C'est un moine de la région d'Harima qui, au X°siècle, aurait le premier utilisé du papier froissé comme vêtement. Si les qualités isolantes et imperméables de ce matériau sont à l'origine de sa rapide extansion, on peut toutefois mentionner une autre raison à son succès : les moines bouddhistes le préfèrent à la soie, confectionnée par des mains de femmes et donc souillée ! A partir du XII°siècle, les soldats et les pélerins adoptent le papier pour sa légèreté. Soucieux de réduire le poids de leur équipement sur la route, ils enfilent par-dessus leur cuirasse un long manteau de papier froissé, souvent renforcé de bourré de soie qui leur assure une protection efficace et légère. A l'époque d'Édo, le vêtement de papier n'est plus seulement l'apanage du religieux ou du guerrier, il devient l'étoffe du pauvre.
Japon, codes de papier, p.66
Mais les écrins et les joyaux de papier qui accompagnent la vie de tous les jours nous demeurent presque constamment imperceptibles. La réalité du papier disparaît derrière le symbole, le texte, la représentation ou le signe dont il est le support. Paradoxalement, c'est sous ses formes les plus insignifiantes et les plus dérisoires, sous son aspect de détritus, que sa présence redevient visible : prospectus, sachets déchirés, vieux emballages, lambeaux d'affiches, papiers de bonbons et papiers gras, tracts abandonnés, enveloppes ouvertes, presse périmée... Le papier fait écran à sa propre beauté, il nous embarrasse, il déborde de nos boîtes aux lettres, il traîne sur les trottoirs, il fait désordre ; on le froisse, on le jette, on le brûle.