Vers la sobriété heureuse/
Pierre Rabhi
J'ai découvert l'existence de
Pierre Rabhi lors d'une émission télévisuelle qui m'intéresse particulièrement, « La Grande Librairie » animée par F.
Busnel sur la 5. Étaient alors conviés J.M.G.
Le Clézio et
Pierre Rabhi. Ce fut un beau moment d'échange.
C'est ainsi que je me suis décidé à lire un ouvrage de
Pierre Rabhi. J'ai choisi «
Vers la sobriété heureuse » qui m'a paru être dans l'air du temps.
Dans son livre,
Pierre Rabhi commence par faire un constat consternant de l'état de notre planète.
Rien de bien nouveau en fait quand on sait que celle-ci impose des limites par sa constitution même. le principe de croissance économique infinie est une absurdité ipso facto. Et le pillage et le dépeçage de notre Terre ne sont pas finis ! Et quand on sait que l'épuisement des ressources évolue selon une courbe exponentielle, nous avons du souci à nous faire, les pays émergeants contribuant à accélérer le processus.
le mot d'ordre est devenu : « la Terre nous appartient » alors que la vérité est : « nous appartenons à la Terre. »
La fin d'un monde séculaire est bien avancée pour notre désespoir et notre ruine. Au lieu de travailler pour vivre, nous vivons pour travailler. Les Trente Glorieuses sont passées par là et ont tout bouleversé faisant de chaque individu un consommateur en premier lieu, le rouage d'une machine qui produit toujours plus afin que l'on consomme plus. L'obsession absurde de nos gouvernants consiste uniquement à vouloir relancer la consommation ! le destin de l'humanité est hélas subordonné au lucre, et faire envie est un élément important dans le processus mimétique mis en oeuvre afin de stimuler le désir. Avec pour conséquences les frustrations pour ceux qui n'obtiennent pas l'objet de leur désir.
La finance est devenue « une croyance d'essence quasi métaphysique, ancrée au plus profond de la subjectivité humaine, une hantise dévorante, une divinité tutélaire donnant une sensation vaniteuse de puissance. »
C'est aussi le monde rural qui s'est vu peu à peu aliéné.
Pour
Pierre Rabhi, la modernité est une imposture. Ne va-t-il pas trop loin ? Il avoue alors ses propres contradictions, lui qui use d'une automobile, d'un ordinateur, qui prend souvent l'avion pour se rendre à ses conférences etc…
Je suis par contre assez d'accord avec lui pour « faire de temps en temps une bonne diète de l'information, comme un jeûne purificateur, un acte de sobriété des plus bénéfiques. » Évitons la crétinisation de masse avec la publicité notamment.
Et puis est venu le nouvel ordre mondial anthropophage appelé mondialisation, pour des rythmes frénétiques, tétanisant et anxiogènes et un manque de temps permanent. La surabondance et la misère cohabitent.
Alors
Pierre Rabhi se pose la question : pour quand la reconquête d'un temps réel, convivial et solidaire, pour recréer liens sociaux. Selon lui, « les impasses dans lesquelles le monde contemporain va se trouver l'obligeront à réhabiliter bon nombre de pratiques du passé.
Ce point de vue, à mon avis, est assez discutable. Ce n'est pas parce qu'il faut renoncer au superflu afin de mettre en évidence le nécessaire et l'indispensable qu'il faille en revenir aux pratiques ancestrales.
Selon
Pierre Rabhi, la route
vers la sobriété heureuse est un chemin initiatique ascendant qui a aussi ses contraintes et ses complications. « La simplicité, dans un monde voué au profit sans limites, a un coût. »
« La sobriété heureuse ne peut se réduire à une attitude personnelle, repliée sur elle-même. » D'où l'action menée par
Pierre Rabhi pour mettre en place divers organismes et associations sont l'objet de la dernière partie du livre. du concret en quelque sorte : la pierre que Rabhi ajoute à l'édification du concept. Des établissements éducatifs où on apprend à cultiver la terre, des ateliers d'initiation manuelle ou artistique devraient voir le jour. Car le rôle de l'éducation est essentiel, et c'est pourquoi il faut se poser la question de deux façons : « quels enfants laisserons-nous à notre planète ? » en plus de « quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? »
Relocaliser l'économie en produisant et consommant localement, respecter les animaux, compagnons de notre destin, auxquels on inflige des souffrances inutiles. Un très beau passage du livre de
Pierre Rabhi nous rappelle à l'ordre.
Parvenu au terme de ce petit livre qui nous rappelle beaucoup de choses que l'on connaît déjà dans un style un peu scolaire, je suis déçu par la pauvreté des solutions concrètes. Mais en vérité, y en a-t-il de simples ?
Pierre Rabhi est un humaniste, idéaliste et sincère. Tel que je l'ai vu à la télévision, il m'a paru aussi être un sage, non violent, et heureux. Est-il optimiste ? C'est une autre question, mais est-il toujours besoin d'espérer réussir pour entreprendre ?
Il était bon toutefois de faire un rappel et c'est pourquoi
Pierre Rabhi a eu raison d'écrire ce livre.