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EAN : 9798879860993
117 pages
ELP éditions (23/02/2024)
5/5   5 notes
Résumé :
Il y a dans la poésie de Thierry Noiret une recherche de dépouillement, une aspiration à la liberté, une fraîcheur textuelle. Dépouillée, son écriture reste articulée et construite, sans pour autant négliger la dimension automatiste susceptible de se manifester ici et là. Si les majuscules sont abandonnées, en un geste rituel assumé, c'est notamment pour éviter d'établir des distinctions normatives qui découleraient de conventions orthographiques héritées plutôt que... >Voir plus
Que lire après sans majusculeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Quand j'ai traduit le poème « reste » en roumain, j'avais eu une difficulté insurmontable pour le vers « des poèmes émerveillés », mais j'ai aussi eu un avant-goût de ce souffle unique d'une poésie qui s'affranchit élégamment de la ponctuation et réclame à être déclamée.
C'est donc bien à voix haute que j'ai lu le recueil de Thierry (prêté ensuite à Francharb3, sic !) en suivant le fil du « poème qui défriche la canopée » avec grâce et foi en la littérature. le lecteur n'a pas besoin d'être simplement « studieux », il sera « curieux » de progresser dans la lecture aisée de ces 36 poèmes et il touchera même son nez à la page 65, car il est 11 h 11 et… après avoir dansé avec « don jorg » (p. 21).
Plus qu'un « reste d'humanité », nous avons ici des aménités diverses et foisonnantes.
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L'auteur nous apprend dans sa préface qu'après l'avoir délaissée, il renoue avec la poésie.
Un échange avec un tiers lui en a insufflé le désir, que semble confirmer la naissance du premier poème — de l'aveu même de l'auteur, ce retour est vécu comme un rapprochement avec soi et comme un « ravissement ».

C'est donc avec ce premier texte fondateur que s'ouvre le recueil de trente-quatre poésies, « sans majuscule ». C'est très probablement aussi ce texte qui a façonné les autres poèmes, leur contenu, la couleur lyrique, la visée et le principe poétique formel, dont il est annoncé qu'il sera résolument tourné vers la musique.
Quant à la forme, pour en dire plus, elle est celle du vers libre, sans ponctuation, sans majuscule. Sans titre, les poèmes sont numérotés.

« reste
il y a le brouillard tous ces nuages
reste te dis-je même si le ciel était d'azur
les feuilles mortes pourrissent sous la neige
je n'ai plus de fleurs à t'offrir

Dès l'incipit, le lecteur partage la délectation de l'écrivain devant la prosodie qui, de texte en texte, va fleurir sous ses yeux.
« reste… » nous commande le poème. « Nous », dis-je, car on se sent appelé par cet impératif et prêt à recueillir cette prière murmurée comme une supplique adressée au lecteur.
Ce dernier ne demandera pas mieux que d'entrer plus avant dans ce jardin de fleurs, tant celui-ci est frais, tant il s'ouvre sans manières, sans poses, mais selon un projet authentiquement révélé.

Dès le deuxième poème, le lecteur comprend en effet que les trente-quatre poèmes sont l'émanation d'un vécu. Poème de l'existence, monde de l'observation, de l'apprentissage, et, somme toute, de l'expérience humaine, de l'épreuve de la vie…
« reste »… entend-il d'abord.

Puis :

« le poème n'est pas fiction […] »

« […] tout ce qui suit a été vécu et éprouvé (confie l'auteur dans sa préface) : le fleuve près duquel je vis, le quartier d'Uccle (très en pente) de mon enfance, mes voyages (Rome, Épi¬daure, Paris, Compostelle, Dublin, Samarkand...), mes lectures (Jorge Luis Borges, Ulysse, Voltaire, Érasme, Rabelais et ses géants...), mes premières amours (près du moulin à aubes ou dans une église) etc… »

Poésie de l'intime, aux inflexions amères (« le poème est un drame »), ou ensoleillées et lyriques (« le pain nourrit et renaît / chaque matin chez le boulanger »), non exempte ni des vicissitudes ni des inquiétudes sur le futur de l'Homme, voilà où se tient ce recueil qui exalte la beauté et le concret de la vie.

Il est fort juste et inspiré, cher Thierry Noiret, ce retour en poésie !

« déchiffrer l'alphabet cyrillique
déterrer la poussière
fouiller la décharge
de notre destinée
comme de vulgaires archéologues
creuser le passé jusqu'à
sa première partition

que retenir des enfers
sous la grammaire trouverons-nous
l'entropie
ou une autre plage

il y a de l'ancien dans notre existence
les civilisations jettent des ordures
nous nous baignons dedans
rien ne peut nous en laver
encore moins la dernière pluie

chaque matin nous cuisons
de nouveaux oeufs nés de vieilles poules
chaque matin nous croyons
au matin
mais hier nous avale dès le premier
café
[…] »

*

Quelques mots pour finir sur la maison d'édition québécoise où est paru ce beau recueil.
ELP Éditeurs, que je salue ici, est une petite maison d'édition accueillante mais exigeante. Animée par deux écrivains de grand talent, Daniel Ducharme et Paul Laurendeau, c'est une maison qui défend la littérature, selon des critères très sélectifs, et dans laquelle l'auteur est assuré d'avoir été choisi. le soin apporté à la fabrication des livres est par ailleurs en tout point remarquable.
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Ce recueil n'existerait probablement pas sans Babelio, sans les fils de conversation poétique (Merci @Morphil) auxquels j'ai participé et pour lesquels j'ai osé recommencer à écrire de la poésie.
Trente-quatre textes pour donner corps au temps qui passe et à l'absurde de la vie... Je laisse mes amis commenter et critiquer à leur envi.
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Après l'une des plus belles dédicaces qui soit : « à ma compagne Lucie qui chaque jour illumine le chemin qui me mène à l'écriture » (j'ai toujours adoré qu'on désigne son amoureux par « compagnon » et surtout c'est très beau quand l'amour conduit à l'écriture lumineuse, superbement accomplie comme ici), j'apprends, grâce à l'humour de Thierry que nous avons en commun deux passions : la fréquentation de babelio et les pâtes au pesto. Non, plus sérieusement, merci, Tandarica pour le prêt de ce recueil en effet SUBLIME !

Même l'auto-ironie est subtile :

« aujourd'hui le bibliothécaire claque
la porte échappe ses clés
oublie la consigne de silence
que va-t-il rester de mon livre
sur ce pupitre
ouvert à la page de demain ».

Quelle que soit la page, ouvrez, sans plus attendre, « sans majuscule » !

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sans majuscule est un carnet de voyage
un long poème divisé en plusieurs voix d'un chant unique
une marche qui ne minimise aucune étape
puisqu'aucune n'est en majuscule

j'ai beaucoup aimé ce recueil
me laissant porter par mon intuition
des fragments qui m'ont happé
d'autres sur lesquels je suis passé

le poète est un voyageur immobile depuis sa feuille
abreuvé de visions qui ne trompent pas
(ou alors il est très fort)

j'ai aimé le savant mélange des images entendues
d'autres plus insolites
des points de repères dans l'horizon de l'errance
qui ne rend jamais rance
mais toujours un peu plus humain

il est bon de lire une telle poésie
elle est douce forte sensible
et puissamment utile

merci
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
I.

reste
il y a le brouillard tous ces nuages
reste te dis-je même si le ciel était d'azur
les feuilles mortes pourrissent sous la neige
je n'ai plus de fleurs à t'offrir

où pourrais-tu
aller
il n'y a que la terre entière
autour de nous

déjà il y a le grand fleuve à traverser
aujourd'hui il doit être gelé
et praticable à pieds
le grand fleuve de la vie

mais demain
comment feras-tu chemin inverse
sans boussole
les bras nus

il te faut chaudement te vêtir
enfile cette écharpe
de mille regrets
de millepertuis

quand me reviendras-tu
la porte une fois franchie
n'as-tu pas peur de te perdre
les chemins ne mènent pas tous à rome

demain qui passera devant ma fenêtre
qui viendra puiser dans ma huche
qui vais-je siffler dans la rue
quel cortège quelle jeune fille
[...]
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sans ponctuation ni majuscule
bien évidemment
puisque nous n’y sommes pas
n’y vivons pas
encore

puisque de la grammaire
nous avons largué
les amarres

puisque cela parle du temps
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pourquoi ne pas ficeler
l'horizon au piquet
de notre appétit que l'on sache
où poser bagages
où semer la plante
de nos pieds

(p. 33)
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verdoyer
n'est-ce pas ce qui nous attend tous
nous sommes des arbres mal plantés
qui folâtrent la nuit
[...]
enfermés dans nos boudoirs
il reste ça à vivre
quand viendra la paix

(pp. 23-24)
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que l'on close les portes de la ville
que l'on étête les lilas
qui parle d'encore me dépouiller
je n'ai même plus un kopek
pour m'offrir un doigt
de porto ni
une main courante aux objets perdus
(p14)
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