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Jane Fillion (Traducteur)
EAN : 9782259185219
696 pages
Plon (12/09/1999)
4.19/5   114 notes
Résumé :
Deux architectes dominent ce roman d’amour et de moeurs, véritable épopée qui témoigne d’une époque bouillonnante, celle des années 1930, où se fabriquait New York. Dans les années 1920, Howard Roark, architecte original, n’hésite pas à montrer son individualisme prononcé. En défendant à tout prix ses créations, et sa liberté, il séduit, fascine, et interpelle les personnes qu’il rencontre.
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Une bonne manière de faire tourner la boîte-à-idées : aller voir ou revoir ce qui semble être de l'autre côté, en apparence l'opposé, faire ce pas pour enjamber le fossé, se baigner à l'embouchure de la Complexité...
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Ayn Rand, théoricienne de l'Objectivisme, terreau de la pensée "libertarian" américaine, dont France Culture lui a consacré une série d'émissions passionnantes cet été, n'est à priori pas du même bord. Je parle de moi, mais aussi des pensées progressistes ou humanistes, "de gauche", traditionnellement prévalantes par chez nous. En surface, bien-sûr, car les développements récents montrent un schisme de plus en plus profond... Mais cela n'est pas le sujet.
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Ce livre m'a été offert il y a une vingtaine d'année par une amie franco-bulgare dont la famille avait fui les persécutions du Bloc, elle-même ne les ayant vécues qu'à travers le récit de ses parents. Moi, passionné d'architecture et militant chez ATTAC, bref, un cadeau fort pertinent, dont la portée symbolique m'avait alors en partie échappé. J'avais alors plutôt apprécié l'histoire, sans vraiment me poser de questions, malgré un certain malaise quant à certains personnages, le prescripteur artistique Ellsworth Toohey en premier lieu, mais sans chercher plus loin, concentré par cette variation littéraire sur le grand architecte Frank Lloyd Wright.
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C'est une autre émission de FranceCu, sur les théories méconnues de villes-agricoles de FLW, qui m'a définitivement renvoyé vers la lecture de ce livre. Vous l'aurez compris en lisant autour, l'histoire et les personnages ne sont que prétextes à défendre une thèse, et cela se voit, fort. Manque de finesse littéraire ou philosophique ? Ou bien simple volonté de clarté, d'intelligibilité ? Toujours est-il qu' Ayn Rand ne s'embarrasse pas de nuances : c'est en cela qu'on peut lui "en vouloir", et plus facilement invalider sa pensée, destinée uniquement à l'émergence de "génies" face à une société normative supposée incapacitante. Simpliste, contradictoire — que l'usage soit adapté à l'exceptionnel et non au courant — tournée vers un élitisme comme état de nature...
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Pourtant, le livre tient bien debout, car l'identification quasi-inévitable au héros, l'idée du "seul contre tous", l'honnêteté intellectuelle face aux inévitables compromissions militantes et politiques, ne peuvent qu'emporter une partie de nous-même dans ce romantisme typiquement américain.
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Ellsworth Toohey est bien le personnage le plus intéressant, même si le "danger" qu'il représente pour la société pourrait aujourd'hui être inversé, par un savoureux effet de miroir déformant, la radicalité étant devenue depuis une forme de conformisme mou, démontrant ainsi que l'individualisme à tout prix, dans le milieu des arts, de la connaissance et de l'apprentissage, ne mène qu'à une dissolution d'une forme d'humanisme universaliste, à une relative disparition des mouvements créatifs collectifs, et à un essoufflement de ce système en général.
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Vous l'aurez compris, ce livre est à prendre comme le témoignage d'une époque, d'une idéologie, qui n'avaient probablement pas bien saisi tous les enjeux, confiant son avenir dans l'avènement de Grands Hommes, sans aucune prise en compte des limites de notre planète, imposant aux Hommes d'arrêter de se mentir.
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Ce billet se focalisant sur le fond, j'espère, ne découragera pas de se plonger dans la forme romanesque, assez réussie, de la Source Vive.
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Un homme seul, un artiste, un créateur peut-il résister à la pression abêtissante de la société dans laquelle il vit ?

Ayn Rand naquit Alissa Zinovievna Rosenbaum en 1902 à Saint Petersbourg. Elle assiste donc à la naissance de la Révolution bolchévique qui conduira très vite aux pires excès du communisme. Or Alissa aime la culture et la littérature de l'Occident et des Etats-Unis, elle se passionne pour son cinéma. Subissant les affres du collectivisme, elle ne rêve que de liberté et d'individualisme. Cette enfance russe sera la source de toute son inspiration romanesque, de toute sa philosophie.

En 1926, elle s'installe aux Etats-Unis et obtient la nationalité américaine. Elle commence aussi à travailler en tant que scénariste pour le cinéma, écrit pour le théâtre et aura une détestable attitude lors de la terrible purge des communistes du milieu artistique et cinématographique en 1947, dénonçant ceux qu'elle sait sympathiser avec le Parti.
Parallèlement, elle écrit ses premiers grands romans mettant en scène ses idées dont cette « Source Vive » qu'elle mettra 7 années à écrire et qui sera refusée par plusieurs éditeurs avant de devenir un Best-Seller avec plus de 6 millions d'exemplaires vendus.
Il faut être courageux pour entamer la lecture de ce livre de 700 pages d'une impression serrée et sans espacements ou presque mais quel chef-d'oeuvre !

Ayn Rand avait une très grand admiration pour Hugo et cela se retrouve dans ce monument littéraire.
Le récit décrit la vie d'Howard Roark, un jeune architecte solaire (il a d'ailleurs les cheveux rouges) et d'un exceptionnel génie. Mais comme tout individu qui dépasse la norme basique de la société dans laquelle il vit, il est impitoyablement rejeté.

Roark illustre donc toutes les thèses philosophiques de Rand qui placent l'homme au-dessus de toute collectivité. Car sans cela, cet homme devra renier sa créativité, sa différence, son intégrité. Cet homme maître de sa technique, l'est aussi de ses émotions. Face à Roark, plus que son pâle condisciple Keating qui accepte, pour se hisser aux sommets, toutes les compromissions, se dresse Ellsworth Toohey. Toohey est le chantre du collectivisme que déteste Rand pour en avoir vu les effets à l'oeuvre en URSS. Cette philosophie commençait à faire de nombreux adeptes aux Etats-unis. Aussi Toohey est-il présenté comme un manipulateur hors pair, froid et cynique, pervers aussi. Ce splendide méchant est une véritable vipère qui instille son venin social et va tout mettre en oeuvre pour abattre le monolithique Roark.
Si Rand se sert du milieu de l'architecture pour base de son roman, elle explore aussi tous les rouages de la Presse, des milieux intellectuels et démonte les manipulations qui permettent à des minables de passer pour de grands talents.
A ce titre, le récit est d'une acuité intemporelle !

Le lecteur est emporté par le récit dense et les personnages forts de ce roman fleuve. Comme chez Hugo quelques coïncidences paraissent fort improbables mais elles disparaissent dans la richesse de l'oeuvre. Comme Valjean, Howard Roark restera un grand personnage de la littérature mondiale. Cependant, très étrangement les romans d'Ayn Rand restent peu connus en France. Ces thèses continuent très certainement à y déranger un certain intellectualisme de gauche qui a longtemps eu main mise sur le monde de l'édition et de la pensée française.
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Après avoir lu Anthem, je me demandais si les romans suivants d'Ayn Rand seraient plus matures. Alors ? Oui et non.

Non, parce que la philosophie déployée par Ayn Rand est toujours aussi peu subtile. Quelques exemples tirés du discours de fin d'Howard Roark, l'architecte de génie qui doit lutter contre un monde qui maltraite les individualistes comme lui : « All that witch proceds from man's independant ego is good. All that witch proceds from man's dependance upon men is evil. » (p.668) Rand fait des absolus. le bien et le mal sont clairs, nets, séparés. « The creator originates. The parasite borrows. The creator faces nature alone. The parasite faces nature through an intermediary. » (p.679) D'un côté il y a les bons, les forts, les indépendants, les héroïques. de l'autre, les dépendants, les socialistes, les travailleurs sociaux : des parasites. Une division du monde aussi claire, c'est agréable, certes. Il est plaisant de tout catégoriser de façon aussi limpide. Mais c'est illusoire. le monde est gris. Complexe. Quoi qu'il en soit, cette division est erronée. D'un point de vue évolutif, l'homme de base qui lutte pour la survie de son groupe, par dépendance envers son groupe, est tout aussi important que le rare génie qui invente la roue ou domestique le feu.

Il y a du bon dans cet amour de l'égo, cet amour de l'indépendance. Je le sais intimement. Cultiver l'individualité, c'est cultiver un esprit critique, une pensée honnête, un précieux goût pour l'originalité. Mais mettre l'extrême individualité sur un piédestal, c'est se leurrer. Prenons par exemple la fameuse, ou malfamée, scène du viol. Roark, avatar de l'homme parfait selon Ayn Rand, désire Dominique. Alors il viole Dominique. Pas de souci : c'était ce que Dominique voulait. Un fantasme, en gros. Et Roark l'a de deviné. Très bien, Roark ne peut pas se tromper : étant lui-même le fantasme d'Ayn Rand, il est parfait. Mais le problème, c'est que dans la vie réelle, les gens se trompent. Dans la vie réelle, peut-être que le fantasme de Dominique serait un diner aux chandelles, ou un sensuel massage des orteils. Et c'est pour ça que les gens se parlent, communiquent, cherchent le compromis. le compromis n'est pas nécessairement un mal, comme l'affirme Rand. C'est un outil capital de paix, d'entente, de vivre ensemble. Roark ne fait jamais de compromis. C'est le meilleur architecte du monde, point final, et les autres doivent accepter intégralement sa vision ou se passer de ses services. Et si tous les professionnels se targuant d'être bons faisaient pareil ? Et si les bons libraires décidaient pour le lecteur ce qu'il doit lire ? Serait-on mieux servi que dans le communisme qui a traumatisé Rand ? Ensuite, cette notion de « meilleur ». Roark est le meilleur parce qu'il est né ainsi. Il est né intelligent et indépendant. Pourquoi pas : nous naissons tous différents, d'esprit comme de physique. Mais ici, le physique est lié à l'esprit. Roark est beau, mince, musclé. A l'inverse, le méchant communiste, Toohey, est frêle et faible. C'est le genre d'association qu'on tolère dans les productions de divertissement américaines qui ont forgé les opinions de Rand, mais qui devient problématique quand on prétend faire de la philosophie.

Le système de Rand est un fantasme. Les inclinaisons personnelles entre dépendance et indépendance sont bien réelles : Rand, traumatisée par le communisme où, née indépendante, elle est violentée par le règne de la dépendance, rêve de l'individualisme total et parfait. Dans sa préface, elle raconte une scène où son mari la réconforte longuement alors qu'elle désespère de finir son roman, ce qui lui redonne de la force. Mais dans le roman en question, Roark est en conflit professionnel terrible avec son amante : elle veut le ruiner en tant qu'architecte, car elle pense que le monde ne mérite pas son génie, ou quelque chose comme ça. Roark, comme il est parfait, aime ça : ça lui fait juste du défi en plus. Rand aurait-elle aimé que son mari se comporte ainsi ? Non : parce que dans la vraie vie, même quand on est très indépendant, l'entraide, c'est positif. Et pas seulement l'entraide basé sur l'intérêt personnel, comme le conçoit Rand.

Alors, The Fountainhead est donc un mauvais roman ? Pas du tout : c'est excellent. J'ai adoré. C'est en cela que c'est une oeuvre mature : Rand parvient dans la fiction à donner une intense cohérence à sa philosophie douteuse. Tous ses personnages sont les incarnations d'une position par rapport à son système. Roark est l'absolu, guidé par une inaltérable force intérieure. Dominique est proche de l'absolu, mais trop éloignée pour affronter le monde : alors elle le hait et entretient avec lui une relation provocatrice et auto-destructrice. Keating est l'homme de la foule, celui qui renie son identité pour suivre le flot des masses. Wynand est l'homme grandiose mais résigné, qui a mis son génie au service de la foule, seule façon de ne pas se faire dévorer par elle. Et Toohey est le vil socialiste, incarnant toute la haine de Rand pour collectivisme. Ces personnages sont extrêmes, et c'est ce qui fait leur charme. On se laisse aisément prendre à leur quête d'individualité, et pour Toohey, à sa quête de pouvoir. Toohey est d'ailleurs le vecteur d'un brillant monologue sur le totalitarisme soviétique. Les idées sont des armes, et le monde un champ de bataille métaphoriquement sanglant, jonché de victimes et de soldats fanatiques, où s'affrontent individualisme et collectivisme. Une vision terriblement réductrice, mais qui le temps d'un long roman à idées diablement bien mené emporte aisément par sa fougue narrative tout en stimulant abondamment l'esprit, et l'esprit critique en particulier en ce qui me concerne. J'ai hâte de lire Atlas Shrugged.

Lien : http://lespagesdenomic.blogs..
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Si l'on veut, l'on peut trouver à ce livre assez d'éléments de réflexion pour bien longtemps.

L'histoire se place dans le New-York pulsant de l'entre-deux guerre. Ecrit en 1943...
Et dire qu'en cette fin 2022, Elon Musk rachète Twitter, et nous voilà en plein, à nouveau et à jamais, dans cette tension de l'individualisme-égoïsme face à l'atruisme-collectivisme. Qui l'un comme l'autre semblent intenables. Entre une forme de dictature et une autre...
Ce qui est très fort dans ce livre, c'est la capacité qu'à Ayn Rand à développer ses personnages à un point tel, que le fait qu'ils soient (pour certains) à des curseurs poussés au max, ne pose aucun problème. Elle parvient à les rendre crédibles et chacun peut alors se situer face à ces hyperboles ou asymptotes. La masse est "stéréotypée" : veule, bête, peureuse... Accentuant le contraste.

Beaucoup de dialogues, très pensés, beaucoup de mots, de la dialectique... Par moments, j'y ai retrouvé une force comme dans Les Frères Karamazov.

Les histoires d'amour ou l'histoire d'amour est aussi dure, tordue, que magique, splendide... Se faire mal pour s'aimer, se laisser sans se perdre, des années passent, les rencontres creusent les êtres, sans les briser, sans briser ce qui semble être incassable.
Pourtant, tout meurt, tout s'effondre, les buildings aussi.
En 2001, les Twin Towers... Ah oui, j'oubliais de dire, il est question d'architecture, de Beauté, de puissance, de gloire, d'argent, d'empire médiatique, d'idéaux, de manipulation, d'amour.
Etre soi à fond, jusqu'au bout (à la Nietzsche), au détriment d'un collectif idiot et affadi. Etre soi qui n'est certainement pas l'opposé du bien-être collectif. L'égoïsme est un humanisme. Avoir fierté de l'humain. de ce qu'il peut réaliser. Valoriser le Beau et s'il existe de la souffrance, celle-ci ne doit pas gouverner le monde.
Bref, impossible de parler de ce livre en quelques lignes. Il mériterait 25552 thèses de doctorat en diverses sciences.

Si vous ne vous intéressiez pas à l'architecture, vous la considérerez autrement. Car c'est le propre de tous les passeurs de passion.s que de susciter ou d'exciter l'intérêt de son lecteur-auditeur-accueillant. Réussi pour moi.

Il y a quelques longueurs et la traduction est parfois un peu spéciale. J'aurais mis "home" en italique, parce qu'en français il renvoie trop vite à d'autres représentations que ce "home" anglophone si émouvant.

Quel plaisir de découvrir un livre pareil qui a été oublié (ce qui est une honte, je trouve) alors qu'il a d'incontestables côtés intemporels.

Et quels personnages, mazette... Inspirants !

Cette critique n'est pas plus grammaticalement qu'architecturalement correcte. C'est bien ainsi.
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Ayn Rand, La Source Vive, 1943, 1945 pour la version française, que j'ai découverte en 1965 et souvent relue depuis pour la force qu'elle m'a insufflée.

Dans ce roman l'auteure, philosophiquement et politiquement engagée, fait l'éloge de la farouche ténacité du créateur qui défend avec acharnement ses convictions et son indépendance, qu'elle oppose à la médiocrité et au conformisme de la société dans laquelle il vit et se débat.

C'est la lutte désespérée contre vents et marées de l'individu habité par une compréhension novatrice de son art et dont la passion confine au martyre en se heurtant et s'opposant à celle, classique mais à la mode, de son groupe social, troupeau mécanique qui constitue la majorité.

Il ne s'agit pas ici de l'éloge de l'individualisme mais de l'individualité, honnie, détestée par le courant socialo-communiste égalitaire qui voit dans toute originalité un adversaire, un opposant à l'uniformité totalitaire qui est son essence ; il s'agit ici de la défense de cette pensée individuelle qui a façonné les civilisations, toutes les grandes oeuvres comme tous les progrès, en dépit de l'opposition et des obstacles que dresse le conservatisme protecteur de toute société, de ses codes comme de ses lois, de ses coutumes comme de ses croyances.

La société, ce troupeau imbécile qui suit au lieu de précéder, est bien sûr constituée d'individus qui ont chacun une individualité propre mais qui ne s'exprime pas, ne se manifeste pas, en sommeil ou paralysée par les circonstances, par le dressage socio-culturel de l'éducation ou par quelque autre accident de la vie. D'autre part, le conservatisme de la société, qui impose ses règles par les automates que sont nécessairement les fonctionnaires, les militaires, les forces de l'ordre et les prêtres des différents clergés, est indispensable à son équilibre et à sa survie. D'où le dilemme si bien décrit dans La Source Vive.

Au sein de la reproduction mécanique d'une espèce vivante cet individu différent n'est-il pas le produit d'une mutation, comme il en est des mutations dans la chaîne de l'évolution ? Ceci n'est peut-être pas une analogie. Et toute mutation, négative ou positive, est un drame ou un espoir incertain. 

Alors que, d'une façon générale, nous ne faisons qu'appliquer ce que l'on nous a appris, c'est-à-dire dupliquer nos connaissances, notre dressage, de très rares exceptions dérogent en effet à cette règle en innovant, c'est-à-dire en apportant une nouveauté, une invention qui, avec plus ou moins de bonheur, modifiera la chaîne de production. C'est cette mutation que nous appelons le progrès. En ce sens le créateur est un mutant. D'où le rejet, pour non conformité, qu'il suscite.

C'est le Howard Roark du roman de Ayn Rand, ce héros détesté qui ne peut s'exprimer, certes avec difficultés, que dans un système social relativement ouvert, c'est-à-dire de structure libérale, contrairement à un système fermé de type totalitaire qui n'accepte pas la différence, à l'exemple des régimes socialo-communistes.

Dans les sociétés primitives, très conservatrices, le mutant est éliminé. C'est aussi le cas dans les théocraties radicales et les dictatures administratives ou militaires, au sein desquelles tout progrès est quasiment impossible. À l'inverse, ce sont les pays libres qui produisent le plus d'avancées dans tous les domaines, dont les USA sont le meilleur exemple. C'est là tout l'objet du roman de Ayn Rand qui défend avec une rare vigueur l'individu dans un pays libre, en opposition à une culture de la tradition, paralysante, sclérosante, que l'on peut observer dans certains vieux pays européens résolument tournés vers leur passé.

Ayn Rand s'est en partie inspirée du père de l'architecture organique contemporaine que fut Frank Lloyd Wright pour transposer son propre ressenti, elle-même être d'exception – tout comme Donald Trump aujourd'hui pour qui ce roman est sa bible. On retrouvera la mise en scène de tels êtres exceptionnels passionnés dans les romans Martin Eden de Jack London et L'Oeuvre d'Émile Zola.

Vilamoura, le 28 juin 2020
Olivier Fougerat
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Extrait d'une conférence [institutcoppet.org]

Ayn Rand par Alain Laurent (Conférence du 4 octobre 2011)

Soumis par Axelle sur 8 octobre 2011 –

A l’occasion de la sortie de la traduction par Sophie Bastide-Foltz aux Belles Lettres de « La Grève » d’Ayn Rand ainsi que d’une biographie intellectuelle de l’auteur par Alain Laurent, ce dernier nous livre quelques pistes de réflexion sur le parcours intellectuel de cet écrivain, romancière et philosophe.

Conférence donnée à l’Alliance Française le 4 octobre

En France parait ces jours-ci la traduction d’un best-seller aux États-Unis : « La Grève ». La plupart des journalistes n’ont jamais entendu parler de son auteur. Il nous faut donc du mieux que nous pouvons briser cet incompréhensible silence et cette biographie intellectuelle –qui n’est en rien une hagiographie- y contribuera je l’espère.

Cette conférence devrait me permettre de souligner tous les points litigieux auxquels se heurtent les lecteurs d’Ayn Rand. Personnellement, je suis « randien » mais en aucun cas « objectiviste ». Tout simplement parce qu’en tant que philosophe et surtout esprit libre, je ne peux adhérer à un système de pensée, aussi séduisant soit-il. Je peux y entrer pour en comprendre la substantifique moelle mais pas y adhérer.

Deux points essentiels qui posent problème chez Ayn Rand :

1/ Ayn Rand est-elle une Romancière ? Ou bien une Philosophe ? Ou bien les deux à la fois ?

2/ Est-ce vraiment le fait d’avoir défendu le capitalisme qui définit la pensée d’Ayn Rand ou bien plutôt le concept d’égoïsme qui sous-tend sa réflexion ? « La passionaria du dollar » a-t-on pu lire récemment. Qu’en est-il exactement ?

1/ Philosophe ou écrivain ?

Ayn Rand est présentée comme les deux : comme romancière et comme philosophe. On remarquera cependant qu’il n’existe pas de philosophe vraiment écrivain. Sartre a bien écrit quelques pièces ou romans mais on ne peut pas dire qu’il se caractérise vraiment comme un écrivain au sens strict du terme. Même chose pour Camus, qui sera plutôt considéré comme un écrivain mais pas vraiment comme un philosophe.

Ayn Rand est une romancière au sens strict et une romancière de premier plan. Elle a commencé sa carrière d’écrivain avec son livre « Nous les vivants » en 1936, puis c’est le succès de « La source vive » en 1943. Ce succès montre qu’elle avait l’écriture dans la peau. Dans son dernier roman, le plus synthétique d’une certaine manière, « La Grève », elle mélange de façon plus explicite le roman à la philosophie. Le terme de « roman philosophique » pourrait éventuellement s’appliquer à ce dernier roman, mais pas aux précédents dans lesquels la réflexion philosophique ne pèse absolument pas. La notion d’individualisme apparaît pourtant dans ces premiers romans mais elle n’oblitère pas du tout l’histoire. D’ailleurs, beaucoup de lecteurs ont lu Ayn Rand dans l’unique but de lire un bon roman. (Les lectrices du journal « Elle » à la sortie de « La source vive », décrivaient le livre comme une « folle histoire d’amour »).

En fait Ayn Rand s’est autoproclamée philosophe de façon très exagérée. Elle donne en effet une définition très obsolète de ce qu’elle entend par philosophie : selon elle, la philosophie serait une science totale, amenée à donner une réponse entière à tous les questionnements humains. Or la philosophie n’est absolument pas cela ! (....)"
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Pour dire "Je vous aime", il faut savoir dire "Je". En vous obligeant à venir à moi maintenant je n'aurais rien de vous qu'une coupe vide. Vous le demander serait vous détruire. Et c'est pourquoi je ne ferai rien pour vous retenir, pourquoi je vous laisserai retourner auprès de votre mari. Je ne sais pas comment je survivrai à cette nuit, mais j'y arriverai. Je vous veux complète, comme je le suis moi-même, comme vous le serez après avoir livré bataille à la vie. Un combat n'est jamais inutile.
[...]
Vous devez apprendre à ne plus redouter le monde. A ne plus dépendre de lui comme vous le faites actuellement. [...] Et en cela je ne puis vous aider. Vous devez trouver votre voie vous-même. Et alors vous reviendrez vers moi. Le monde ne me détruira pas, Dominique, pas plus qu'il ne vous détruira vous-même. Vous triompherez parce que vous avez choisi la route la plus dire, parce que vous allez combattre pour votre liberté. Je vous attendrai. Je vous aime. Je vous le dis pour toutes les années que nous aurons à attendre. Je vous aime, Dominique.
Il la pris dans ses bras, l'embrassa puis la laissa partir.
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Vous avez fait la connaissance de Mr. Roark, Mrs. Jones ? Et il ne vous a pas plu... Le type d'homme pour lequel on se sent incapable d'éprouver la moindre compassion ? Comme c'est vrai ! La compassion est un sentiment si merveilleux. Exactement ce que l'on ressent lorsqu'on voit une chenille écrasée. C'est un sentiment qui vous élève. On se sent soulagé, exactement comme lorsqu'on desserre sa ceinture. Et cela ne demande aucun effort, de ressentir de la compassion. Il n'y a qu'à regarder plus bas que soi, c'est si facile. Lorsque vous regardez plus haut que vous, vous attrapez une douleur dans la nuque. Oui, la compassion est la plus grande des vertus. C'est la justification de la souffrance. Il faut bien qu'il y ait de la souffrance de par le monde, autrement comment nous sentirions-nous vertueux et compatissants ?... Oh, il existe évidemment une antithèse, mais combien plus difficile... l'admiration, Mrs. Jones, l'admiration. Mais là, il faut plus qu'une ceinture défaite... Aussi je déclare que tout être pour lequel nous ne pouvons pas éprouver de la compassion est un être mauvais. Comme cet Howard Roark.
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"Pourquoi avez-vous décidé que vous seriez architecte ?
— Je ne le savais pas alors, mais c'est parce que je n'ai jamais cru en Dieu.
— Ne pouvez-vous pas parler sérieusement ?
— Parce que j'aime cette terre. Elle est tout ce que j'aime. Mais je n'aime pas la forme des choses qu'on construit sur cette terre. J'ai le désir de les changer."
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Ce n’était pas là l’œuvre d’un homme travaillant laborieusement, disposant portes, fenêtres et colonnes selon ce que sa fantaisie lui conseillait et ce que la tradition lui permettait. C’était une entité qui avait jailli de terre, de quelque source profonde, achevée, parfaite, inaltérable. La main qui avait tracé ces lignes incisives avait encore beaucoup à apprendre, mais pas un trait de crayon n’était superflu, par une surface nécessaire oubliée. Le dessin paraissait simple et dépouillé mais, à le regarder plus attentivement, on découvrait par quel métier, par quelle complexité de moyens et par quelle tension d’esprit, l’artiste était arrivé à cette simplicité. Aucune tradition n’en avait inspiré le plus petit détail.
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Ayn Rand est l'une des figures intellectuelles du courant libertarien, elle a prôné toute sa vie la liberté absolue de l'individu contre l'État.
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