Nous avions fait sur le Speke Hall une connaissance qui devint une longue amitié, celle de M. Ross Scott, BCS, homme d'un noble caractère, vrai Irlandais dans le meilleur sens du mot. Ses longues conversations avec nous sur la philosophie orientale l'avaient décidé à entrer dans notre Société. Il vint nous voir le soir du débarquement et fit faire à HPB un phénomène que je ne connaissais pas encore. Il était assis avec elle sur le sofa et j'étais debout à la table de milieu, quand Scott reprocha à HPB de le laisser partir pour le Nord rejoindre son poste officiel sans lui avoir donné la moindre preuve de l'existence dans l'homme des pouvoirs psychiques dont elle lui avait si souvent parlé. Elle l'aimait beaucoup et consentit à ce qu'il voulait.
Un de mes principaux motifs pour entreprendre cet ouvrage, c'était de laisser derrière moi, pour servir aux futurs historiens, une esquisse aussi ressemblante que possible de cette grande énigme qu'a été Héléna Pétrowna Blavatsky, co-fondatrice de la Société Théosophique. J'affirme sur l'honneur que je n'ai pas écrit un mot sur elle ou sur ses actes qui n'ait été dicté par une parfaite fidélité envers sa mémoire et envers la vérité. Pas une ligne qui doive son origine à une rancune.
Nous étions toujours mal vus par le gouvernement qui nous soupçonnait d'espionnage pour le compte de la Russie, et un de mes désirs était d'éclaircir ce stupide malentendu pour que notre oeuvre aux Indes n'en fût pas entravée. Mais il me paraissait politique d'attendre que les principaux fonctionnaires eussent eu le temps de se faire une idée de nos personnes et de nos motifs probables en nous rencontrant dans le monde.
Quand l'occasion me parut mure, un soir après diner, dans une conversation familière avec le secrétaire des Affaires étrangères, je m'entendis avec lui pour l'échange de lettres et la production de mes lettres de recommandation du président des États-Unis et du secrétaire d'État Américain.
Mais l'incident le plus remarquable de notre séjour à Londres fut la rencontre d'un Maitre par trois d'entre nous en descendant Cannon street. Le brouillard était si intense ce matin-là qu'on n'y voyait pas de l'autre côté de la rue, et Londres se montrait sous son jour le plus défavorable. Les deux personnes qui étaient avec moi le virent d'abord parce que j'étais de l'autre côté et en train de regarder quelque chose. Mais quand ils s'écrièrent, je me retournai vivement et je rencontrai l'oeil du Maitre qui me regardait pardessus son épaule. Je ne le connaissais pas, mais je reconnus le visage d'un Être Supérieur, car le type une fois vu ne peut plus être confondu.
Je ne peux pas dire si cet Indou mystérieux apporta réellement à HPB une recrudescence de pouvoirs, mais à diner, ce soir-là, elle fit le bonheur de son hôtesse en tirant pour elle de dessous la table une théière japonaise d'une extrême légèreté. Je crois que ce fut à sa demande, mais je n'en suis pas sûr. Elle fit aussi trouver à Massey dans la poche de son pardessus, dans le hall, un porte-cartes indou incrusté. Mais je ne fais que citer ces faits, parce qu'ils pourraient être expliqués aisément par l'hypothèse d'une tricherie, si on était porté à douter de sa bonne foi.