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3,89

sur 185 notes

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
« Deux romans sont susceptibles de changer la vie d'un adolescent de quatorze ans avide de lecture. le Seigneur des anneaux et La Grève (Atlas Shrugged). L'un des deux est une fantaisie infantile qui engendre fréquemment chez ses lecteurs une obsession durable pour ses héros invraisemblables, conduisant à une vie adulte socialement inadaptée et émotionnellement atrophiée, qui les rend incapables d'affronter le monde réel. Dans l'autre, il y a des orques. »

C'est par cette citation que j'en suis venu à ouvrir La Grève. Outre que la citation est drôle, elle m'avait étonné : comment se fait-il que le livre est totalement méconnu en Europe, alors que son succès ne se dément pas outre-Atlantique, toujours réédité et régulièrement en top des ventes depuis 1957 ? Et de quoi parle-t-il donc ?

La Grève nous raconte en fait l'histoire du monde, propulsé par les Entrepreneurs. Les Entrepreneurs ont des idées de génie, qui font avancer l'humanité ; Leurs intuitions sont sûres : Ils envisagent tous les risques dans leur tête, et quand Ils lancent leur invention, les vérifications sont inutiles, car l'erreur Leur est inconnue ; Ils choisissent les meilleurs subordonnés pour mettre en place Leurs idées, car un regard dans les yeux, une franche poignée de main, Leur suffit pour déterminer la valeur d'un homme. Les Entrepreneurs représentent Atlas, qui porte le monde sur ses épaules.

Si le monde n'est pas un paradis, c'est qu'il n'y a pas que des Entrepreneurs parmi les hommes. Il y a aussi des gens sans génie, qui se contentent de faire ce qu'on leur dit, et de profiter des bienfaits que les Entrepreneurs leur offrent, les yeux luisant de reconnaissance et d'admiration. Mais il y a surtout les Intellectuels Geignards : cette race maudite contient des juristes-puces qui créent des lois et des règlements (inutiles pour un Entrepreneur infaillible: ils ne font que ralentir le progrès), des philosophes-moustiques qui promeuvent d'autres valeurs que l'argent (alors que c'est la seule qui fait tourner le monde), mais surtout des politiciens-sangsues qui installent des taxes, pour « redistribuer » aux pique-assiettes une richesse qui ne leur appartient pas et qu'ils n'ont pas méritée.

Ces petits parasites deviennent malheureusement un peu trop nombreux au goût des Entrepreneurs. Atlas finit par en avoir raz-le-bol de porter un monde aussi ingrat, le pose par terre et se barre : les Entrepreneurs font grève et partent vers un lieu inconnu, et le monde devra se contenter de vivre avec des dirigeants aux idées collectivistes, avec toutes les conséquences dramatiques que ça peut engendrer.

Oui, ce résumé est caricatural, mais c'est pas moi qui ai commencé.

Ce livre est donc LE roman de l'ultralibéralisme, et malheureusement pour l'ultralibéralisme, qui n'en a pas beaucoup pour le représenter, il est plutôt mauvais – abstraction faite de toute considération politique.

Son principal défaut est sa taille : environ 1800 pages en PDF (le roman a été traduit en français et mis gratuitement, mais pas très légalement, à la disposition du public, ce qui est plutôt cocasse étant donné le thème du roman). le problème, c'est qu'après 150-200 pages, on a compris toutes les idées du livre. Et tout le reste, c'est du rabâchage sans subtilité, à coups de discours lénifiants qui s'étalent sur des pages et des pages.

C'est presque dommage, parce qu'en se contentant de 200 pages, on aurait pu avoir un conte philosophique qui pose des questions intéressantes sur l'innovation et sa rétribution, et la répartition des richesses.

Mais ici, le livre s'effondre sous son propre poids, et devient à la longue une caricature de lui-même. On peut tolérer des personnages parodiés sur 200 pages, pas sur 1800. le même discours répété vingt fois perd de sa force, et une fois le choc de la nouveauté passé, on constate son simplisme : dans un roman de cette taille, il faut maîtriser les arguments du camp adverse et montrer que malgré tout, on les discrédite facilement. Mais voir quelqu'un s'acharner contre un mannequin de paille pendant des heures, c'est fatiguant. On s'attend également à avoir des figures plus controversées qu'un entrepreneur qui réalise un acier plus solide pour moins cher, ou qu'une autre qui fait arriver les trains à l'heure : pour pousser l'idée du « laisser-faire capitaliste » au bout, introduisez des vendeurs d'armes ou de drogue, et convainquez-moi que ça reste la meilleure solution possible.

On peut comprendre que ce roman ait fonctionné aux États-Unis : dans une culture qui valorise le rêve américain et la figure du self-made man, s'entendre dire qu'on est une sorte de demi-dieu infaillible (et que si on faillit quand même c'est de la faute des autres) a un côté plaisant. On comprend aussi pourquoi ça a moins marché en Europe – probablement pour les mêmes raisons.

Je ne conseillerais la lecture de ce pavé qu'aux personnes prises d'une soudaine et furieuse envie de contribuer positivement au PIB de leur pays. Pour les autres, il est sans doute plus judicieux de s'en tenir aux orques.
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Présenté come un "must-read"... j'ai eu beaucoup de mal à le terminer et j'ai lu beaucoup de pages en diagonale.
Très caricatural, encense le libéralisme sauvage en dressant le portrait d'une société bureaucratique plus ou moins inspirée du communisme. J4ai trouvé ce livre pontifiant et ennuyeux.
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Ayn Rand est au libertarisme ce que BHL est à la philosophie française : une imposture éclaboussante se répandant en guimauves interminables, mais qui possède une telle aura médiatique qu'elle parvient à matrixer tous les pseudo-intellos centristes passant dans son champ de tir. En 1300 pages, seuls un ou deux arguments intéressants sont prononcés contre le socialisme ; et comme ce bouquin a la chance d'être relativement bien écrit, on ne se rend pas compte du fait qu'on le déteste et qu'il revient sans cesse vous poignarder par derrière.
L'intégrale de ma critique ici :

Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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« On n'est jamais trop prudent dans le choix de ses lectures », avait dit Lucien Jerphagnon.
Je me pencherai quand même sur cette bible du libéralisme effréné qu'est La Grève d'Ayn Rand, encensé aujourd'hui par maints sectateurs. Un ouvrage aussi long appelle un commentaire développé. Je tâcherai d'être aussi concis que possible.
Bien que je l'aie trouvé quelque peu indigeste au vu de certaines longueurs, je pense en avoir appréhendé les ressorts : j'estime donc avoir le droit de le commenter. Et ce que je dirai ne plaira sans doute pas aux zélateurs de Miss Rand. Même si je ne remets pas en question le talent de l'auteur, qui est du reste très bien documentée sur les aspects du monde industriel et scientifique. Passons au reste.

En dépit de sa consistance et de sa complexité, j'ai d'abord trouvé Atlas Shrugged prévisible : les partis pris très tranchés de l'auteur y sont pour quelque chose.

J'en suis d'autant plus surpris que cette écrivain, qui se réclame de la doctrine de l'Objectivisme, un système suivant lequel la réalité est indépendante de toute représentation personnelle... est dans le présent livre, tout sauf objective. le manichéisme qui transperce tout au long de son récit est en fait digne du dernier des rednecks états-uniens, tant il confine à la caricature haineuse.
Pour nous résumer, il y a les bons et les méchants : les premiers étant les gagnants au coeur d'acier, figures emblématiques du rugged individualism, les seconds incarnés par les horribles assistés, captateurs des richesses d'autrui, oisifs pleurnichards et suceurs de sang en tous genres.

À tout seigneur tout honneur, les héros américains sont incarnés par Dagny Taggart, une Wonder Woman de l'entrepreneuriat sans états d'âme; le froid et impassible roi de l'acier Hank Rearden; l'insouciant Francisco d'Anconia, riche joueur aux ambitions effrénées; le magnat du pétrole Ellis Wyatt, qui n'hésite pas de son côté, et pour contrer les manoeuvres des vilains étatistes, à pratiquer une politique qui fut, en d'autres temps, celle d'un certain chef d'état du Moyen-Orient... je ne citerai que ceux-là pour ne pas digresser.
Fidèle à sa vision à l'objectivité discutable, Ayn Rand oppose à cette pléiade de surhommes les « losers », véritable banc de piranhas au regard fangeux, avec le frère indigne James Taggart, son acolyte Orren Boyle, le professeur dévoyé Floyd Ferris, sans oublier l'érotomane Eric Starnes. Tous ou presque sont bien sûr des profiteurs, des paumés ou des mystiques quelque peu azimutés.
Je passerai outre les conceptions bizarres de l'auteur en matière de relations sentimentales, cela restant une affaire personnelle.

Ce qui crée un malaise à la lecture de ce livre, c'est la capacité de l'auteur à mélanger des éléments de vérité avec des jugements totalement sommaires. Ainsi, on peut être d'accord avec d'Anconia lorsqu'il parle de la nécessité de l'argent (quoiqu'il faut souligner une inexactitude quand il dit que l'argent a remplacé l'esclavage : après tout, à Rome où l'esclavage était une institution, on battait déjà les Sesterces). de même, on ne peut pas contester aux inventeurs et aux créateurs le droit de disposer des fruits de leur travail en leur imposant des ponctions abusives. Un système où régnerait l'égalité absolue est impensable, nous sommes bien d'accord.
D'un autre côté, cataloguer à tout va tous ceux à qui le destin n'a pas donné autant de ressources en les traitant de parasites et de communistes, sans aucun sens des nuances, cela relève de l'idéologie pure et simple. N'en déplaise.

Voici une doctrine, donc, mâtinée d'observations clairvoyantes (notamment à l'encontre du crony capitalism et de ses effets pervers) et de conclusions erronées, qui crée au final une impression d'ambiguïté trouble et désagréable.
Comme l'écrivait Francis Ponge à propos de l'eau, « Elle m'échappe et cependant me marque, sans que j'y puisse grand-chose. Idéologiquement c'est la même chose : elle m'échappe, échappe à toute définition, mais laisse dans mon esprit des traces, des tâches informes ».

Cet ouvrage est dangereux, dans la mesure où il peut donner suite aux interprétations les plus aberrantes. Si on le prenait au pied de la lettre en tentant de l'appliquer au contexte sclérosé d'aujourd'hui, les conséquences en seraient désastreuses. Il suffit de regarder ce que la mondialisation a déjà engendré en termes de marasme économique et de décadence morale. J'y reviendrai.

En rédigeant cet ouvrage, Ayn Rand s'est certainement inspirée des entrepreneurs autodidactes et des capitaines d'industrie américains, des Carnegie et des Rockefeller, ces « battants » dont certains pouvaient aussi être de généreux bailleurs de fonds. Sa vision en quelque sorte idéaliste s'est inspirée de ces modèles. Mais de tels cas ne sont que des exceptions. Ils ne justifient pas un anti-étatisme compulsif amalgamant le concept d'état-providence avec des idéologies marxistes et autoritaires.

Croire qu'un système économique laissé à lui-même va se réguler tout seul, c'est aussi naïf que croire, à l'instar de Rousseau, que l'homme est naturellement bon. C'est du non-sens. Pour ma part, je préfère nettement le postulat de Hobbes, le créateur du Léviathan, qui résume tout : Homo homini lupus, l'homme est un loup pour l'homme... y compris dans le domaine économique où, soyons francs, le but est généralement de bouffer le territoire du voisin.
D'ailleurs, j'ouvre une parenthèse pour rappeler que le capitalisme de laisser-faire et le communisme ont en commun de tout miser sur des valeurs purement économiques, au détriment des valeurs esthétiques et culturelles, sans lesquelles il n'est ni de civilisation, ni de nation, ni de peuple. Ces deux systèmes, quoique antinomiques, se complètent. L'un est le pendant de l'autre.
Je rappelle aussi que les progrès de la Civilisation ne sont pas l'apanage du capitalisme texan. Beaucoup d'inventeurs n'ont pas connu l'avènement d'un tel système : Volta, Daguerre, les frères Lumière, Niels Bohr pour ne citer qu'eux.
C'est la Renaissance qui a été le point de départ du progrès occidental, et non l'essor du modèle américain.

Au modèle simpliste d'Ayn Rand, j'opposerai le florissement artistique et intellectuel de l'Europe, encouragé par les mécènes, et même par ces affreux hommes d'état vilipendés, tel Louis II de Bavière qui apporta un soutien précieux à Richard Wagner.
J'opposerai aussi d'autres exemples de réussite que les USA, comme l'Allemagne de Bismarck qui institua les assurances sociales, ou la sociale-démocratie suédoise.

Je reviens au contexte actuel en soulignant que Rand n'avait pas prévu quelque chose d'inédit : les retombées désastreuses du marché libre « globalisé », avec les délocalisations et le sacrifice des emplois nationaux au nom des impératifs du laisser-faire, l'invasion des marchés européens, etc...

Alors, l'idéal d'Ayn Rand ? Une sorte de far-west régi par les lois du chacun-pour-soi ? Il y a fort à croire. Cela dit, en le sortant du contexte où son livre a été publié et en l'érigeant en principe universel, on engendrera à coup sûr un système qui courra à sa propre perte. Un système où l'argent n'est plus un moyen mais une fin en soi.
La société occidentale bassement matérialiste dans laquelle nous vivons aujourd'hui est là pour nous le rappeler et nous mettre en garde.
Un cycle infernal s'amorce : créer des besoins dans le seul but de vendre, faire du fric pour faire du fric, conditionner l'homme pour consommer toujours plus, via un torrent de publicités plus débiles les unes que les autres, bombarder le public avec des spots aux images saccadées... abrutir la jeunesse avec des jeux et des dessins animés idiots... jusqu'à faire de l'individu, au final, un produit jetable à l'envi, condamné à se vendre pour survivre au sein d'un marché où tout est gouverné par les lois de l'échange.

Ma critique est cinglante, mais c'est de bonne guerre si l'on se souvient qu'Ayn Rand elle-même savait être cassante avec ses contradicteurs.

Par contraste avec les vaticinations de ce que Nietzsche appelait déjà « ces plats brouillons d'américains », et pour conclure, je mentionnerai le propos de Dominique Venner qui apporte des éléments de réponse au malaise contemporain, en nous rappelant les vertus Antiques de l'excellence, de la recherche du beau en soi, et qui se réfère à la spiritualité authentiquement européenne, laquelle repose sur la recherche de la perfection et non d'un profit purement matériel prêché par des ultra-libéraux échevelés.







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Je ne regrette pas l'effort fourni pour avoir tenté la lecture de cette « fiction philosophique ». Une fois n'est pas coutume, j'abandonne la lecture. Je ne sais pas si, en conséquence, je suis légitime pour rédiger une critique, mais j'ai le désir d'avertir le potentiel lecteur curieux…
En quelques mots très subjectifs : les personnages sont caricaturaux et ridicules, la narration lassante et les idées défendues par l'auteure au service de l'anti-communisme basique américain …. L'entrepreneur super héros de la nation aux cinquante étoiles ne m'a pas convaincu. Et l'utopie dont on veut parler ne m'a pas fait rêver …
Bon courage…
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