Matin brun

Matin brun se situe dans une période trouble, où le régime impose ses lois, strictes. Les scientifiques de l'Etat national ont déclaré qu'il ne fallait plus conserver les chats et les chiens qui n'étaient pas exclusivement de couleur brune, par soucis de rationalisation. Charlie et son ami, notre narrateur, propriétaires d'animaux non réglementaires, s'exécutent et se séparent de leurs compagnons. Puis, ils décident qu'il fait bon vivre, finalement, dans une société qui imposent des règles si rigides, un Etat brun. Au moins, la vie y est légère, et il n'y a plus de questions à se poser...

Ce petit livre connaît le succès que l'on sait, mérité. 1 300 000 exemplaires tirés. L'édition 2008 est la vingt-sixième depuis 1998.
Depuis un petit moment indisponible chez l'éditeur, je suis heureuse d'avoir enfin pu me le procurer en librairie.
La fable, imaginée par Franck Pavloff, fait froid dans le dos. Elle nous rappelle, sans y toucher réellement, avec une fausse légèreté, combien il est facile de se laisser bercer par ce qui est insupportable, du moment que cela touche les autres, combien aussi l'être humain peut être manipulable, lâche et égoiste.
Elle nous rappelle également, bien entendu, d'autres évènements, d'autres "sélections", pas si lointaines.
Une courte nouvelle donc, au prix modique de 1 €, à s'offrir et à offrir tous azimuts, pour réfléchir et se souvenir !!

Un extrait...
"C'est vrai que la surpopulation des chats devenait insupportable, et que d'après ce que les scientifiques de l'Etat national disaient, il valait mieux garder les bruns. Que des bruns. Tous les tests de sélection prouvaient qu'ils s'adaptaient mieux à notre vie citadine, qu'ils avaient des portées peu nombreuses et qu'ils mangaient beaucoup moins. Ma foi, un chat c'est un chat, et comme il fallait bien résoudre le problème d'une façon ou d'une autre, va pour le décret qui instaurait la supression des chats qui n'étaient pas bruns.
Les milices de la ville distribuaient gratuitement des boulettes d'arsenic. Mélangées à la pâtée, elles expédiaient les matous en moins de deux.
Mon coeur s'était serré, puis on oublie vite."

Charlie et son copain vivent la montée d'un régime politique extrême : l'Etat brun. Des lois liberticides et injustes, mais dont on s'accommode finalement bien, pris par le quotidien… et se convainquant tant bien que mal de leur bien-fondé pour l'intérêt de la société. Puis, l'atteinte aux médias, à la littérature… des lois qui se durcissent, s'extrêmisent, jusqu'à devenir inacceptables car elles touchent désormais nos deux héros de plein fouet. Mais étaient-elles acceptables au départ ?

En seulement 12 pages, Franck Pavloff parvient à dépeindre l'acceptation par le peuple de mesures injustes, l'adhésion progressive à une pensée unique : par lâcheté ? Résignation ? Crédulité ? Certainement un mélange des trois. Et quand la prise de conscience est trop tardive, l'absence de résistance fait que l'on a abouti à une situation où tout retour en arrière paraît vain.

Simple, mais efficace. Un livre qui devrait être au programme de lecture de tous les lycéens (c'est peut-être le cas).

Un récit court et bien écrit qui permet d'accéder facilementà des thèmes importants de notre histoire mais aussi de l'actualité.
Il donne à réfléchir et nous invite à nous interroger sur les comportements de la société et des individus.

Je classerais indubitablement ce court ouvrage dans la catégorie ‘'littérature jeunesse'' ; le sous-titre pourrait être, selon moi, ‘'La marche vers la dictature à la portée des jeunes''.
Ce n'est nullement péjoratif car je recommanderais volontiers ce petit opuscule à des ados. Mais, comme j'ai largement dépassé cette tranche d'âge, ce livre ne m'a rien apporté. L'allégorie est sûrement très parlante pour un jeune lecteur peu au fait de ces évènements, mais j'ai trouvé cela passablement primaire pour un adulte…
Dans le genre, lisez plutôt ‘'Inconnu à cette adresse'' de Kathrine Kressmann Taylor, ouvrage incontournable.

Petit et grand il est tout ça le livre de Franck Pavloff.
Dictature, lâcheté, racisme, politique : il y a tout ça dans ces quelques pages et tellement plus...
Une claque, de celles qui font mal et qui font peur.
Un livre à lire absolument et surtout un livre à réfléchir.

Fable sur la peur de l'autre, l'indifférence et le totalitarisme. Beaucoup de sens, dans très peu de pages.

Lire ce tout petit livre ne sert à rien si cette lecture rapide n'est pas suivie d'une longue réflexion.

"La seule condition au triomphe du mal est l'inaction des gens de bien" Edmund Burke

Douze pages seulement qui laissent le lecteur en état de choc. Un petit livre que l'on se passe de l'un à l'autre, comme une mise en garde, que l'on goûte comme un bonbon acidulé. Quelques pages qui montrent la folie du pouvoir politique, ou autre, et la crédulité des hommes. Quelques pages qui font écho à toutes les manipulations et les perversions, à toutes les privations et tous les interdits, infligés, subis et acceptés sans mot dire, sans maudire, par peur ou pour préserver notre tranquillité. Ces quelques pages font réfléchir à nos comportements serviles et égoïstes, à nos lâchetés. Un matin brun peut se lever à tout moment en tout endroit du monde. Écrit en 1998, Matin Brun n'avait même pas connu le confinement "brun"! Que faire ? Ouvrir les yeux et les oreilles, être vigilants... et résister.

☕️ « Les chiens, ça m'avait surpris un peu plus, je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que c'est plus gros, ou que c'est le compagnon de l'homme, comme on dit. »
(P.3)

☕️ A la terrasse d'un café, un beau matin, Charlie et son ami se retrouvent et le premier fait une annonce plus ou moins surprenante, à laquelle le narrateur ne s'attendait pas : son chien de quinze est mort, et même s'il avait été en âge de vivre, sa couleur l'empêchait d'exister. Il n'était pas brun. Oui, depuis quelques temps, le brun est la seule couleur que l'Etat accepte. Au début, il ne s'agissait que des chats dont on se débarrassait, ça passait encore, mais alors les chiens … c'était une autre affaire, voyez-vous. Et puis désormais, il était interdit de parler de quelconque animal sans lui accoler l'étiquette désormais obligatoire, sous peine de sanction. le quotidien local confirmera… mais il a été réduit au silence… Et puis l'Etat a d'ailleurs décrété que la mesure brune était désormais rétroactive : gare à qui, un jour, a possédé un animal d'une autre couleur … La répression se faufile partout, les voisins font de la délation leur fierté, la honte et la peur gagnent la ville…

☕️ Court récit de seulement 12 pages, il n'en faut pourtant pas plus pour viser juste : en quelques pages seulement, Franck Pavloff dénonce les dérives d'un état totalitaire fondé sur des recherches scientifiques biaisées légitimant une intimidation quotidienne, une menace permanente à qui ne rentre pas dans les rangs. La peur immobilise, paralyse, elle annihile tout raisonnement, toute didactique, toute remise en question. La liberté est un droit bien fragile a de nombreux égards, et qui ne devrait jamais s'apparenter à un privilège… !

☕️ A méditer …

Un livre magnifique et incontournable....