexiste des années soixante. «
Miss Islande » chante l'amour des mots avec insolence et grâce, force et finesse à la fois. Un roman aux personnages attachants et hors cases, qui prône la liberté.
« Nous sommes faits de l'étoffe de nos rêves »
titre p.208 et citation de
Shakespeare
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