LIOLA
Voyons, ici vous avez une terre. Si vous restez là à la regarder sans rien lui faire, que produira-t-elle, cette terre ? Rien. C’’est comme une femme. Vous ne lui faites pas d’enfants. Bien. J’arrive moi sur le morceau de terre, je la pioche, je l’engraisse ; j’y fais un trou, j’y jette la semence : l’arbre va naître. A qui l’a-t-elle donné, cet arbre, la terre, à moi n’est-ce pas ? Vous vous amenez et vous dites que non, que l’arbre est à vous. Pourquoi à vous ? Parce que la terre est à vous. Mais la terre, vous savez peut-être à qui elle appartient, la terre ? Elle donne des fruits à ceux qui la travaillent. Vous vous en emparez parce que vous avez les pieds dessus et parce que la loi vous soutient, mais la loi peut changer demain ; et alors vous serez chassé en un tournemain ; et la terre restera à celui qui l’ensemencera et qui fera pousser les arbres.
TOUT POUR LE MIEUX !
Elle voulait dominer par son intelligence. Mais quand une femme est jolie, on admire sa bouche, ses yeux… et comme elle était bien faite. On sourit aux lèvres qui parlent sans écouter ce qu’elles disent. Elle s’en apercevait tout de suite et rageait un peu d’abord, mais elle était trop femme pour n’en pas sourire. Son sourire croisait celui de l’homme qui regardait ses lèvres. Elle répondait au baiser que lui donnaient ces yeux.
FILLICO. - Ah, le voilà… le père Dima.
LA JARRE
TARARA, bas à Don Lolo. -Vous savez, il ne parle guère.
LA MÈRE TARA, mystérieuse. - Il parle peu.
DON LOLO. - Ah, vraiment ! (Au père Dima.) Et vous n’avez pas non plus l’habitude de saluer quand vous vous présentez ?
LE PÈRE DIMA. -Vous avez besoin de mon travail ou de mon salut ? De mon travail, je crois . Dites-moi ce que j’ai à faire et je le ferai.
DON LOLO. - Puisque « parler » vous coute un tél effort, pourquoi demandez-vous cet effort à autrui ? Vous le voyez bien ce que vous avez à faire.
Il montre la jarre.
MÉFIE-TOI !…GIACOMINO
…vous vous inquiétez comme tout à l’heure parce que les enfants se moquaient de moi alors qu’ils se moquaient du professeur. La profession est une chose, l’homme en est une autre. Dehors, les enfants me respectent et me baisent la main. En classe, ils font, eux aussi, leur métier d’élèves et fatalement ils se moquent de celui qui fait son métier de maître et le fait comme un pauvre vieux fatigué et qui s’ennuie.
Dans ce film, la romancière et critique littéraire italienne Daria Galateria et l'auteur et traducteur Jean-Luc Nardone, présentent le roman "Les Dix mille mulets" de Salvatore Maira à paraître le 2 juin 2021.
Sicile, 1949. le jeune éleveur de bétail Pepino Maiorana vient d'obtenir un marché mirifique : fournir dix mille mulets à la Grèce pour solder la dette de guerre de l'Italie. Il devra trouver les bêtes dans toute l'île, les conduire à Messine, les soumettre à une commission et les embarquer pour le Pirée, cent cinquante à la fois, en anticipant les dépenses avec de l'argent qu'il ne possède pas.
Pepino doit faire face en outre à deux obstacles majeurs : sa famille et la mafia. Mais il continue obstinément, zigzaguant entre les doutes et les menaces, convaincu qu'il tient là l'occasion de sa vie. Il trouvera un allié inattendu dans un singulier commissaire de police, Giulio Saitta, l'autre personnage central du roman qui, marqué par l'assassinat de son épouse, nourrit son désir de vengeance. Son enquête fait apparaître les puissances politiques, religieuses et mafieuses qui, dans l'ombre, intriguent pour mettre la main sur l'Italie. L'aventure individuelle de Pepino se fond ainsi dans l'histoire générale d'une Italie qui s'efforce de renaître et ne s'est pas débarrassée des forces maléfiques de la Seconde Guerre mondiale.
"Les dix mille mulets" est une épopée populaire tragi-comique qui mêle faits historiques réels et intrigue romanesque, dans laquelle on croise toute une foule de personnages désespérés, comiques, solitaires, qui essaient avec autant d'énergie que d'imagination, et sans trop de scrupules, de se réinventer une existence sur les décombres de la guerre. C'est aussi un roman choral qui recrée une Sicile disparue, à la fois séduisante et impitoyable, tragique et incroyablement vivante.
Salvatore Maira, né à San Cataldo en Sicile en 1947, a enseigné le cinéma à l'université La Sapienza à Rome. Il est l'auteur d'essais sur le théâtre baroque, sur la relation entre le cinéma et la littérature, sur Pirandello et Verga. Il a écrit et réalisé des longs métrages reconnus dans de nombreux festivals internationaux : "Valzer", par exemple, conçu avec un unique plan séquence a reçu le prix Pasinetti à la 64e Mostra de Venise. Il est également l'auteur d'un deuxième roman "Ero straniero" (2019).
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