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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il est mal­aisé, je trouve, de par­ler des oeuvres de P. Qui­gnard. Déjà parce qu'elles sont le plus sou­vent inclas­sables, “pas à leur place” dirait l'auteur (et ceci est d'autant plus vrai pour les volumes qui com­posent ce mys­té­rieux Der­nier Royaume). Écri­vain de l'interstice, du non-socialement-conventionné, l'écriture de P. Qui­gnard échappe aux défi­ni­tions lit­té­raires et au for­ma­lisme uni­ver­si­taire dure­ment acquises au cours des siècles : ni roman, ni poé­sie, ni essai, ni auto-fiction, ni écrit tota­le­ment auto­bio­gra­phique, phi­lo­so­phique ou phi­lo­lo­gique, et tout à la fois, Les ombres errantes se situe dans cet inter­valle indé­fi­nis­sable qui s'établit entre le récit (en l'occurrence ici plu­sieurs récits, fables ou contes, jux­ta­po­sés tels un patch­work) et la pen­sée errante, vaga­bonde, qui cherche sans savoir, qui sait sans trou­ver. Cela abou­tit concrè­te­ment à une trame dis­cur­sive dis­jointe, comme épar­pillée, dis­sé­mi­née, qu'il fau­drait res­sem­bler, relier, renouer, rejoindre, et qui donne à entendre le timbre d'une pen­sée, une pen­sée dont la qua­lité pre­mière est d'être indo­cile à l'ordre, au clas­si­fié, à la logique, d'être régie par l'obsession, la répé­ti­tion du même, le sou­ve­nir, le désir et l'errance.

Il res­sort de cette lec­ture facile et pour­tant exi­geante, l'impression d'être sur une barque (peut-être que la Barque silen­cieuse qui appa­raît au volume VI de son Der­nier Royaume influence ma per­cep­tion), une péniche des­cen­dant len­te­ment un canal pai­sible et silen­cieux. le passager-lecteur, assis der­rière le bas­tin­gage, per­çoit bien des choses, il observe, avec une cer­taine indif­fé­rence ou une jubi­la­tion inté­rieure, le moindre des détails, ici un bou­quet d'herbes folles, là un saule plon­geant ses branches dans l'eau sombre, là encore une souche juchée sur la berge, il remarque que le décor change, n'est plus tout à fait le même, que le soleil, lui-même, s'est un peu déplacé, que les ombres ne pointent plus dans la même direc­tion… Il se ras­sure à chaque fois qu'il fran­chit une écluse : c'est une étape, un cap qui lui prouve que le temps a passé, que la barque avance mal­gré tout, que le voyage conti­nue… Mais dans le même temps il doute aussi, se deman­dant s'il n'a pas déjà passé cette écluse, si le temps n'a pas fait machine arrière et si sa rade n'a pas remonté le cou­rant à son insu. Car ce voyage est si lent, si imper­cep­tible, ou si glo­ba­le­ment perçu et recons­ti­tué par les liens ténus et mys­té­rieux que lui sug­gère son cer­veau qu'il en perd toute sen­sa­tion de mou­ve­ment spa­tial et temporel.

Voilà l'effet que m'a pro­curé les Ombres errantes, qui vous l'aurez deviné n'est pas racon­table mais hau­te­ment lisible, lisible à la lisière du livre. On entend encore, en fond très loin­tain, les voix de Blan­chot, de Lévi­nas, mais ces voix sont ténues, celle de Qui­gnard a pris son envol pour son Der­nier Royaume.
Lien : http://www.labyrinthiques.ne..
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Une invitation au bal des ombres : celles de sages chinois ou d'illustres antiques qui croisent les notes du clavecin de Couperin. Ombres qui nous parlent de la vie et bien sûr de la mort, dans une sorte de réflexion intérieure à laquelle nous convierait l'auteur, dépositaire des âmes du passé.
Quand je lis Quignard, ça me laisse toujours cette impression que j'étais toute petite (dans mon savoir, ma vision du monde et des hommes), que grâce à lui j'ai un peu grandi , mais qu'il reste tant à découvrir ! C'est profond, souvent poétique, philosophique. Une écriture esthétique, exigeante, qui nous sort des lectures "ordinaires", nous "élève".
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Les Ombres errantes (2002)
Pascal Quignard (1948-....)
Prix Goncourt 2002. Poème.

Es-tu là Pascal ?
Né à Verneuil-sur-Avre. Je le sais parce que quand je passe par là pour rejoindre mon pays, j'ai l'impression que l'Avre tortueuse me précède sur des kilomètres, taille ma route et que je vois Pascal Quignard en culottes courtes trouver tous les plaisirs que procure le charme d'une rivière à côté de chez soi ; et quand nos chemins divergent je perds toute trace de l'individu qui me semble définitivement habité par un autre monde..

Je peux comprendre que petits canaux, rivières champêtres l'aient fait dérouter vers une destination qu'il me serait bien difficile de résumer ici. Les critiques ne s'emmerdent d'ailleurs pas, ils disent de lui qu'il est inclassable et difficile à traduire. On pourrait tout aussi bien écouter son violoncelle nous chanter cette âme paumée qui en fait a dû naître quelques siècles plus tôt !..Je ne connais pas écrivain , sans se donner d'air d'aucune sorte, plus décalé dans le temps. Un jour, il a tout largué pour se consacrer exclusivement à la littérature, qu'elle prenne bien soin de lui .. Je crains que le roman ne soit lui ! Par là, aussi j'entends de Vlaminck, le grand de Vlaminck, et si on pousse un peu plus loin sur Mortagne-au-Perche, c'est la voix du philosophe Alain qu'on entend ..
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Cet ouvrage de Pascal Quignard a dérouté le lecteur que je suis.
Etant dans un approfondissement de ma réflexion sur les prix littéraires (choix, style, typologie...), ce livre est assez inclassable et on peut se questionner sur le fait de savoir si le choix du goncourt s'est fait sur ce livre ou sur l'oeuvre en général de Quignard.
Nous sommes au carrefour du conte philosophique et du manifeste engagé de l'écrivain.
Le conte philosophique est présent sur les parties liées à la fin de l'Empire ou de la culture romaine.
Le manifeste de l'écrivain se retrouve dans la condamnation forte du monde des images.
Le livre s'articule autour de quelques "idées fortes" : la mise en avant de la nuance comme facteur de créativité ; le non dit ou le caché comme source du bonheur durable ; la dénonciation a contrario de la lumière et des images ; le constat amer de la fin d'un monde (celui de l'écrit) et de l'avènement d'un autre (images, écrans...), parallèle étant réalisé avec les dernières heures de l'empire romain dans sa dimension culturelle notamment.
Je ne le cache pas : certains passages sont restés pour moi hermétiques.
Un livre à part, complexe, vif et un peu polémique si on y regarde bien.
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Obscures, ces Ombres errantes qui font référence aux improvisations de Couperin après la bataille (p 176), primées par le Goncourt après une bataille entre jurés qui voulaient célébrer le meilleur d'entre eux — lecteurs, critiques, écrivains —, et ceux qui lui reprochaient de se ficher du monde, lesquels n'avaient pas tort dans leur système. Mais Quignard est hors système, il rapporte précisément dans ce livre comment il renonce au roman pour lui-même et à l'édition de l'oeuvre des autres (p 152).

On connaît, on aime ou l'on déteste son style classicisant, sévère, ses sentences, ses notes de lecture (« Le dernier mot noté par Freud : Kriegspanik » p 88), ses références aux antiques, aux Solitaires de Port-Royal, aux Vedas et à la Chine ancienne, sa marche sur une ligne de crête entre le génial et le fumeux, ses chapitres au titre trompeur : HAN YU par exemple, où sept pages évoquent Saint Cyran, le contre-feu, le contrepoint, les contre-lettres, le contrepoids, les Vikings, les Espagnols et les Portugais, enfin Georges Bataille, un chapitre qui s'ouvre par une ellipse : « Han Yu naquit en 768, obtint son doctorat en 792 et abomina le bouddhisme ».

Le paradoxe de Quignard est d'afficher sa passion pour l'isolement, l'anomie et la misanthropie alors que l'inspiration lui vient des hommes, de leurs délires, de leurs écrits et de leurs crimes, qu'il leur consacre toutes ses méditations, alors que la Nature n'est présente que par des images fugitives : « Les nuages noirs dans le ciel, comme ils se déchiraient, la voûte bleue parut soudain dans un état de nudité dont il m'est difficile de donner l'idée. le bleu était frais et luisant au fond du ciel noir » « J'avais mis à sécher sur la terrasse de la vieille ville de Mogador ma chemise. Elle était blanche. La brume l'entourait, la prolongeait sur le balustre blanc. Je regardais la mer. La brume due au soleil qui se levait déjà envahissait le port punique. Sur la gauche, la médina avait disparu sous la brume. Il y eut une invasion de papillons. La mer était sans écume, lissée, extrêmement brillante, resplendissante. Chaque vague était comme une grande tuile d'or qui s'élevait, qui avançait ». Ces phrases impressionnistes sont les seuls contenus des chapitres XIV et XX, respectivement.

Ses idées n'excluent pas les contradictions mais sont profondes, elles excitent l'esprit réfléchi : « Quand tout le monde aura cessé de lire, la littérature redeviendra prisée. Cette expérience recréera ses ermitages tant il est vrai qu'aucune autre expérience humaine ne rivalise avec elle. Expérience la plus désocialisante qui fut. La plus anachorétique. Au point que son histoire n'a jamais transité de pays en pays. Passa de monastère en monastère. Passa de moine en moine. Passa de monos à solus. de seul à seul » (p 146-7).


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ceci n'est pas un roman!
C'est une oeuvre étrange, poétique, une suite de pensées, d'errances de l'auteur qui nous entraine avec lui dans son monde intérieur.
Comme toujours chez Quignard c'est profond mais très détaché comme s'il était un observateur extérieur, parfois assez froid.
Je ne crois pas qu'il faille découvrir Quignard par cette oeuvre assez particulière, mais si on aime cet auteur c'est un livre à ne pas "rater".
Pour moi Pascal Quignard fait vraiment partie des grand écrivains de langue française actuels.
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Inclassable, iconoclaste spectre de l'autisme du laboratoire littéraire savamment orchestré. Pascal Quignard déroule un monde difficilement pénétrant, sauvé par la poésie, en ne s'imposant pas les règles que la société voudrait imposer, encore moins sa façon d'écrire. Il n'y a pas d'aspect de la confusion dans son écriture, bien au contraire: il dévoile un aspect des mots qui tourne les images et leurs métaphores émotionnelles à vouloir communiquer avec l'extérieur, en contrôlant jalousement la sémantique intérieure de son monde. La controverse d'un Goncourt et des interprétations divergentes du jury.
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Première fois que je lis cet auteur. Un cadeau d'un ami à qui je dis: "MERCI".


Résumé de la quatrième de couverture:

"Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir. Lire c'est errer. La lecture est l'errance."



Mon avis:

Oeuvre étrange que les Ombres errantes car à la croisée des genres. Oeuvre qui ouvre une réflexion sur la littérature, la fiction et la philosophie. Oeuvre étrange car on a parfois l'impression que c'est au lecteur de mettre de l'ordre dans cet éparpillement de pensées érudites, voire même indisciplinées.
Mais lorsqu'on s'apprête à le faire, on se surprend à y prendre goût malgré des détails, parfois très nombreux et qui ne semblent avoir aucun lien entre eux. de même on apprécie le florilège de mots qu'on n' a parfois plus l'habitude de lire ou d'utiliser. On se laisse submerger par ces souvenirs qui ressurgissent de temps en temps et que l'auteur nous force à regarder et qu'on a pris l'habitude d'ignorer.

Cette lecture fut pour moi une véritable promenade parmi les cadavres de l'histoire, les mots et les non-dits dont ils sont issus, parmi le temps qui jallone ce récit, parmi ce temps qui semble agir comme l'ombre de notre passé, ce passé qui nous hante quoi que l'on fasse et où qu'on l'on soit.
A croire que lire c'est errer, comme une promenade...

Impossible donc de résumer ce livre. Impossible de le raconter mais à lire.
Un livre pas comme les autres mais qu'on devrait tous se procurer, pour ne pas oublier qui on est, car comme Quignard le dit lui-même:
" Toute oeuvre d'art est ce langage à sa source, c'est-à-dire un monde devenu un passé".
Lien : http://aupetitbonheurlapage...
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Quelque part entre la poésie, la philo et le roman. Une forme assez unique que j'ai beaucoup aimée.
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