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(01/01/1900)
3.75/5   4 notes
Résumé :
Yaacov le maçon - le narrateur -, et sa femme Rachel, blanche et pure, vivent dans "un studio composé d’une entrée et d’une pièce, sur un toit". Yaacov nous avertit d’emblée qu’ils ont décidé de divorcer. Le rabbin chez qui ils prennent conseil leur propose d’abord de déménager : "Qui change de lieu, change de destin." Yaacov annonce alors à sa femme qu’il va construire une nouvelle maison.
Yaacov nous découvre ensuite leur quotidien, très rapidement perturbé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre n'est pas facile a trouver. J'en suis conscient. J'ecris ce billet dans l'espoir que quelqu'un fera l'effort de le chercher? Aussi. Bien sur. Parce que, comme d'autres oublies, ce livre merite un enthousiasme d'archeologue devant un objet precieux fraichement deterre.

C'est une relecture. Je me rappelle la surprise, l'emballement que j'avais eprouve a l'epoque (c'etait hier, jeune marie, c'etait tout juste hier…) et mon admiration aujourd'hui reste entiere, y voyant evidemment d'autres aspects, d'autres semblances (un jour, une nuit, et je fete mes noces d'or…).

Il s'agit d'un couple, et d'une maison. Un jeune couple. Un tout petit appartement perche dans des combles. Un couple aimant. Qui ne s'aime plus. (Ce n'est pas ca. Ou pas si sur?) Je me corrige: qui ne fait plus l'amour. Lui: Yaacov, un macon aux gros bras. Sensible. Jamais rude. Elle: Rachel, fine et laiteuse, reveuse. Inaccessible. Ils s'aimaient, mais ca ne va plus alors ils pensent au divorce. le rabbin qui devrait les separer leur conseille de la patience, et surtout de changer de maison. “Nouvel endroit, nouveau depart, nouvelle occasion!” Et lui, confiant, promet de lui en construire une. Mais de retour a l'appartement elle sursaute: une fourmi! le lendemain de nouvelles apparaissent, et en peu de temps des caravanes entieres. Ils essayent tous les moyens de s'en debarasser, sans succes. Il eleve de nouveaux murs dans leur minuscule appartement pour essayer de les cloitrer. Les murs se fendillent, se lezardent, rien n'y fait. Il les renforce, les epaissit, rien n'y fait. Leur espace vital se rapetisse au fur et a mesure et les fourmis envahissent tout, leurs armoires, leurs vetements, c'est la panique. Les murs que Yaacov construit ne resistent pas aux fourmis, ils tombent, ce n'est plus un appartement, ce n'est plus une maison, c'est un capharnaum, mais avec eux tombe aussi le mur separant le couple, qui se retrouve en un regain d'erotisme. Au milieu des fourmis. Avec les fourmis. Des fourmis qui du coup sont plus tranquilles, moins destructrices. Elles restent, mais ne font plus peur au couple, ne le genent plus. Nouveau depart. Nouvel espoir.

J'etais jeune. Soixante-huitard. J'y avais vu ce que je voulais voir: la propriete est une entrave au bonheur. Detruisons-la pour mieux vivre. Pour tout simplement vivre.

J'ai vieilli. J'y vois en plus d'autres choses. Entre autres l'arriere-plan biblique auquel je n'avais pas prete attention: Jacob et Rachel. Dans le recit biblique, Jacob, pour avoir Rachel, est oblige de travailler pour son pere, un travail qui n'en finit pas, et quand apres 7 ans il croit avoir accompli son du, il s'apercoit qu'il n'en est rien, que tout ce qu'il s'est efforce de construire s'effondre et il doit rengager pour encore 7 nouvelles annees. Et a la place de Rachel on lui impose ses servantes, Zilpa et Bilha.Ce n'est que quand il est pres de perdre tout espoir qu'il peut concretiser son amour pour Rachel. Dans le roman aussi, on voit apparaitre une certaine Bilha aux cotes de Rachel (on soupconne des amours lesbiennes) et ce n'est que quand Yaacov se croit definitivement vaincu par les fourmis ou par la fatalite, quand il est pret a lever les bras, qu'en fait il triomphe, qu'il regagne l'amour de sa Rachel.

Et j'y vois aussi un arriere-plan israelien. Dans un tout petit appartement, dans un tout petit etat, un couple (Ashkenazes et Sepharades? Religieux et anti-religieux? Democrates pacifistes et nationalistes fanatiques? Colombes et faucons?) vit un desamour. L'appartement est attaque de l'interieur (par des Palestiniens?). Et ce n'est qu'apres une tres tres longue lutte, sans aucun succes, quand on croit tout perdu, qu'on comprend que l'amour ne peut surgir, ou resurgir, que si on s'habitue a l'attaquant, si on lui laisse a lui aussi sa place dans le petit appartement. On y est peut-etre encore plus a l'etroit, mais l'amour (la paix) peut y regner. Entre tous.

Itzhak Orpaz est un peu oublie meme en son pays. Il a pourtant ecrit de beaux livres, dans toutes sortes de registres. Et je m'apercois seulement aujourd'hui que c'etait un des premiers a avoir prone, discretement, et donc oeuvre, tres discretement, avant d'autres, pour une vraie conciliation. Pour une vie, ensemble, de differentes communautes, ou chacune puisse avoir sa place meme dans un petit appartement face a la mer, dans un petit etat mediterraneen. Pour un avenir.

Itzhak Orpaz. Il y a longtemps j'avais aime son livre. La relecture m'induit a louer aussi l'homme. Un des noms de la conscience politique israelienne, un des moins connus que les Oz, Yehoshua, Grossman ou Nevo, mais non moins importants.
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