Certaines mauvaises langues disent qu'après avoir lu un bouquin de la collection "Que sais-je?", il est courant de répondre "Apparemment, pas grand-chose". Ce titre ne fait pas exception.
C'est une réelle déception car l'auteur ancre pourtant d'emblée la criminologie du côté des sciences sociales, là où la discipline trouve à mon sens tout son intérêt - bien plus en tout cas que lorsqu'elle penche du côté du droit pénal ou de la psychiatrie clinique.
Mais malgré ces prémices encourageantes, j'ai été vite refroidi. Il y a d'abord des problèmes de forme, courants dans ce type d'ouvrages : des fautes de frappe, des répétitions, des phrases bancales, etc.
Ces problèmes sont certainement liés à un défaut de relecture et à l'ajout de nouveaux paragraphes au fil des rééditions et de l'actualisation du texte. C'est pénible à lire, mais ce ne serait pas rédhibitoire si le fond compensait ces défauts de forme.
Or il n'en est rien. Si les intentions paraissent bonnes - analyser le crime comme un fait social, faire de la criminologie une science sociale parmi d'autres - les moyens mis en oeuvre ne suivent pas.
Les faits énoncés sur les diverses thématiques évoquées par le livre (la justice, la violence, l'insécurité...) sont assénés comme des vérités sans jamais être objectivés.
L'augmentation de la criminalité dans les pays développés par exemple, est posée sans être accompagnée de quelconques chiffres venant l'étayer. C'est d'autant plus incohérent qu'il a été suggéré à de nombreuses reprises que la majeure partie de la criminalité n'était pas connue, et donc pas quantifiable.
La bibliographie est également très succincte, et l'ouvrage ne renvoie à des sources que très rarement. Pire, certaines assertions relèvent carrément de parti-pris idéologiques très problématiques dans un ouvrage à prétention scientifique.
Qu'on en juge : "A travers la revendication de la sécurité de l'emploi, de celle du travail, de la santé, des loisirs, l'individu remet de plus en plus son destin entre les mains d'un État-providence qui fait de lui un assisté" (p. 78). Ce genre d'opinion peut éventuellement être défendue, mais pas assénée comme cela sans aucune justification...
D'autant, encore une fois, que l'auteur martèle sa volonté de mettre l'idéologie de côté :
"Si une société sans crimes relève de l'utopie, on doit alors éviter que cette société devienne totalement criminelle. Encore faut-il, pour cela, éviter l'illusion dogmatique et idéologique ; elle s'accommode mal avec l'approche scientifique de la criminologie" (p. 115). Visiblement, il s'agit surtout de mettre l'idéologie des autres de côté.
Quelques éléments de base sur l'histoire de la criminologie et les ambitions de la discipline restent néanmoins intéressants lorsque l'on est profane en la matière, ce qui est mon cas. Mais l'ouvrage reste globalement trop peu sérieux sur le plan scientifique pour être autre chose que du para-journalisme.
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Comme beaucoup de gens, j'ai pas mal regardé de séries et de docs sur les tueurs et autres barons de la drogue. Alors j'ai décidé de me pencher un peu sur la théorie. le chapitre consacrés aux criminels de la psychologie pour les nuls a été très éclairant. Ce que sais-je bcp moins. Trop de blabla et pas assez de matière. C'est intéressant mais on reste sur sa faim.
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Les médias imposent à leur public une certaine idée de la criminalité, et cette idée, diffusée dans toute la société, est à l'origine du regard que les individus portent sur la réalité.
(...) Que les articles se multiplient, ou que l'attention soit portée (sans que leur importance réelle ait varié) sur des faits négligés jusque-là, l'opinion croit alors discerner une augmentation de la délinquance, et les pouvoirs publics se hâtent de réagir. Que, inversement, les organes de presse accordent une grande place, pendant un certain temps, à d'autres faits d'actualité, le sentiment d'insécurité tend à s'estomper.
Le mérite de Durkheim est d'avoir souligné que la criminalité est une conséquence du fonctionnement "régulier" de la société. Elle n'est pas un phénomène pathologique, c'est-à-dire accidentel. (...) Cette criminologie [sociologique] ne part pas de l'homme, [mais] a pour origine la société qui produit aussi bien l'homme que l'incitation qu'il subit et conduit à poser des actes déviants ou délinquants. (...) Dans cette approche, la criminalité apparaît souvent comme un phénomène d'inadaptation économique et culturelle.
C'est, vraisemblablement, davantage ce que nous ignorons de la criminalité qui est intéressant que ce que nous en connaissons. Nous ne possédons, en effet - aussi singulier que cela puisse paraître -, que peu d'informations utilisables sur la criminalité. Ceci est vrai dans tous les États.
Depuis au moins un siècle la statistique est, en effet, la principale mesure du crime. (...) Décrire, c'est aussi compter, mais la statistique ne décrit que les apparences les plus superficielles des phénomènes sociaux : celles qui se laissent compter.
La délinquance est un fait social qui n'épargne aucune société humaine. (...) La criminalité est un phénomène inévitable et universel "lié aux conditions fondamentales de la vie sociale" (Durkheim).
Ce qu'il faut souligner, en revanche, c'est que dans [les sociétés développées] on constate, depuis un quart de siècle, un parallélisme certain entre l'amélioration des conditions générales de vie, le progrès matériel et humain, et l'accroissement et la transformation de la délinquance. De telle sorte qu'en dépit d'une illusion entretenue au cours du siècle précédent le progrès dans la connaissance ne s'est pas accompagné d'un progrès humain.
Le vieux proverbe suivant lequel "le crime ne paye pas" a perdu de sa vérité. En réalité, LE CRIME PAYE ; il paye d'autant mieux que les sociétés modernes ont diversifié leurs activités, multiplié les sources de profit, mais aussi affaibli leurs systèmes de contrôle social (morale, discipline, religion, éducation, etc.). Ceci dans le souci de mieux garantir les libertés de chacun, fût-ce au détriment de la sécurité de tous.