AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le caporal épinglé (14)

Nous fûmes embauchés tous deux par un grand dadais d’aspect inoffensif qui nous conduisit à l’école complémentaire des filles où logeait une compagnie de transmission. Il s’agissait de récurer les couloirs et de balayer les chambres (-)
On me confia un nouveau balai avec mission de nettoyer le plancher sous l’autre rangée de lits. Gentils petits lits où rêvaient le soir et s’étiraient le matin les jeunes Lorraines des cours complémentaires. Sur le plancher poli par les tendres pieds je bouscule des bottes à clous. Si encore c’étaient des bottes de mousquetaires, il y aurait moyen de s’arranger,si même ce dortoir virginal était sens dessus dessous, saccagé, maculé, chahuté par le passage de la horde, ..., mais c’est bien pire, tout est en ordre. Tout est aligné, astiqué, froid et figé... tout le féminin a été lessivé le dernier parfum de chevelure brossée vient de mourir étouffé sous la grande odeur teutonique à base de cirage.
Commenter  J’apprécie          20
Un soir de ce genre, le brave Dames, faisant irruption dans notre piaule, dut s'y frayer un chemin dans un épais brouillard de fumée. Il faisait froid, la fenêtre était fermée selon les consignes. On suffoquait :

- On fume ici !

Surprise générale, protestation unanime devant l'arbitraire d'une pareille affirmation.
Commenter  J’apprécie          20
Il arriva un matin que l'heure de la pelote coïncida avec l'exercice d'une compagnie SS rassemblée sur une butte voisine. Tout en tournaillant, nous pouvions voir, à chaque virage, par-delà les barbelés, tous les raffinements de l'instruction à la prussienne, l'art et la manière de façonner un soldat du Reich, c'est-à-dire de briser l'homme et d'entraîner l'automate.
Commenter  J’apprécie          20
Non seulement Becavin a bien mérité de la patrie par son ardeur à ne rien faire sur les chantiers du Reich, mais c'est encore un actif zélateur du graissage des essieux. Cette opération consiste à enfourner subrepticement une pelletée de sable dans la boîte à graisse des roues du wagon. On ne saura jamais le nombre de véhicules ainsi tracés par la méthode Becavin. Un jour qu'une rame stationnait devant l'équipe alignée sur le ballast, nous nous trouvâmes, Becavin et moi, juste en face de la boîte de graissage. Ayant sondé les alentours de son regard ubiquiste et placide, il souleva prestement du tranchant de sa pelle le couvercle du graisseur en s'écriant : "Demandez le lubrifiant Becavin !" quand il s'avisa que le wagon était français.
Commenter  J’apprécie          10
Mais je suis prêt à croire qu'Azo est quelqu'un de bien. Peut-être est-il homme à mâchonner voluptueusement une violette tout en commandant le feu sur une troupe de bonnes soeurs et d'otages octogénaires, mais la sauvagerie n'empêche pas les sentiments et il y a chez cet homme à pédigree, si bien racé, si bien dressé, quelque chose d'éternellement prussien, d'éternellement rebelle à la civilisation qui ne manque pas de grandeur.
Commenter  J’apprécie          40
A la lueur de veilleuses entretenues à la margarine, nous creusions à petits mouvement contorsionnés, sans fièvre ni fol espoir. Mais c'était une excellente discipline et chaque fois qu'un coup dur ou idiot nous rabattait au sol, le recours au souterrain nous sauvait du désarroi. La petite flamme fumeuse, l'odeur de terre remuée, le son mystérieux des voix, le grattement grignoteur des instruments faisaient une atmosphère cryptique où nous retrouvions les sources de nos exaltations enfantines. C'était un noble jeu de garçons, strictement interdit par les grandes personnes. Cette impression d'appartenir au clan des enfants terribles, des cancres et des dissipés, nous liait plus que tout les reste. Nous étions l'aristocratie, la chevalerie dûment sacrée par les cérémonies disciplinaires et confirmés dans les tournois de pelote;
Commenter  J’apprécie          40
Les deux ou trois premières heures furent assez contrariées par l'encombrement du couloir et le va-et-vient des voyageurs qui brouillaient mon champ d'observation et m’obligeaient à fournir une grosse dépense d'attention pour guetter l’émergence de la tête suspecte.Mais j'avais encore bon pied bon oeil. L'ennui était d'avoir à imaginer un tas de singeries et de variations d'attitudes qui ne révélassent point à mes voisins mes préoccupations d'homme aux aguets. tourner tout bonnement la tête d'une épaule à l'autre à une cadence de phare à éclipse ou d'ours en fosse n'eût pas manqué de proposer alentour et à la longue des problèmes captivants sur mon équilibre psycho-moteur, mon hérédité ou l'étiologie d'un tic de la négation à grande amplitude. Je camouflai donc mes aguets par des subterfuges tels que grattement divers, curage d'oreille, rectification de cravate, déplacement de pipe, etc... puis, lassé de ces artifices, je parvins, en utilisant au maximum le mouvement latéral des yeux dans l'orbite,à réduire considérablement la rotation de la tête. Je ne doutais pas que ces regards en coulisse ne retirassent à ma physionomie une partie de ses radiations spirituelles, mais il faut savoir faire des sacrifices d'amour-propre.
Commenter  J’apprécie          20
Il est temps de penser aux choses sérieuses et de savoir en somme comment m'évader, car, tout bien considéré, je ne suis guère plus tiré d'affaire que la girafe qui, sortant de sa cage, cherche à s'orienter sur le quai d'Austerlitz; un certain nombre d'épreuves lui restent à courir avant de paître aux clairières natales.
Commenter  J’apprécie          162
Je n'ai pas la passion de la lecture et j'estime en avoir bien assez dans le crâne pour alimenter mes heures creuses jusqu'à la fin de mes jours, même avec les énormes disponibilités de la captivité. J'éprouve aussi une sorte de méfiance pour le livre qui va m'imposer une fallacieuse évasion (...). J'ai toujours exigé pour la lecture un certain confort de maniaque: le fauteuil Louis XIII, le creux de mousse, deux chaises de fer sous la statue d'Anne d'Autriche, le hamac dans une clairière vierge, le tas d'oripeaux dans un coin de grenier (...)
Commenter  J’apprécie          90
A voir s'enfoncer dans l'aube collante et désolée ces groupes de loques faméliques, ces fantômes de soldats punis, je me souviens m'être souvent posé la question suivante : si l'on prend pour unité de cafard la quantité fournie le lundi matin par un employé de banlieue qui reprend son boulot avec ses habituels soucis de famille, je me demande quel est le cubage et le tonnage représenté seulement par un de ces commandos qui cheminent dans les demi-ténèbres vers la miteuse aurore des chantiers.
Commenter  J’apprécie          100






    Lecteurs (161) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

    Françoise Sagan : "Le miroir ***"

    brisé
    fendu
    égaré
    perdu

    20 questions
    3667 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

    {* *}