J'ai lu quelques livres de cet auteur originaire de Québec, qui a pour ligne directrice la simple parole, celle qui ne résonne souvent pas, à moins de se retrouver purement et simplement, dans le souvenir. Ses quelques recueils disponibles ici ne sont donc pas pour moi, mais j'ai lu un recueil de lui que je ne retrouve pas ici, un recueil de haîkus, probablement le meilleur que j'aie jamais lu à vie : Soleil rouge. Une oeuvre monumentale, à elle seule digne de son prix du GG, obtenue avec raison, car la démarche à elle seule vaut le coup, sûrement, à moins bien sûr d'aimer les beaux mots, ou les gros.
Commenter  J’apprécie         10
Il faut se dépêcher de recueillir
dans nos paumes la mémoire
nous avons hérité d’un soleil inquiet
et on ne cesse d’en alléger le feu
de s’agenouiller devant le monde
on a traîné de soi
trop longtemps une ombre
qu’il est difficile d’approcher
sans que tout le regard se défasse
c’est ton visage
ton horizon
ta soif
et surtout tes lèvres
encore
qui me frôlent
mais la nuit
est comme en dehors de tout
je ne sais pas
ce qui me retient
de fendre les souvenirs
d’incendier la maison fugitive de l’été
il est minuit
et vivre ne fait pas le poids
cette nuit
est en elle-même
toutes les nuits
tout recommence
et tout s’enfuit
on touche
les braises encore chaudes
de quelques promesses habitables
être
est un château vulnérable
quelle éternité s’égare ici
dans quel coin de la chambre
s’est-elle retirée
Il est écrit que la parole
est un oiseau
délivré de la foudre
on écoute le va-et-vient des passants
impatients
de se poser quelque part
un peu plus loin
juste à côté de soi
une étrange floraison s’amorce
que tout cela est simple
et pourtant si rare
l’air se froisse
tel un rendez-vous incertain
où le temps est en retard
tout amour
est la répétition très lente
de quelques gestes