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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Du Salvador à la Somalie, le malheur au malheur ressemble et les rêves de liberté échouent sur des rafiots de fortune ou des camps aux frontières. Rafael et Marta évoquent leur histoire tandis qu'à Somerville, les rêves avortés parviennent à Mogadiscio sous forme de pieux mensonges.

C'est une tout autre ambiance à Lyon, alors que Pascal fait le bilan de vingt et un ans d'une cohabitation avec ce fils qu'il n'a pas vu grandir. Ce fils qui devient autonome, mais dont il sait peu de choses, jusqu'au jour où il reconnait sa voix, captée pour une interview à la radio …

C'est avec beaucoup d'empathie que Guillaume Poix donne la parole à ses personnages, qui rêvent tous d'un autre monde. Malgré les frontières toujours plus hautes, plus controlées plus inaccessibles , l'espoir est là, brisé parfois avant même de comprendre l'imposture.

C'est l'histoire d'un monde qui vit mal son évolution, d'un monde qui continue à penser en légitimité du droit du sol, et ferme les yeux sur la détresse de moins chanceux mais autant humains qu'eux.

Sans jugement péremptoire, l'auteur dresse une galerie de portraits comme un état des lieux de l'époque.
L'humour n'est pas absent de ces lignes, en particulier pour les chapitres consacrés à Pascal, le naïf de service, avec ses principes qui explosent en vol, confronté à une réalité inimaginable pour lui.

Un très beau roman humaniste, qui dresse un état des lieux sans donner de
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Mogadiscio, Somalie, Somerville, Etats Unis, Altavista, Salvador, Lyon, Val d'Isère, France, Tadjourah, Libye. Eté 2015, été 2019.

C'est l'histoire de la vie, l'histoire de leurs vies. Celle de ceux qu'on appelle migrants, celle de ceux qui sont passés, de ceux qui espèrent passer. C'est aussi l'histoire de ceux qui sont restés, de ceux dont une fille est partie, de ceux dont un fils s'est à jamais perdu en route. C'est l'histoire de familles déchirées par la peur, accablées par la misère, séparées par des conventions qu'on appelle frontières, de ces frontières qui nous autorisent à nous goinfrer ou à crever de faim, qui nous autorisent à nous aimer au grand jour ou à vivre cachés la peur au ventre. C'est l'histoire de ces gens qui demandent la permission de vivre.

C'est aussi l'histoire d'autres gens, de gens mieux nés. L'histoire de gens aux convictions humanistes plus fortes que tout. L'histoire de convictions qui s'émoussent avec le temps qui passe, de convictions qui s'embourgeoisent avec l'âge.

C'est l'histoire encore de gens eux aussi mieux nés et aux convictions beaucoup plus virulentes que celles des bien pensants. Celle de ces gens qui se réunissent, s'organisent, patrouillent aux alentours des cols alpins qui séparent l'Italie de la France. C'est l'histoire des milices comme un affront national. L'histoire d'un bras levé… indiquant le chemin du retour.
C'est une histoire d'amour venue d'Amérique centrale, d'Afrique, une histoire de haine dictée par la peur et la bêtise qui s'implante un peu plus chaque jour dans les pays favorisés.

Là d'où je viens a disparu, se disent probablement tant de pauvres gens qui ne sont plus nulle part à leur place pour la minorité dominante de l'humanité.
Là d'où je viens a disparu c'est le roman de Guillaume Poix du moment qu'il faut lire.
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Quel est le point commun entre tous les personnages dont Guillaume Poix se fait le porte-voix ? Je dirais le mot frontière. Certains l'ont déjà franchie, d'autres en rêvent. Et il y a ceux qui la protègent et la défendent avec détermination.

Que fuient-ils ? Qui sont ces candidats à l'exil, prêts à affronter le tout pour le tout ? Car comme le formulent les extraits d'un texte de la poétesse somalienne, Warsan Shire, placardés sur les murs de l'association dont s'occupe Hélène  : « Personne ne quitte sa maison à moins que sa maison ne soit devenue la gueule d'un requin. No one leaves home unless home is the month of a shark ».

L'auteur ne traite pas le sujet de façon frontale, ce qui en fait l'originalité, mais la galerie de vies minuscules est édifiante. On croise les parents, dont les enfants ont disparu sans donner signe de vie, qui dénoncent « cet eldorado qui engloutit leurs enfants ». On les suit sur cinq années, de 2015 à 2019.

Chacun relate son parcours par flashback, une fois installé ou parfois c'est une tierce personne qui raconte les pérégrinations ,commente la tragédie.
La première à prendre la parole, c'est Litzy, 25 ans, originaire du Salvador, mère célibataire, installée à Somerville ( New Jersey) avec son jeune fils Zach, qui, lui ,sait lire, nager, pas comme ce jeune enfant syrien échoué sur une plage turque dont la dramatique photo, devenue virale, a ému, a révolté et fait polémique. Peut-on montrer à la une d'un journal cette mort en direct ? Pour Litzy, ce fils est sa fierté. Né à San Diego, donc américain, il a moins à craindre qu'elle qui doit être transparente, s'effacer pour durer ». Mais pourra-t-elle prétendre à un autre statut que clandestine, quand on connaît la politique migratoire ? Quand un mur doit être érigé ?

Les Etats-Unis ont aussi attiré Sahra, qui travaille avec Litzy comme femme de ménage pour un richissime Américain. Deux classes sociales sous le même toit.

On croise Angie ( de Mogadiscio, Somalie) qui rêve d'ailleurs, bercée par la voix de Beyoncé dans une vidéo dont les paroles sont inspirées par la poétesse anglo-somalienne engagée, mentionnée ci-dessus.

Peu à peu, comme un puzzle, les portraits s'étoffent, le lecteur perçoit ce qui reliait certains personnages entre eux.

L'auteur se glisse avec une facilité déconcertante dans la peau d'une femme, dans le rôle d'une mère. Il soulève les craintes du père d'avoir à élever une fille, taraudé par tous les périls qu'il fait défiler ! Prémonitoire, pense-t-on, une fois le livre refermé.
Voici Marta (du Salvador) désespérée d'apprendre que son fils Luis veut émigrer aux Etats-Unis, avec femme et bébé, d'autant que son autre fils s'est déjà évanoui. Eux aussi seraient-ils hypnotisés par « l'American dream » ?
Mais quelle odyssée pour rallier leur destination : passer par le Mexique, rejoindre le Texas, obtenir un visa humanitaire, et enfin l'asile aux U.S A.Y parviendront-ils ?
On partage les inquiétudes de Marta, cette mère qui a inculqué à ses fils des valeurs féministes, le sens du partage des corvées ménagères. Elle, qui les a « formés au ménage, à la cuisine, au repassage, associés à la tenue de la maison », se retrouve seule au Salvador, ne pouvant profiter de sa petite fille Angela. Rafael, ami et témoin au mariage de Luis, la soutient, écoute ses confidences, sa détresse au vu d'une photo qui témoigne d'une tragédie de plus. Des nuits à venir hantées par les cauchemars.
Mais « vos enfants ne vous appartiennent pas », affirme Khalil Gibran(1), alors comment aurait--elle pu s'opposer au choix de son fils ?

Le narrateur nous intrigue avec cet alignement de chiffres que commente Pascal ( de Lyon), essayant lui-même de décrypter leur signification, avançant des hypothèses des plus inattendues. Quand sa femme, Hélène, documentaliste, impliquée dans une association, la lui révèle, quelle claque ! Quelle comptabilité macabre !
Encore plus surprenant l'engagement de leur fils Jéremy. Celui-ci crée le suspense en parlant d' « opérations imminentes », puis de la réussite de son action, mais tardant à dévoiler celle-ci. Une famille qui incarne les deux camps aux convictions diamétralement opposées face aux migrants : soit les refouler soit les intégrer.
On est témoin du malaise de la mère qui se livre à une introspection et tente de convertir « l'être qu'elle a sorti d'elle-même », en lui joignant un document.

On reconnaît sa formation de cinéaste quand Guilllaume Poix zoome sur un détail ! La peluche, jetée d'une fenêtre de bus à de pauvres enfants qui squattent un trottoir, hélas avalée par l'égout. Et des pleurs au lieu d'un sourire.
Le romancier distille des réflexions sur le côté nombriliste et égocentrique des réseaux, sur les croyances, explore les relations filiales, la transmission, pointe le rôle des passeurs, la carence des gouvernements quant à la politique migratoire.
On pense aux propos d'Erri de Luca pour qui ce flux migratoire ne peut pas être réglé par des murs, des barbelés, des digues et qui dénonce « les pires conditions de transport de l'histoire humaine », conduisant à tant de naufrages et tragédies.

L'écrivain nous émeut quand sont énumérées les données d'un article du Guardian qui recense tous ceux qui ont perdu la vie dans leur migration. Une litanie de noms qui donne le frisson, «  une psalmodie funèbre ». « La vie est implacable, elle n'appelle aucune consolation aucune justice, aucune revanche ». Certaines situations font penser au tableau de Böcklin, «  L'île des morts », ici la lune a remplacé le soleil : « je glisse sur une marée noire, je m'y englue comme un oiseau ».

On est frappé par l'extrême précision dans les descriptions de lieux, que ce soit le local mystérieux où Jérémy rejoint un groupe en vue d'actions ou la chambre de bébé chez Marta. Un style concis, poétique qui nous happe, une construction originale qui peut dérouter mais quelle découverte que cette poétesse anglo-somalienne, fille de migrants, qui a inspiré Beyoncé dans son clip Lemonade ! Warsan Shire apporte sa voix forte, émouvante et rythmique à ce drame mondial des migrants.

Quand on a parmi ses connaissances des personnes qui enseignent aux migrants les rudiments du français, une autre qui en a épousé un, d'autres qui en ont hébergés, nourris, on se sent doublement concerné.


Guillaume Poix signe un récit choral poignant qui ne peut laisser indifférent, inspiré par des faits réels, dont certains ont été largement relayés par les médias. Il met en parallèle les réactions opposées de nous, les humains, les altruistes et les sans coeur.
Des destins brisés,des désillusions, des familles dans la détresse, mais aussi des retrouvailles.

L'auteur offre, dans son deuxième livre, une sorte de tombeau de papier aux disparus, une manière d'honorer et de ne pas oublier ces anonymes, donne la parole aux minorités, ce qui permet au lecteur de prendre conscience des drames qui se jouent en mer, ou quand les pays ferment leurs frontières. Nul doute que le message devrait être entendu par ceux qui vont jusqu'à ériger un mur pour refouler l'étranger.
Un roman nécessaire pour agir, pour sauver des vies, pour aider les immigrés.

(1) Khalil Gibra : le prophète
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Sarah, Litzy, Eva et Luis, ou encore Angie, tous ont en commun d'avoir voulu un jour quitter leur pays pour en rejoindre un autre qui ressemblait à l'Eldorado. Ils ont fui l'extrême pauvreté, la pression des gangs ou la privation de liberté, quitté leur famille sans espoir de retour pour une vie meilleure, croyaient-ils.
Dans cet émouvant roman choral, on suit le destin de ces exilés, ces clandestins, dont les vies minuscules nous sont contées par bribes par leurs proches. Parti de faits divers, Guillaume Poix a su tisser les destinées de ces migrants. Peu à peu, l'histoire se resserre, on découvre des filiations, des recoupements dans l'histoire de chacun et ces récits multiples n'en font qu'un, celui de la tragédie des tous ces hommes, ces femmes qui risquent leur vie pour une existence décente. On assiste à l'éclatement des familles, au manque créé par l'absence. On découvre aussi la face sombre de ceux qui militent contre la venue des migrants, comme Jérémy dont l'engagement met en péril l'équilibre de sa famille.
La construction du roman est comme un puzzle qui révèle au final l'ampleur de la tragédie. On peut s'y perdre au début mais, très vite, on se glisse dans l'existence de ces personnages, on tremble, on s'inquiète avec eux, on s'insurge comme eux.
Au-delà du roman se posent des questions d'actualité et, à notre tour, on se souvient de ces photos bouleversantes, de ces faits divers lus ou vus dans les médias.
Je ne connaissais pas l'auteur, Guillaume Poix et cette lecture est une belle découverte.
J'ai été touchée et conquise par ce roman magistralement orchestré et profondément humain,

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Une histoire de réfugiés, de demandeurs d'asile, de migrants. Ceux qui misent tout pour passer une frontière, ceux qui se perdent en route.
L'auteur nous parle aussi de ces familles restées au pays, imaginant la nouvelle vie de leurs proches loin d'eux.
Tous rêvent de frontières, de les franchir un jour, de les rêver pour certains, de les défendre pour d'autres, entravant les efforts des premiers.
Ce livre est un formidable roman choral, parfaitement maîtrisé.
Guillaume Poix réussit avec talent à mêler les lieux, les époques, les êtres humains.
Le parcours de ces personnes nous est livré habilement au travers de courts chapitres. Ce qui nous permet de percevoir progressivement ce qui relie ces différents personnages.
J'ai énormément apprécié ce livre humaniste, très bien écrit, très fort et bouleversant.
Coup de coeur.
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Toutes les voix de ce magnifique récit polyphonique nous hantent longtemps après l'avoir refermé. Ce roman est pour moi la quintessence de la littérature, quand le fond rejoint la forme. Quand la plume est un scalpel, quand le discours est un plaidoyer, quand l'humilité grandit l'humain, quand les mots vous serrent le coeur et vous arrachent les tripes…
On se prend à rêver d'en acheter des centaines d'exemplaires et à en inonder le monde, aujourd'hui plus que jamais…
Politique, engagé, humaniste, poignant , bouleversant, profondément humain...
A défaut de faire honneur à l'humanité, tellement décevante, ce texte magnifique honore la littérature, en tout cas, celle que j'aime, et fait apparaître le 5 bien insuffisant à l'heure de l'attribution des étoiles.
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Ce roman choral est un uppercut, dont il faut quelque temps pour se relever. Les journaux, les récits, des romans ont déjà évoqué le sort des femmes et des hommes prêts à tout pour espérer une vie meilleure ; mais l'écriture à l'extraordinaire pouvoir d'évocation de Guillaume Poix, les portraits saisissants des héros du roman, les photos, déjà vues mais évoquées ici avec puissance, les chapitres courts trahissant l'urgence, la brillante construction confèrent au roman une force unique.
La question de la transmission et du rôle de parent est très importante aussi. le rêve d'une vie meilleure prend tout son sens lorsqu'on devient parent, comme en témoignent Luis et Eva, ou Litzy. Un couple de Français se demande ce qu'ils ont bien pu rater pour que leur fils Jérémy soit ainsi opposé à leurs valeurs…
Mais être parent dans ce monde est bien difficile : « On croit qu'on sauvera ses enfants, la vérité c'est qu'on ne peut rien. Ils s'envolent aux bourrasques de vent, les enfants, même les plus légères… »
Je ressors bouleversée par cette lecture.
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"Le 27 janvier 2017 SAMUEL congolais de 6 ans et sa mère VERONIQUE d'âge inconnu se sont noyés dans le naufrage du bateau qui devait les emmener en Espagne depuis le Maroc."
Quels malheurs se cachent derrière ces innombrables entrefilets publiés dans les médias par les ONG ?
Ce roman est à la fois un constat déroutant sur l'effet Eldorado qu'ont les pays de l'hémisphère Nord sur les habitants de l'hémisphère Sud mais c'est également une prise de conscience sur la diversité des réactions dans les pays « d'accueil ».
Sahra et Litzy ont survécu au périlleux parcours de milliers d'immigrés qui tentent de rejoindre les Etats Unis et sont aujourd'hui femmes de ménage dans une luxueuse demeure du New Jersey. La première est arrivée de Mogadiscio en Somalie et la seconde d'Altvista au Salvador. Leur départ laisse derrière elles une empreinte gravée dans la mémoire des familles et influence les générations suivantes au grand désespoir de leurs parents impuissants.
C'est leur histoire que nous raconte l'auteur, croisant les personnages et les routes qu'ils parcourent.
Le récit fait également un crochet par Lyon où un couple très concerné par la cause des migrants découvre avec stupéfaction le militantisme xénophobe de leur fils.
Comme un savant tissage, les personnages se lient les uns aux autres au fil du récit et, en marge des réseaux sociaux très présents, les photos des journalistes, les aspirations des migrants et les décomptes de victimes, rythment les parcours de ces déracinés comme autant de témoignages d'une catastrophe humanitaire.
L'éducation est au centre du propos de Guillaume POIX qui montre à quel point les enfants du Nord comme du Sud, se construisent dans leur environnement échappant à leurs parents dès qu'ils réfléchissent à leur avenir. Et lorsqu'ils se jettent à corps perdu dans un objectif ou une cause, aucun argument, aucune mère désemparée, ne peuvent les retenir.
Un roman mené de main de maître par Guillaume POIX qui jongle avec les personnages et les lieux tout en construisant le fil de plusieurs histoires d'immigration déchirantes.
Si la première partie du roman est déroutante par cet imbroglio de vies qui s'éclaire progressivement, la deuxième partie est si émouvante que j'ai eu du mal à retenir mes larmes pour la terminer.
Au delà du choc de ces destins révélés, nous sommes tous concernés par cette réflexion de l'auteur en tant que parents qui croyons transmettre des valeurs à nos enfants mais qui au final, sommes contraints d'accepter les choix qui les guident.
Un superbe roman d'une évidente nécessité qui restera longtemps gravé dans ma mémoire.
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Difficile d'écrire une critique sur ce roman qui donne la parole aux exilés : à ceux qui ont réussi à atteindre une terre d'accueil et à ceux qui sont morts avant ou pendant leur traversée, mais aussi à ceux pour qui l'exil n'est plus possible : les trop vieux, trop faibles, ceux qui ont des proches sur qui veiller et qui subiraient des représailles, ceux qui ont dû commettre des crimes sous peine d'être tués à leur tour et qui seraient immédiatement retrouvés et assassinés s'ils posaient un pied de l'autre côté de la frontière…

Là d'où je viens a disparu est un roman poignant qui ne tombe pas dans le pathos ; c'est un roman violent qui réussit à mêler les rêves des exilés et leur quotidien de misère, famine, esclavage et angoisses. Se cacher pour fuir, mentir, recevoir des coups, courir beaucoup, manger très peu, et une fois arrivé : demander des papiers, attendre, attendre encore, se cacher encore, vivre une existence clandestine, mentir aux proches restés là-bas et leur faire croire qu'on n'aura pas fait tout ça « pour rien ».

Inspiré de faits réels, on suit différents personnages au Salvador, en Somalie, en France et aux Etats-Unis dans leur quête d'un monde meilleur. Ce roman choral étant organisé chronologiquement, chaque personnage a la parole tour à tour et on suit ces différents exodes, petites gouttes d'eau face à la mer de toutes les personnes exilées : en 2020, une personne est déplacée de force toutes les deux secondes à la suite d'un conflit ou d'une persécution.

C'est un roman profondément politique qui nomme l'innommable et donne un nom, un visage, une histoire à ceux et celles qu'on mettra à l'écart de nos sociétés dans des camps, ou qu'on laissera périr en mer ou entassés dans des camions. Il aborde également la question de la responsabilité des non-exilés qui jouent chacun un rôle, conscient ou non : celles et ceux qui s'engagent dans des associations pour aider ou héberger des réfugié-es, celles et ceux qui baissent la tête et ne font rien, pensant que ça n'est pas de leur ressort, et celles et ceux qui, au contraire, vont tout faire pour empêcher les réfugiés de traverser la frontière et d'arriver chez eux.

J'ai aimé que Guillaume Poix s'intéresse également aux femmes réfugiées, souvent oubliées par les médias – sauf quand il est question de rappeler leur absence, pour raviver la peur des lecteurs. J'ai pu découvrir dans ce roman la poétesse somalie Warsan Shire (née au Kenya et ayant vécu au Royaume-Uni), autrice du poème « Home » dont voici quelques mots :

« no one leaves home unless
home is the mouth of a shark »

Pour finir, Là d'où je viens a disparu est non seulement un excellent roman par le fond mais également par la forme : j'ai beaucoup aimé les longues phrases ponctuées de virgules qui nous font dévorer le roman encore plus vite, le style très fluide, la poésie/les chansons/les extraits d'émission intercalés au récit mais aussi un vrai sens du romanesque avec du suspens et retournements de situation inattendus, dûs à une narration malicieuse qui omet certaines informations ! de plus, le fait que ce roman soit dur, émouvant, mais ni gore ni angoissant le rend tout à fait adapté pour un public large, personnes sensibles ou adolescent-es qui chercheraient un roman profondément humain pour expliquer la détresse des réfugiés.

Merci à Babelio et aux éditions Verticales pour l'envoi de ce livre !
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Gros coup de coeur pour ce roman lu en une journée. Je l'ai commencé et je ne pouvais plus le laisser. J'ai eu de maux de ventre, de multiples émotions ressenties, de la tristesse, de la colère...
J'ai suivi les vies de toutes ses personnes avec passion, avec aussi beaucoup de respect.
Le roman est aussi rempli de petites surprises, d'étonnement comme cette série de chiffre.
Un livre à lire
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