Roman lu dans le cadre du « Prix des lecteurs du Var ».
Il n'est plus vraiment nécessaire de présenter la ville de Détroit dans l'Etat du Michigan.
Des romanciers ont déjà raconté l'apogée et le déclin de cette ville. Mais
Judith Perrignon a pris comme angle d'attaque l'histoire d'une cité : le Brewster Douglas Project, mettant en éclairage trois périodes.
Au milieu des années 30, elle est construite à l'initiative d'
Eleanor Roosevelt alors Première Dame des Etats-Unis.
La ville connaissait à ce moment là un essor économique et il fallait loger les familles des ouvriers, principalement Afro-américains. Beaucoup venaient des Etats situés dans la Bible Belt et espéraient vivre plus libres dans le Michigan.
Dans les années 60, c'est l'essor de la Motown et de tous ses artistes, souvent issus du Brewster, qui rend la ville célèbre. Diana Ross y a grandi et a formé avec ses deux amies d'enfance le groupe Les Suprêmes.
Sans oublier bien sûr la prospérité économique des usines de voitures.
En 2013, Détroit a profondément souffert de la crise . Les usines ont fermé. le chômage et la violence ont ravagé la ville. le Brewster Douglas a été vidé de ses habitants et n'est plus qu'un lieu désert devenu terrain de jeu des gangs.
C'est là que le corps sans vie d'un jeune homme vient d'être trouvé sans aucun papier d'identité sur lui. La policière chargée de dessiner et diffuser son portrait robot, Sarah, va tout mettre en oeuvre pour retrouver qui est ce jeune homme, qui ressemble à un étudiant, et découvrir pourquoi il se trouvait là et pour quelle raison il a été assassiné.
Elle sera aidée dans son enquête par l'inspecteur Ira, issu de la communauté noire. Ce super flic est né et a grandi dans la cité du Brewster. Grâce à ses souvenirs, nous découvrons la vie quotidienne dans la cité.
J'ai beaucoup apprécié ce roman, à l'écriture puissante de
Judith Perrignon que je découvrais.
» Je me dis qu'ils ont tout fait pour nous empêcher de prendre trop de place, trop d'importance. Ils ont rasé nos quartiers, nous ont obligés à nous recaser ailleurs, à laisser nos commerces derrière nous. Et après ils sont partis pour leurs banlieues chics, ils ont quitté la ville, ils nous l'ont laissée avec ses squelettes d'usines, ou plutôt ils nous ont mis en quarantaine en attendant je ne sais quoi, qu'on meure peut-être, qu'on s'entretue. Ils veulent revenir maintenant. C'est ça qu'ils veulent avec leur mise en faillite, leur manager. Ils veulent nous la reprendre. Ben, tu sais quoi ? Après tout ce temps, faut qu'ils sachent un truc. Cette ville est noire. Si noire que les écureuils aussi sont devenus noirs ! «
» le bus longe maintenant un ancien quartier blanc. Il y a de moins en moins de lumières aux fenêtres, des commerces au bord de la fermeture définitive, et plus de gamins dans les rues, ils s'en sont allés pour toujours avec leurs parents, leurs frères, leurs soeurs, dans une voiture chargée (…) Si l'on se repassait ces départs successifs en mode accéléré, on dirait qu'une tempête ou qu'une soucoupe volante menaçait de les emporter. Ils ne sont pas loin pourtant, dans des maisons neuves de la banlieue alentour où leurs familles se sont installées. Ce qu'on ne rafait pas en ville, des promoteurs le construisent à quelques miles, en laissant entendre que là-bas au moins les Blancs seront tranquilles. »