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4,11

sur 1763 notes
Trop tard !

Ainsi deux mots pourraient-ils résumer cette histoire.

Un apologue qui va à l'essentiel et qui fait mouche... brune.

En quelques pages lapidaires, aériennes, au langage à la fois épuré et familier, Franck Pavloff réussit la gageure de dessiner les contours de la montée du national-socialisme sans en dire un seul mot.

Au début, le narrateur et son ami Charlie ne se préoccupent pas outre-mesure de l'interdiction des chats non bruns. L'univers dans lequel évoluent les personnages n'est pas contextualisé, de manière à universaliser le propos. le narrateur est anonyme.

Ce n'est que de fil en aiguille, de décret en décret, qu'inexorablement, on aboutit à la plus absurde des aberrations.

Une argumentation indirecte, qui fait réfléchir au sujet de la propagande, de la censure, de la dictature, mais qui pointe également la lâcheté, l'aveuglement et la faiblesse de la population - tête dans le guidon et dans le tiercé, amollie par la bière et les jeux, au langage trop sommaire pour pouvoir réfléchir vraiment - qui ne peut réaliser que trop tard l'horreur en train de se produire sous ses yeux.

Pas de jugement moral cependant. Juste un constat sans appel et une sonnette d'alarme à conserver précieusement à l'esprit, bien entendu encore parfaitement actuelle, malheureusement.

Face au totalitarisme, il faut agir quand il en est encore temps.

Ce bijou se clôt sur une fin implicite qui donne des frissons.








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Une dystopie très contemporaine, voilà ce que nous propose le poète et romancier Franck Pavloff.

Une de plus, vous me direz, oui mais... une dystopie qui tient en 10 pages (ressenti 5), voilà qui est plus rare. Et qu'une si courte nouvelle atteigne le chiffre de deux millions d'exemplaires, je trouve ça incroyable !

2€50, c'est peut-être cher payé la page, mais ici on est bien dans du texte engagé, un propos humaniste dont notre société devenue folle a plus que jamais besoin. Ne connaissant pas l'auteur, curieux, je me renseigne sur l'Internet et j'apprends que ce texte date tout de même de 1998 et que l'auteur l'a produit en réaction à l'extrême droitisation de la politique française à cette époque. Si j'en juge par l'évolution de la société durant les 25 années qui ont suivi (parlons simplement de droitisation : les intéressés eux-mêmes ne font plus dans le chipotage), j'ai quelques raisons de penser que l'auteur doit fulminer. Ou peut-être est-il simplement triste, triste comme un matin brun.


C'est un excellent texte. Malgré le ton léger, le sourire ne parvient jamais à éclore complètement sur nos lèvres, car on est immédiatement plongé dans le climat dérangeant de cette société. Dérangeant, non parce qu'on a de la peine pour nos deux jeunes gars paumés, mais parce qu'il résonne dans nos oreilles tandis qu'une part considérable de notre cerveau – celle veillant à notre santé mentale – oeuvre désespérément et inconsciemment à l'ignorer.


Plusieurs thèmes, plusieurs grilles de lecture.

Au niveau le plus brutal et avec peu d'effort d'interprétation des images, on a la dénonciation d'un état fasciste exacerbant l'identité nationale et qui en vient à l'épuration ethnique.

À un autre niveau, c'est la dérive autoritaire vers une telle société qui est décrite.
Certainement la lecture la plus importante car, je dirais, quand on en arrive au stade totalitaire, c'est déjà trop tard.
De la même façon que l'épuration ethnique requiert toujours une déshumanisation de l'Autre, la dérive autoritaire draine son lot d'aliénations collective et individuelle. L'auteur montre très bien cet aspect par les réactions des amis face aux nouvelles mesures gouvernementales qu'ils apprennent. Pour conserver un équilibre mental, le cerveau cherche et trouve des justifications. Calmer la dissonance cognitive, et ce faisant perdre pied avec la réalité.

Troisième thème et non des moindres, le développement de la pensée unique qui invariablement accompagne les dérives autoritaires :

 (Commentant l'arrêt du Quotidien de la ville :)
« - Pas un jour sans s'attaquer à cette mesure nationale. Ils allaient jusqu'à remettre en cause les résultats des scientifiques. Les lecteurs ne savaient plus ce qu'il fallait penser […]
- À trop jouer avec le feu...
- Comme tu dis, le journal a fini par se faire interdire. »

Dans le doute, je rappelle encore une fois que ce texte précède de plus de 20 ans la gestion de la crise sanitaire du Covid...
Cet argument consistant à justifier la politique de la pensée unique (et la censure virulente l'accompagnant) par le souci de ne pas semer le doute dans l'esprit des citoyens (« Les lecteurs ne savaient plus ce qu'il fallait penser ») ferait probablement sourire s'il n'avait pas été repris comme élément de langage par les plus hauts représentants de nos démocraties occidentales durant les dernières crises sanitaires et géopolitiques.

Enfin, Pavloff pointe l'un des aspects les plus ignobles qui signent bien souvent l'entrée dans le totalitarisme : l'encouragement à la dénonciation de quiconque chercherait à apporter la contradiction face à cette pensée unique. Avec la loi SREN en passe d'être votée, son arbitraire et sa violation de la sphère privée sans précédent, la France pousse un peu plus loin encore la barre pour les auteurs de dystopie voulant innover... Elle n'est malheureusement pas la seule en ce moment, mais est-ce une consolation ?
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En ces temps incertains,
À la veille du scrutin.
Avant d'voter pour Machin ou Machin,
LISEZ MATIN BRUN.

Petit livre cristallin,
Qui dit en trois fois rien,
Qu'on pourrait finir zinzin,
Si on se trompe de bulletin.
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Ne pas se sentir concerné. Détourner le regard. Accepter des aberrations voilées. Quand la lâcheté individuelle peut mener à l'oppression collective. 11 petites pages criantes de vérités. Une nouvelle universelle contre la pensée unique et pour l'engagement de chacun.
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Besoin de lire un texte court. Envie de me repencher sur cette nouvelle propice à la réflexion en ces temps où les extrémismes s'expriment grandement.


Deux jeunes amis subissent et se plient à l'arbitraire d'un mouvement fasciste, au travers de la limitation de leurs libertés. Nous suivons plus particulièrement l'un d'entre eux, Charlie, qui d'abord ne se pose pas vraiment de questions puis pressent et réalise enfin le danger, lorsqu'il est trop tard malheureusement pour un retour en arrière.


Au final, j'ai trouvé que tout cela manquait de subtilité. Ou alors, c'est le contraire, trop subtil peut-être.
Les extrêmes se rejoignent dit-on…

La brièveté ici empêche la mise en place d'un contexte, empêche aussi d'entrer dans la psychologie des personnages. Cela est sûrement censé servir le propos afin de permettre au maximum de personnes de s'identifier.
Mais je me demande à qui s'adresse ce texte.

Quelqu'un déjà convaincu n'y trouvera pas beaucoup d'intérêt je crois, s'il est comme moi du moins.
Quelqu'un qui n'est pas sensible au propos ne se sentira pas du tout concerné je le crains car il risque d'y voir de l'exagération. Tout va un peu trop vite il me semble.
Même pour des jeunes, adolescents par exemple, ils risquent de trouver cela « trop » (trop gros, trop loin d'eux, trop pas réaliste, trop court… il font rarement dans la nuance).


Et pourtant c'est un sujet plus que jamais intéressant.
Tout de même gardez le sourire :)
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Onze pages d'une grande intensité. Relu après Cristallisation secrète de Yoko Ogawa qui traite du même sujet (en version longue lol). Qu'ajouter de plus au vu des nombreuses critiques des autres lecteurs ? Petit livre pour grande place dans une bibliothèque qui se respecte.
- Non l'homme ne descend pas du singe, il descend plutôt du mouton comme chante Damien Saez

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Une minuscule nouvelle percutante qui en une dizaine de pages nous montre comment s'installe une dictature de la pensée dans une société.
Ca m'a fait penser à Orwell, beaucoup. Les phrases sont incisives, les émotions sont brutes.
Un tout petit livre à mettre entre toutes les mains.
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Un nouvel état s'est levé sur le pays, brun, à l'image du matin brun qui monte. Avec lui, ce sont de nouvelles règles qui apparaissent, colorées d'absurdité. D'abord, ce sont les chats non bruns qui doivent être éradiqués. Puis les chiens. Charlie et son copain se sont interrogés, juste un peu, puis ont baissé la tête et appliqué les consignes : le labrador de Charlie et le chat blanc et noir du copain sont passés à la trappe. Puis la couleur obligatoire, univoque, s'étend à la presse… jusqu'au vocabulaire : « brun » ou « brune » surgissent à la fin des phrases ou après les mots, même si tout cela sonne bizarrement. On commande un pastis brun, sans presque plus s'étonner. La peur, cependant, gagne nos deux protagonistes quand une nouvelle règle, encore plus absurde, fait son apparition. Les coups résonnent à la porte du copain de Charlie, un matin. Un matin brun, qui voit se lever la couleur du totalitarisme.

Cette courte nouvelle de Franck Pavloff, auteur d'origine bulgare, sait dire à merveille les dangers et les affres d'un état totalitaire sans jamais le nommer explicitement. Elle souligne également la duplicité des habitants qui courbent la tête et acceptent sans esprit critique les injonctions venues d'en haut. Une somme de petites lâchetés bien ordinaires qui conduisent vers une radicalité à sens unique…
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Nouvelle brève mais intense en réflexion. Elle lève une simple interrogation : quand tout change dans une société, est-on prêt à se battre pour conserver nos droits ? Ou est-ce finalement plus simple de ne rien faire et d'attendre ? Nul besoin d'épiloguer sur cette histoire, nul besoin d'en faire un roman car cette réflexion se prolonge jusqu'au dernier soupir...et l'auteur l'a bien compris !
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Celui qui laisse faire n'est-il pas aussi responsable que l'oppresseur?
Onze pages pour réfléchir à nos mille et une petites lâchetés.

Ce livre, je l'offre en lieu et place d'une carte de voeux.
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