Le proustographe

Lecteur ou non de Marcel Proust, on ne peut qu'être intéressé et charmé par « Le Proustographe » de Nicolas Ragonneau.

Livre original conçu en infographie, il nous permet de découvrir l'oeuvre sous différents aspects : biographiques, linguistiques, sociétal, éditions, notoriété, place dans la littérature du « roman-fleuve », tourisme proustien, etc…

Des découvertes étonnantes nous attendent :

La longueur surprenante des phrases proustiennes en comparaison avec d'autres auteurs de l'époque.
Le relevé des mots les plus utilisés, les hommes et femmes qui ont inspiré les personnages principaux, les lieux qui demeurent mythiques et la fameuse « paperole » dont la plus longue mesurait 1m60 (et Proust 1m68).
La généalogie des Guermantes, les prénoms, la botanique, les revenus de Proust, l'histoire de la madeleine…

Tout est évoqué, analysé, répertorié pour assouvir notre curiosité de cet auteur unique, fin observateur, exigeant et lucide quant au Temps qui se déroule qu'au monde qu'il a fréquenté.

Outre l'intérêt de la lecture et de ce qu'elle nous révèle, le livre est beau à contempler.
Nicolas Beaujouan, le concepteur de la mise en images, nous permet en noir et or de suivre les données de ce recensement avec facilité et esthétisme.

Je ne peux qu'être admirative et dithyrambique devant cet ouvrage original d'un amoureux de l'oeuvre proustienne et d'un jongleur de l'image.
Ouvrage paru en cette année où l'on commémore la naissance de Marcel Proust le 10 juillet 1871, il y a donc 150 ans.

Combien sont-ils les proustolâtres, proustophiles et autres proustologues à avoir commis de méchants petits opuscules sur le romancier adulé et sa Recherche, "ce livre essentiel, le seul livre vrai" ? Encore un, soupire-t-on du coup en découvrant "Le Proustographe", encyclopédie visuelle en noir et or !

Détrompons-nous : dans cet ouvrage très soigné, à l'esthétique Modern style, Nicolas Ragonneau nous enchante par ses miscellanées de noms, de dates et de chiffres mis en délicieuses formes par le talent du graphiste Nicolas Beaujouan.

On s'y amuse d'apprendre que le petit Marcel portait une moustache morse à 25 ans ; que les mots les plus exploités par l'écrivain parmi les substantifs, les adjectifs, les verbes et les mots-outils sont Madame, grand, être et le ; que la phrase proustienne moyenne compte 36 mots ; que l'occurrence des guillemets et des tirets dans la Recherche est de 2,2 par page ; que l'on y dénombre 41 Duchesses pour 17 Comtesse et 4 Baronnes ; 19 vaches pour 5 méduses ; 33 aubépines pour 18 cattleyas ; que si, dès 1920, Pedro Salinas traduisait la Recherche en espagnol, il faudra attendre 2019 la traduction maltaise de Paul Zahra ; qu'il y a, en France, 9 avenues, 2 squares ou 13 impasses Marcel Proust...

Parfaitement inutile, jamais superfétatoire, donc essentiel !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..