Un bouquin extra qui commence comme un dialogue par chapitre interposé. La grand-mère commence à parler à Marcus son petit-fils, puis suivent Dana, la mère, les frères et soeurs de Marcus et Marcus lui-même. Puis, on remonte 60 ans en arrière pour vivre les émeutes de Saint-Louis, Missouri, lorsque Mamy Lee était jeune fille, avant de revenir à aujourd'hui pour une tragédie qui sera expliquée par le passé. Ce qui fait la force de ce livre, c'est bien sûr le thème qu'il traite : le racisme, la haine de l'autre, sujet qui malheureusement sera toujours d'actualité je le crains. Et ce n'est pas l'époque actuelle qui est la plus tolérante, chaque jour l'actualité nous montre un faits divers ou des phrases des uns et des autres attisant la haine et les peurs.
Judith Perrignon écrit là un vrai roman américain comme aurait pu le faire par exemple et sans comparaison
Toni Morrison (le peu que j'ai lu d'elle m'est revenu en mémoire à la lecture de ce roman). Elle dresse le portrait d'un jeune noir de maintenant vu par les yeux de sa grand-mère
Les personnages sont formidables, on les voit même s'ils ne sont pas décrits physiquement, on les sent vivre et vouloir se battre pour montrer qu'ils existent, même quand comme Dana la mère, ils sont fatigués de toujours lutter. Mon seul bémol est ma difficulté du départ à me retrouver dans tous les prénoms énoncés qui s'estompe assez vite, puisque chacun s'exprime à tour de rôle.
La force de ce texte tient aussi au style, à l'écriture de
Judith Perrignon. Les narrateurs alternent, chacun racontant sa vision des faits, de la vie. Les phrases sont longues, très ponctuées, parfois des bribes de dialogue s'y insèrent. Une longue mélopée. Une supplique. Une prière d'une grand-mère à son petit-fils. Elle varie aussi les styles dans les différentes parties, entre dialogues, témoignages (celui du sauveteur est magnifique, lourd, insupportable et d'une beauté et d'une profondeur rares), récits. Évidemment, tout cela n'est pas très joyeux, peu de place est faite aux sourires ou aux rires, sûrement parce que la famille de Marcus a peu de raison de se réjouir de la vie qu'elle mène. Un très beau texte qui m'a scotché par sa force sur un thème pourtant souvent traité et qui me touche particulièrement.
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