Je pensai un moment frapper à sa porte pour que nous nous expliquions, mais étant donné la violence inhabituelle avec laquelle elle s’était adressée à moi, il me sembla plus raisonnable de la laisser se calmer. Et de toutes façons, je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait lui dire dans une situation pareille. Elle viendrait forcément s’excuser d’elle-même d’ici quelques minutes, ou quelques heures. Nous ne nous étions jamais fâchées, et il n’y avait pas de raison pour que cela arrive à cause d’un chat fraîchement débarqué dans sa vie.
Les tréfonds de l’âme animale m’étaient inaccessibles à cause de mon manque d’expérience dans le domaine, mais je me disais que c’était sans doute ce que j’aurais fait à sa place. L’endroit indiqué par Denise était assez glauque, et ressemblait à une construction désaffectée, où l’on stockait visiblement les containers à ordures avant le passage des éboueurs. Effectivement, une bonne cinquantaine de chats et cinq ou six chiens erraient ici et là entre les poubelles et les tas de ferraille ou de pneus usés.
Nous nous connaissions depuis toujours, mais vraiment toujours, puisque nous étions nées toutes les deux le même jour vingt ans auparavant, dans la même petite maternité. Nos mères avaient fait connaissance à cette occasion, étant l’une comme l’autre un premier enfant. Avaient suivi pour moi deux frères, et pour elle un frère et une sœur, qui se connaissaient tous. De
Je ressentais pour mon amie à la fois de l’affection, de l’admiration, et même un lien quasiment physique, comme si nous étions issues de la même souche. Malgré nos différences de caractère, nous nous comprenions mieux que personne, et je n’imaginais pas vivre sans la voir chaque jour ou presque. Par-dessus tout, elle me faisait rire.
La commère, une femme d’une soixantaine d’années en tablier, mais coiffée, maquillée et bijoutée, n’avait rien vu. En revanche, elle m’offrait un verre de bienvenue, pour se présenter. Je lui répondis que ce serait avec plaisir, une fois que j’aurais retrouvé mon chat.