J'avais lu cette pièce de
Carlo Goldoni, à l'origine (il y a plus de vingt-cinq ans de ça), parce que
Sergio Leone prétendait, dans une interview, s'en être inspiré (en plus du Yojimbo d'
Akira Kurosawa) pour créer son fameux premier western Pour une poignée de dollars.
Guettant, quêtant l'endroit où j'allais pouvoir retrouver certains éléments marquants du film, je me souviens de l'avoir dévorée goulûment, mais que, malheureusement, une fois arrivée au bout, hormis le lien évident que l'on pouvait déceler dès le titre, la parenté ne m'apparaissait pas probante ni aucunement intéressante. En somme, pour être tout-à-fait franche, je fus extrêmement déçue par cette farce épaisse, au burlesque hyper lourd, hyper insistant, hyper typique de la commedia dell'arte du XVIIIème siècle et qui, donc, sent fatalement beaucoup la naphtaline.
Avec les années, j'essaie d'ensevelir ma déception première et de ne chercher à y voir que les qualités, et il y en a sans doute, surtout si l'on replace la pièce par rapport à ce qui se faisait à l'époque. Il est vrai qu'à l'heure actuelle cette pièce a beaucoup vieilli et n'est plus trop regardable. (Encore que, personnellement, je crois que j'aurais adoré, à l'âge du collège, jouer avec mes camarades dans ce genre de pièce bouffonne qui ne se prend pas au sérieux.) C'est presque le pendant théâtral des
Histoires extraordinaires de
Poe, qui ont eu un rôle majeur d'initiateur dans l'histoire de la littérature, mais qui ne valent plus tripette aujourd'hui si on les compare à ce qui s'est fait depuis.
Et donc, si vous ne redoutez pas de vous engager dans des imbroglio pas possibles, des quiproquo à gogo et quelques peu insistants, des scènes largement téléphonées où les acteurs sont obligés d'en faire des tonnes (imaginez
Roberto Benigni dans le rôle d'Arlequin, c'est son vivant portrait), si vous supportez les incessants apartés où l'on vous prend pour une quiche en vous expliquant tout par le menu au cas où vous auriez été distraits durant le déroulé de l'action de cette farce qui ferait passer Les Fourberies de Scapin ou Les Noces de Figaro pour des intrigues minimalistes et linéaires, alors, il y a des chances pour que vous trouviez votre compte dans cette pièce.
Des jeunes filles à marier, des amants disparus, des morts qui sont vivants, des vivants qui font les morts, les promis éconduits par les premiers travestis, les hommes qui sont des femmes et les femmes qui sont des hommes, Arlequin, valet de celle-ci, valet de celui-là, tous n'y voyant que du feu et qui y va, le bougre, de son lot de bourdes et de mensonges à faire pâlir Pinocchio, le tout chapeauté des coups de théâtre appuyés, bien, bien, bien appuyés et fréquents, tombant toujours pile à l'heure, car
Goldoni n'y est pas allé de main morte, sans oublier une fin où tout se goupille bien, car quand on va voir ce théâtre-là, ce n'est pas pour pleurnicher, c'est pour oublier les lourdeurs du quotidien, bref, tout y est, même le superflu (surtout le superflu !). Baaaah ! cela fait aussi plaisir de temps en temps de manger gras, ne boudons pas notre plaisir, le tout étant de veiller à éviter l'indigestion...
En outre, si vous aimez les pièces plus intellectuelles, le style sobre et les répliques tout en subtilité, je vous conseille de passer votre chemin pour cette fois car vous pourriez probablement vous y ennuyer, et, même avec l'indulgence de l'intérêt historique, il est vrai que ce type de théâtre a vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup vieilli. Cependant, gardez à l'esprit que je n'exprime ici que mon arlequin d'avis, c'est-à-dire, plutôt deux fois qu'une, pas grand-chose.