Mamie Luger, la grand-mère rêvée… À moins de se retrouver dans son collimateur bien sûr…
Tout commence au fin fond de l'Auvergne par une fusillade et une arrestation, vite expédiées. Berthe Gavignol finit au poste, une garde à vue sous la surveillance et les questions d'un gendarme, Lionel Ventura, qu'elle prend un malin plaisir à appeler Lino. Il faut dire que Berthe n'est guère impressionnée, du haut de ses cent deux ans, elle en a vu d'autres. Des vertes et des pas mûres. Et c'est justement ce qu'elle entend bien raconter à son interlocuteur du jour.
L'interrogatoire va durer. Berthe en a sous la semelle et Ventura lui prête une oreille attentive pour aller, comme nous, de surprise en surprise, se prendre d'une infinie tendresse pour cette mamie qui a traversé le vingtième siècle.
Née en 1914, Berthe a grandi entourée de femmes, sa mère et sa grand-mère, Nana, figure tutélaire qui lui enseigne les bonnes manières face aux hommes. Même si le féminisme a fourbi ses premières armes quelques dizaines d'années plus tôt, force est de reconnaître que l'époque fait la part belle à l'engeance masculine et qu'à moins de se défendre bec et ongles en avant, la position des femmes n'est pas à envier.
Belle, fougueuse, Berthe entend bien se faire respecter, même si elle a bien compris que sa « réussite » et son « indépendance » passaient par le mariage. le patriarcat, elle en fait son affaire, en usant d'outils plus performants qu'un simple bec et quelques ongles…
La nuit va être longue pour Ventura. Berthe va lui retracer son parcours semé d'embûches et de cadavres. Des morts pour la cause féministe. Guerrière de l'ombre, mamie ne s'est jamais laissée faire. Elle a tout connu au fil des ans : la prostitution de sa grand-mère, le patriarcat triomphant, le viol, l'avortement, la médiocre condition féminine. Et l'amour…
Ç'aurait pu être un drame. C'est une comédie, enlevée, légère, fulgurante.
Benoît Philippon, avec la verve qu'il attribue à Berthe, transforme sa trajectoire en épopée réjouissante et jubilatoire. La grand-mère acariâtre dont personne n'osait approcher la chaumière se transforme en Amazone pourfendeuse des abus de tous les mâles croisés sur son passage, et ça fait du bien.
Elle est touchante, drôle, sarcastique, attachante, et nous renvoie notre compassion à grands coups de pelle. Dans la gueule…
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