Alternatives Sud, Volume 19 N° 1/2012 : (Re-)construire les Etats : Nouvelle frontière de l'ingérence

Après avoir décrié le trop d'État et favorisé les privatisations, les États dominants et leurs organisations internationales « s'inquiètent » de la disparition des structures institutionnelles dans différents pays. Aussi « la communauté internationale se pose dorénavant en architecte de leur reconstruction », une reconstruction très particulière et pour des intérêts très souvent éloignés de ceux des populations concernées.

François Polet dans son éditorial nous rappelle, entre autres, que certaines « situations de vide politico-administratif » ont été crées suite au renversement de régimes par des coalitions occidentales (Irak, Afghanistan). de manière plus générale le processus de dégradation, de « déliquescence » de nombre d'États du sud sont la conséquence de la crise économique violente qui les touchent, concomitamment ou en temporalité décalée avec les plans d'ajustement structurel (PAS) que le Fonds Monétaire International (FMI) leur impose « les conséquences en chaîne du couple crise économique-ajustement structurel ont des effets proprement déstructurants sur les institutions nationales ». Les transferts de fonds n'améliorent pas les structures publiques « Car, les dirigeants comme les bailleurs instrumentalisent l'aide au bénéfice de priorité autres ». La « dislocation » des structures étatiques a aussi des causes internes « Elle résulte également de stratégies actives d'adaptation de la part des régimes ayant renoncé à tout programme autre que la seule reproduction du pouvoir personnel du leader ». le vocable le plus utilisé pour décrire cette situation est le « state building »

Est ainsi créée une « souveraineté « fonctionnelle » dans un cadre d'« internationalisation des États ». « La gouvernance internationale » se combine avec la montée des acteurs privés (y compris dans les entreprises militaires et de sécurité), sans « responsabilité directe ». le « vide démocratique » aggrave les conséquences sociales des politiques menées.

Sommaire :

Comment le state building affaiblit les États (David Chandler)

La gouvernance supranationale : un défi pour la construction de la paix et d'États forts (David Sogge)

Irak : de la gestion sécuritaire à la gestion politique (Hichem al-Karoui)

Afghanistan : échecs du state building sous perfusion et coercition (Astri Suhrke)

State building au Timor oriental : travail de sape de la légitimité de l'État ? (Rebecca E. Engel, Luiz F. Vieira)

Entre autonomie et dépendance : dynamiques des « policy transfers » en Afrique subsaharienne (Mahaman Tidjani Alou)

Défis et difficultés de la réforme de la sécurité en République démocratique du Congo (Missak Kasongo, Dylan Hendrickson)

Décoloniser la critique : comment les Mozambicains jugent-ils la « paix libérale » ? (Meera Sabaratnam)

Deux lectures opposées de l'État « défaillant » en Amérique latine (Alejandro Bendaña)

Leta Restavek ou la neutralisation de la démocratie en Haïti (Courtney Frantz)

L'angle de présentation sur-valorise, un certain type d'institutions, « État national », sans interroger ni ce qu'est ou pourrait-être cet « État », ni cette « nation » trans-historique, ne rendant pas forcément compte des « attachements imaginaires », dans des pays dont les découpages géographiques sont « récents » et/ou pèsent structurellement d'anciennes relations coloniales, sans oublier les dominations transformées mais maintenues. Ce prisme est souvent, de plus, accompagné d'une appréciation disproportionnée sur les « élites ».

Un ouvrage très utile pour comprendre les nouvelles formes de domination impérialiste, l'organisation concrète des asymétries au niveau international, l'institutionnalisation d'une non-souveraineté et la négation des droits démocratiques pour les peuples concernés.

Et pour ne pas oublier le rôle de « nos » bourgeoisies et grands commis de « l'État » ainsi des entreprises, souvent « fleurons nationaux » ici, fournisseuses d'armes ou dominants des secteurs entiers de l'économie.

Cette institutionnalisation de non-souveraineté et réduction de la démocratie tend à se développer dans l'ensemble du monde (voir ce qui se passe en Grèce). Ces architectures de « gouvernance » et financières mondiales actuelles sont un déni des droits démocratiques, des individus, des peuples et enfoncent les populations concernées dans des situations sans issues, elles ne sont donc pas la solution mais le problème.