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EAN : 9782849902783
690 pages
Editions des Equateurs (20/03/2014)
4.57/5   7 notes
Résumé :
La cigarette est le produit le plus meurtrier que l'homme ait fabriqué au cours de son histoire. C'est aussi l'un des plus attractifs, grâce à plus d'un siècle de manipulations des chimistes de l'industrie du tabac pour créer une puissante addiction au tabac.

Dans Golden Holocaust, Robert N. Proctor s'appuie sur les volumineuses archives de l'industrie américaine, longtemps restées secrètes, pour expliquer comment la cigarette est devenue la drogue l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Robert Proctor, historien et professeur à Stanford, développe en long en large et en travers l'histoire de l'arrivée du tabac dans les ménages américains puis du monde entier, les manipulations ahurissantes des lobbys du tabac, les stratégies de communication et de vente du secteur, les tentatives de contrôle par les gouvernements qui se font systématiquement fermer la bouche, l'achat des médecins et chercheurs, la falsification des informations, etc., le tout appuyé par de très sérieuses et véridiques sources, des témoignages et des analyses poussées...

Depuis ma plus "tendre" enfance, je suis farouchement contre le tabac, sous absolument toutes ses formes : les fumeurs invétérés, les fumeurs malades, les fumeurs toxicos, les fumeurs insouciants, les fumeurs tout court ; le tabagisme passif ; la nicotine qui détruit le corps ; la fumée qui pue, les fringues et les maisons qui puent, les gens et leur haleine qui puent... Au point qu'à 10 ans, je cachais les paquets de cigarettes d'un ami proche de mon père à chaque fois qu'il venait déjeuner à la maison. Au point qu'à 12 ans je ne me gênais pas pour dire aux gens au restaurant qu'ils empêchaient tout le monde de respirer avec leurs clopes (j'ai dit "tendre" avec des guillemets, rappelez-vous). Au point que je n'ai jamais compati au sort de malades du tabac qui ont fumé toute leur vie. Au point que je suis sans pitié pour les consommateurs qui te disent que tout leur budget extra du mois passe dans leur drogue chérie que pourtant 99,99% d'entre eux dit que c'est de la merde à chaque fois qu'ils y touchent et que la moitié ne sait même plus comment ils ont commencé mais rêveraient de n'avoir jamais commencé justement (la suite développe comment ces populations ont souvent été rendu accros malgré elles).
Quand le film le Pari (1997) est sorti avec sa phrase cultissime "Le tabac, c'est tabou, on en viendra tous à bout", j'ai trouvé une sorte de Graal en faveur de mes arguments peu éclairés du contexte global de jeune ado. Quand la loi a interdit le tabac dans les espaces publics, mon niveau de satisfaction et vengeance a explosé, même si je n'avais pas encore songé à l'effet secondaire à venir des meutes de fumeurs en manque envahissant les trottoirs à la sortie des entreprises pendant la pause café. Et puis un jour, en m'expatriant une fois adulte dans un pays où peu de gens fument, j'ai fini par trouver une sorte de terre promise.
C'est après tout ça que j'ai entendu parler de cette étude et que je me suis rendu compte qu'une bonne dose de nuance et de contexte me manquait.
Malgré toutes mes années d'activisme passif (notez l'oxymore) hyper focalisé sur l'espace qui m'entourait, je n'avais même pas idée du quart du centième de la moitié de la laideur terrifiante et abominable du système qui entoure le monde du tabac. Grâce à Proctor et à son travail de recherche titanesque, je suis rentrée dans les méandres absolument détestables et cruels du milieu, avec pour résultat cette première question : "comment les gens de l'industrie du tabac peuvent-ils se regarder dans un miroir avec tout ce qu'ils font délibérément à la population mondiale ?".
Oui, oui, l'argent, on sait.
Bien sûr, Proctor ne s'arrête pas à cette constatation de base et tellement évidente. Il va au coeur du problème, remonte à ses origines, rentre dans tous ses tentacules entortillés. Voici pêle-mêle ce qu'on peut retenir de cette étude :
1) Ce qui revient le plus, c'est la manipulation pure et simple qui entoure la communication autour du tabac, sous de très nombreuses formes : le conditionnement de la pensée du consommateur, la réécriture de la réalité et de faits historiques (les Républicains de l'ère Trump n'ont décidément pas inventé les faits alternatifs), le détournement des résultats scientifiques, les mensonges sous serment face aux commissions gouvernementales, la pression sous couvert de pots-de-vin exercée sur les médecins et chercheurs, l'abus de confiance généralisé et l'assurance de pouvoir compter sur l'ignorance travaillée et entretenue de longue date du public grâce à des campagnes de désinformation massives financées à hauteur de milliards de dollars, l'achat de secteurs ayant le vent en poupe comme l'industrie du cinéma, de l'information ou même celui du textile en créant la chemise pour homme avec une poche sur la poitrine, et j'en passe des vertes et des pas mûres.
2) Au niveau scientifique de la chose et quand on aime bien les chiffres, on apprend que le nombre de morts par jour aux Etats-Unis dû à la cigarette équivaut au nombre de passagers de deux gros-porteurs style A380, que les armes à feu et nucléaires ont tué bien moins que la cigarette, qu'environ 100 millions de personnes sont mortes du tabagisme au 20ème siècle et que le même résultat est attendu pour le 21ème, qu'on estime à six mille milliards (6 000 000 000 000 !) le nombre de cigarettes fumées chaque année, soit une ligne de clopes sans interruption qui va de la Terre au Soleil et du Soleil à la Terre avec suffisamment de restes pour faire deux allers-retours pour Mars (ça donne aussi une idée du capital pollueur suprême de ces objets), ou que la taxation du tabac rapporte aux gouvernements européens l'équivalent de 15% de leurs budgets annuels, ce qui prouve bien qu'ils ne peuvent pas s'en passer et que même si les gouvernements partent en guerre contre l'industrie du tabac, les deux finissent quand même, via les mécanismes économiques respectifs, par en profiter.
3) Au niveau médical et humain, on apprend que les effets néfastes et nocifs du tabac étaient connus dès les années 1930 et même suspectés bien avant et que chaque étude le prouvant a à chaque fois été soigneusement démentie par d'autres études parfois bien comiques réalisées par un institut de recherches spécialement créé par l'industrie pour mener ses propres expériences et prouver par a+b qu'elle est transparente alors que c'est tout le contraire qui s'y passe, vu que toutes les études n'arrivant pas à démontrer la cancérogénicité du tabac viennent de là. Ainsi même en sachant la vérité, le milieu continue ouvertement, effrontément et cruellement à nier la dangerosité et les conséquences catastrophiques sur le corps humain du tabac, et ce malgré la quantité extraordinaire depuis des lustres de toutes les preuves à charge. On apprend aussi que même si on sait plus ou moins ce qu'on peut trouver dans une cigarette comme le goudron ou bien sûr la nicotine (la liste est longue, on va s'arrêter là), le grand public ignore généralement qu'il fume aussi des vers et des excréments d'insectes ; que la cigarette "bénéficie" depuis le 19ème siècle d'un traitement spécial qui rend la fumée inhalée encore plus toxique mais aussi plus addictive ; que les fameuses cigarettes "light" n'ont strictement rien de "light" et que celles mentholées ou parfumées sont même pires que les autres ; que le secteur cible délibérément les malades mentaux à l'aide d'un programme élégamment appelé "Project Scum", "scum" voulant dire "racaille, vermine" (quel genre d'entreprise qualifie ses clients de racailles ? se demande d'ailleurs Proctor) parce que ces personnes sont généralement dans des situations précaires et dans l'incapacité de se prendre en mains seules donc sont de parfaites petites marionnettes, ainsi que démarche sans cesse les enfants en essayant par tous les moyens possibles et impensables d'attirer l'attention des djeuns sans éveiller les soupçons des gouvernements parce que la science a prouvé qu'un consommateur jeune est plus facile à rendre accro vite et longtemps, et surtout que ce sont des clients très longue durée.
4) Au niveau historique et politique, on découvre aussi notamment qu'une partie du plan Marshall en 1945 incluait dans son budget alimentation des cigarettes américaines (oui, dans le crédit alimentation, vous avez bien lu) sous prétexte en outre que faire fumer de la production américaine à ces Européens allait contribuer à vaincre le communisme (théorie de dingue) !
On pourrait en dire bien plus, développer chaque aspect. Mais pas ici, Proctor le fait tellement bien sur tellement de pages. le tabagisme, c'est la première cause de décès évitable dans le monde. Quand on y touche, on n'a pas le moindre soupçon de la portée de tout ce qu'il y a derrière ces paquets de 10 ou 20, sans compter les nouveaux produits type e-cigarette qui font croire que c'est mieux de fumer ça. Eduquez-vous et prenez conscience de l'abomination de cette industrie au-delà même des quelques chiffres qu'on imagine bien et des conséquences qu'on connaît depuis longtemps. Cette étude, très longue mais très fournie, devrait être mise entre les mains de tout fumeur et des extraits choisis et très forts devraient être donnés aux gosses vers 10 ans.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Goldent Holocaust, de Robert Proctor est un récit total sur l'industrie du tabac. Historien de Stanford, il a exploité les « tobaccos document », 80 millions de pages que l'industrie du tabac a du fournir aux autorités (en espérant les noyer sous la masse d'informations). Les 700 pages de GH, avec leurs renvois aux sources, se lisent comme un énorme thriller expérimental.
La cigarette a quelque chose d'incroyable, de science-fictionnel: comment un si petit cylindre a pu véhiculer tant de désinformations, de manipulations, tout en créant des milliards de profit et tuant des millions de gens.

Quand un fumeur ouvre un paquet de cigarette, une bonne odeur de tabac blond s'en dégage. Sauf que ce n'est pas l'odeur du tabac: c'est un additif ajouté pour que ça sente bon. Un parfum de synthèse.
Si le fumeur peut avaler aussi facilement la fumée, c’est grâce au séchage à chaud:: il diminue le Ph du tabac et facilite son inhalation par les poumons dont la surface alvéolaire est aussi grande qu'un terrain de tennis. C'est une révolution majeure dans la manière de fumer. Et c'est mortel.
Robert Proctor: « Le séchage à chaud pourrait avoir été l'invention la plus létale de l'industrie manufacturière. La poudre à canon, les armes nucléaires ou même l'âge de fer pris dans son ensemble ont tué beaucoup moins de monde. L'industrie aurait aisément pu éviter des centaines de millions de décès et la majorité de tous les cancers du poumon, si elle avait par exemple fabriqué une cigarette à la fumée difficile à inhaler. Cette inhalation a été encouragée par des publicité célébrant les plaisirs sensuels de la chose. Dès les années 30, l'inhalation profonde est parée d'une aura de gratification sexuelle, avec des stars rêveuses qui s'en emplissent les poumons et laissent une fumée sensuelle flotter autour de leurs narines et de leurs lèvres. »
Quand quelqu'un fume une cigarette,, elle ne s'éteint pas d'elle-même, car on a ajouté un produit chimique qui agit sur la combustion.. Les milliers de morts par incendies accidentels s'ajoutent aux maladies causées par le tabac.

Quand un fumeur tire sur sa clope, il voit le filtre s’assombrir progressivement, ce qui donne l’impression que les goudrons sont captés avant l'inhalation. Ce sont des produits chimiques ajoutés à la bourre du filtre qui provoquent cet effet. Les scientifiques de Philip Morris appellent ça illusion de la filtration. Pour la petite histoire, cet embout filtre a été inventé par Claude Edward Teague en 1953, chimiste au service de la firme Reynolds. La même année, il est l'auteur pour sa firme d'une étude demeurée secrète sur les liens entre cancer et tabac. Ensuite, il gravit tous les échelons de sa société...Il comparaîtra devant la justice, la dernière fois en 1997 et se fait passer pour un idiot et un incompétent en minimisant son étude de 1953...

A l'époque, les marques de cigarette qui ont introduit le filtre ont pris de l'avance sur toutes les autres. le filtre est censé convaincre le fumeur qu'il empêche l'inhalation des goudrons. Proctor explique que c'est une arnaque: les vrais filtres efficaces empêchaient les cigarettes de se vendre. le fumeur veut sa dose de nicotine. Après l'escroquerie du filtre, ce sera celle de la ventilation: des trous percés dans le papier de la cigarette pour laisser échapper la fumée. Or, les compagnies savent bien que, consciemment ou inconsciemment, le fumeur va tricher en bouchant les trous. le fumeur veut sa dose de nicotine.

En 1953 donc apparaît un consensus scientifique et international : l'augmentation des cancers du poumon et des bronches est causée par le tabac. C'est la panique chez les industriels. Pour contrer cette mauvaise publicité, l'industrie du tabac se réfugie derrière le dogme du pas encore prouvé, emploie une agence de relation publique très efficace ainsi que de nombreux avocats dont l'auteur dénonce le cynisme.
Mais surtout, elle finance des études scientifiques sur pleins de sujets variés. La règle c'est de ne pas s'approcher du dangereux sujet qu'est la dépendance à cette drogue dure qu'est la nicotine et le risque cancérogène du goudron inhalé. Des scientifiques sont dévoyés pour porter la bonne parole. Il faudra attendre les années 90 pour que ces organes de désinformation soient démantelés sur ordre de la justice.
Proctor montre comment l'Université est infiltrée. Il répertorie toutes les manifestations sportives sponsorisées par le tabac. Aucun sport n'y échappe !

A la fin de ce passionnant pavé, il donne une liste de ce qui peut être fait, augmenter le Ph des cigarettes, taxer les machines à fabriquer des cigarettes....Il se livre également à un plaidoyer intéressant et à contre-courant de l'Interdit : feu rouge, feu vert, inceste, meurtre, viol, code, règles et lois: nos sociétés modernes fonctionnent grâce aux interdits.

Lien : https://killing-ego.blogspot..
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J'ajouterais ma critique une fois lu.
En attendant je poste le lien de la critique édifiante de l'AFIS
Lien : http://www.pseudo-sciences.o..
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critiques presse (1)
LeMonde
17 décembre 2018
Si vous voulez savoir comment la production de connaissances peut, parfois, être transformée en entreprise d’ingénierie du consentement, lisez ce livre. Toutes les manœuvres d’instrumentalisation de la science utilisées aujourd’hui par une variété d’industriels — des producteurs d’hydrocarbures aux marchands de pesticides — vous sembleront alors étrangement familières.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Most people will be surprised to learn that tobacco was a large part of the Marshall Plan to rebuild Europe. The total value of all goods shipped to Europe from 1947 through 1951 was about $13 billion, about $1 billion of which was tobacco. Nearly a third (!) of all "food-related" funding in the plan went for tobacco. [...] George Seldes [...]: "the hungry people of Europe, wether they like it or not, will have to take almost half as much in tobacco as in bread and other foodstuffs, because there is an unsaleable surplus of tobacco in the US." Seldes reported speculations that American tobacco interests were hoping to use the plan to spread the demand for American-style cigarettes into Europe. Tobacco was supposed to be part of an effort to halt the expansion of communism. [...] [Virginia Congressman John W. Flannagan in 1948:] tobacco gifts to Europe "will aid in eliminating or retading the spread of ideologies antagonistic to democracy and to world peace."
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Flue-curing [façon de faire sécher et de traiter le tabac qui permet dès le 19ème siècle d'inhaler la fumée] may well be the deadliest invention in the history of modern manufacturing. Gunpowder and nuclear weapons have killed far fewer people, as has all the world of iron. [...] An estimated 100 million people died from smoking in the twentieth century, and hundreds of millions more will die in the twenty-first if the epidemic is not curbed. The industry could easily have prevented many of these deaths - the majority of all lung cancers, for example - by making a cigarette that was difficult to inhale.
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There is some evidence that the industry targets the mentally ill - through Project Scum, for example, a 1996 plan to market Camel cigarettes to San Francisco "head shops" and "street people". (What kind of business refers to its clients as "scums" ?) [scum = racaille, vermine, etc.]
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L'industrie a toujours nié qu'elle démarchait les enfants, mais les traces écrites révèlent un opportunisme plus cynique. Une note interne de 1970, dans les archives de Lorillard, évoque l'utilité d'un conditionnement qui soit "attrayant pour les gamins (jeunes adultes)"; la marque Kicks, alors en projet, devait être vendue en paquets de dix (par opposition à la norme de vingt unités), afin d'être plus accessible aux ados. L'auteur de la note conseillait à l'entreprise de ne pas se montrer trop "voyante" dans ses efforts de commercialisation envers les jeunes, par crainte d'éveiller les soupçons; le but étant d'"attirer l'attention de la jeunesse [...], pas l'attention toujours soupçonneuse du gouvernement fédéral".
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The front shirt pocket that now adorns the dress of virtually every American male, for example, was born from an effort to make a place to park your cigarette pack.
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