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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Imaginez un monde en déclin, proche de l'anéantissement final...
Un monde parallèle, crépusculaire, inspiré du nôtre, mais un monde fantasmé au cadre temporel flou. En fait une sorte de féodalité médiévale (citadelles, oriflammes et cathédrales) émaillée par endroit de curieux anachronismes, ici une voie ferrée et d'antiques machines à vapeur, là un câble télégraphique, plus loin un ouvrage d'art dessiné par Gustave Eiffel.
Imaginez ce monde, donc, qui fut jadis florissant et prospère, mais qui s'est effrité jusqu'à la décomposition. Quand, comment, pourquoi ? Nul ne le sait. Où sont passés les habitants de la Ville et les fidèles sujets de son seigneur, le grand Margrave héréditaire ? Aucune idée non plus.
Ne vous préoccupez pas de ça, prenez simplement part à la chevauchée.

Les septs cavaliers, emmenés par le compte Silve de Pikkendorff, vont arpenter des terres désolées sur lesquelles plane une atmostphère de fin du monde puissamment évocatrice, à la fois pleine de poésie et de désenchantement.
On pense par moment à la "Horde du Contrevent" (Alain Damasio), ou au "Général de l'armée morte" (Ismaïl Kadaré), mais l'on retrouve aussi les thèmes de prédilection et les "obsessions" souvent controversées de Jean Raspail (effrondrement d'une civilisation, opinions royalistes assumées, menace sourde et latente de hordes barbares qui rôdent aux frontières...).
Heureusement on peut aussi ne voir dans ces pages que le simple récit d'un voyage initiatique délicieusement absurde, dont la finalité nous échappe un peu, sans y chercher d'analogie particulière avec le monde que nous connaissons.

"La vie s'est presque retirée de nous. Elle est bien passée quelque part...", disait le Margrave héréditaire à la veille de l'expédition.
Les cavaliers ont donc pris la route, et moi avec eux, pour une mission à l'objectif incertain : traquer l'Espérance enfuie. Et au passage, tenter d'endiguer l'inexorable désordre ambiant en perpétuant coûte que côute des traditions militaires qui parfois confinent au ridicule. Tant pis si tout s'écroule, l'important est de garder le cap, de s'en tenir au protocole et d'empêcher les derniers rouages de l'appareil d'état de se gripper définitivement.
Qu'importe si l'Etat est exsangue, si Silve de Pikkendorff est un colonnel sans armée, et si la foi de l'évêque Osmond qui l'accompagne est des plus vacillantes : on fait comme si.
On avance, toujours un peu plus loin.
On s'enfonce dans un dans un monde qui déjà n'existe plus.
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Un roman épique et crépusculaire


Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée est le très long titre d'un roman paru en 1993 par Jean Raspail. A la frontière entre plusieurs genres, on aurait bien du mal à rattacher le livre à l'heroic fantasy, au roman historique ou à l'uchronie.


L'histoire se déroule dans un monde similaire au notre dans un pays d'Europe centrale ou orientale mal identifié dont l'époque semble naviguer entre le XIX ème siècle et la fin du Moyen Age. Pour de mystérieuses raisons la société a implosé, rongée par un mal qui la laisse dépeuplée, agonisante et pervertie. le chef d'État, un vieux Margrave aussi moribond que sa nation envoie dans un geste noble et désespéré sept cavaliers, derniers représentants de valeurs chevaleresques oubliées et d'une monarchie agonisante, en mission pour retrouver les traces de la vie et, peut-être comprendre les raisons de cet effondrement brutal.


Dès le début, on comprend qu'il est déjà trop tard, que la quête est sans espoir et que chacun des cavaliers, personnalités sympathiques et bien esquissées, le sait. Il ne s'agit pas d'une tentative pour sauver ce monde finissant mais bien d'un dernier baroud d'honneur épique et tragique de ces cavaliers au coeur de terres dévastées par la sauvagerie de leurs contemporains. On partagera donc le voyage et les rencontres de ces sept cavaliers en armes au milieu dans un paysage marquée par la barbarie et la déchéance.


Ici, il me faut m'arrêter sur un point, Jean Raspail est un auteur très marqué politiquement que l'on peut difficilement qualifier autrement que comme réactionnaire et proche idéologiquement des milieux royalistes et de l'extrême droite française. Et cela n'est pas sans conséquence sur ses récits et on retrouvera dans ce roman les idées de son auteur. Les thèmes même du livre (déclin, "ensauvagement" de la société, perte des repères moraux, confrontation larvée entre civilisations) et l'apologie des valeurs liées à l'ordre et à la tradition font écho à des mythes et des discours très présents au sein de la droite la plus radicale. En dehors de cet aspect, on retrouvera également un rapport complexe mais sans doute viscéral à la religion catholique et une défense de la minorité "vertueuse" et résistante face à la majorité lâche et corrompue.


Une fois cela admis, je fus tout de même saisi par le souffle épique qui s'échappe du roman, par la beauté des mots (soutenu en cela par un hommage bien ancré dans le récit à Apollinaire) et par l'ambiance crépusculaire du livre. La magie opère et on se prend d'empathie pour ces héros sans gloire et sans espoir. On découvre avec une délectation un peu coupable les scènes de ce monde déliquescent. Un léger point noir cependant concernant la fin du roman que j'ai trouvée trop explicite, dommageable et superflue.


Bref, voilà un roman intéressant, prenant et marquant que je recommanderais volontiers.
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‘'Sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardé. Tête haute, sans se cacher, au contraire de tous ceux qui avaient abandonné la Ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d'imaginer.[…] Celui qui les commandaient, colonel-major sans armée, Silve de Pikkendorff, avait été reçu durant la nuit précédente par le Prince.''

Relecture d'un des plus fameux ouvrages de Jean Raspail. 3 heures en compagnie de Silve de Pikkendorff et de ses compagnons au sein d'un monde en pleine décomposition morale. Les enfants se révoltent entraînant comme Platon l'avait prédit le début de la tyrannie. (Voir http://pikkendorff.kazeo.com/Citations-notees-de-mes-lectures/Platon-De-l-autorite,a233297.html)
Ce nouveau monde est aux portes de la Ville. Les Sept Cavaliers partent au-devant de cet ennemi intérieur et finiront par rencontrer cet autre nous-même que Tocqueville nous décrivait si justement (http://pikkendorff.kazeo.com/Citations-notees-de-mes-lectures/Tocqueville-Panem-circenses,a37061.html).

Quand ce monde nous aura tellement rabaissés, cet autre nous-mêmes regardant la vie s'enfuir pourrait reprendre ses paroles.
‘'L'homme abaissa le regard sur sa propre personne et se découvrit sale, petit, laid, transi et affamé. Il chercha dans le fond de son coeur un vieux reste de haine et l'ayant découvert bien recuit, encore prêt à servir, compris une seconde fois qu'avec ceux qui partait, c'était la vie qui s'en allait.''

Si vous avez trois heures, passez à la bibliothèque et découvrez notre monde avec l'oeil de cet autre vous-même, si il vit encore.

1993, édité chez Robert Laffont
Jean Raspail (http://jeanraspail.free.fr/)
Lectori salutem, Pikkendorff
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N°229
Septembre 2000


SEPT CAVALIERS QUITTERENT LA VILLE AU CREPUSCULE – Jean Raspail – Editions Robert LAFFONT.


Cela commence, l'auteur me le pardonnera sûrement, d'une manière banale « Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l'ouest qui n'était plus gardée ».
Et pourtant, cette simple phrase m'a dès l'abord accroché, m'invitant à en savoir davantage et m'a abandonné deux cent pages plus tard à la fois surpris et passionné d'avoir été le témoin de cette chevauchée.
Dès les premières pages, le décor est planté, un pouvoir vieillissant qui ne tient son autorité que d'un passé révolu. L'auteur la nomme du titre énigmatique de « Margrave héréditaire ». Son ombre plane sur le texte comme plus tard celui de sa fille Myriam après la mort de son père.
Tout le pays semble désorganisé, ses habitants paraissent avoir fuit un ennemi invisible ou avoir été décimée par quelque mal étrange… Seuls quelques fidèles entourent le souverain. Il fallait donc aller voir la raison de toute cette déchéance. La ville dont ils partent a, comme tout le pays a été prospère, mais il ne reste rien de cette grandeur.

Ce voyage pour le moins étrange conduira la petite troupe vers Sépharée, sorte de poste frontière au nord de cette étendue mal définie, un ailleurs assez indistinct.

Puisqu'il s'agit d'un voyage, il y a donc une géographie, mais cela n'a vraiment qu'une importance secondaire. Elle est nécessairement vaste, presque comme un continent, ravagée par une épidémie inexpliquée ou une invasion dont nous ne devinons les ennemis que presque par hasard.

Des personnages qu'on pourrait appeler « résistants » apparaissent et disparaissent comme des elfes ce qui ajoute à ce textes tourmenté un supplément de mystère

Les personnages que le « Margrave » charge d'aller porter un message dont on se demande si cela a véritablement de l'importance sont aussi énigmatiques que différents.

Il y a là Silve de Pikkenendorf, un colonel-comte major sans armée mais qui commande cette petite troupe, l'évêque Osmond van Beck, coadjuteur de la ville, sachant à l'occasion manier le pistolet avec vitesse et précision , le lieutenant Richard Trancrède, jeune officier et cavalier fougueux, le brigadier Vassili, cavalier et homme d'action qui ne connaît pas la peur, Abaï, fin palefrenier et chasseur attentif , le cadet Stanislas Vénier, expert en discipline militaire mais aussi amateur de femmes , le cornette Maxime Bazin du Bourg, artilleur et féru de la poésie de Wilhelm Kostroswitzky , plus connu chez nous sous le nom de Guillaume Apollinaire. Ses vers accompagneront cette armée fantôme. Sa disparition déjà ancienne ajoutera au mystère de cette histoire.

J'ai aimé ce récit conté à travers l'histoire du retard hypothétique d'un train qu'on n'aperçoit qu'à la fin, comme en filigrane, pour rappeler au lecteur qu'il est bien dans un monde où la fiction est reine, mais aussi qu'il n ‘est plus très sûr de ce qu'il vient de lire.

Pourtant, reste le décor, des grands espaces remarquablement évoqués, apocalyptiques parfois et surtout les personnages dont deux seulement atteindront le terme de leur mission. Ils iront soit vers la mort, soit s'arrêteront en chemin , mais au cours de ce voyage initiatique, chacun ira à la rencontre de lui-même.

Telle a donc été ma lecture personnelle de ce livre où la folie à sa place, mêlée à un réalisme parfois criant de vérité et où se mêlent souvenirs et fantasmes.




© Hervé GAUTIER.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Un mot d'abord sur le titre du roman. La "ville" c'est la civilisation européenne tres chrétienne (une vue de poete, bien-sur), le "crépuscule" c'est le crépuscule de cette civilisation, la "porte de l'Ouest" qui n'est plus gardée c'est la métaphore de l'arrivée des "hordes barbares" qui vont envahir cette Europe idéalisée qui n'est plus gardée car sa jeunesse préfére les paradis artificiels de la drogue et refuse les valeurs traditionnelles.

Jean Raspail, rendu célebre par son roman "Le Camp des Saints" (1973) a été récupéré par les monarchistes, les catholiques intégristes et les droites radicales qui voient en lui le chantre de leur cause. Son roman, "Sept cavaliers...", paru vingt ans apres "Le Camp des Saints" prend place dans une sorte de miniature heroic-fantasy d'une Europe qui s'effondre sous la corruption généralisée, la consommation massive d'un hallucinogene qui rend les jeunes fous avant de les tuer et l'invasion imminente de "hordes barbares".

Jean Raspail reve - car il s'agit d'un reve, d'un fantasme qu'en homme intelligent il n'a probablement jamais pris au sérieux, le reve d'une Europe tres chrétienne dans laquelle une aristocratie éclairée et chevaleresque assistée de pretres catholiques a la fois integres et intégristes veille sur un ordre social immuable car chacun y a sa place et s'y tient. L'univers revé de Jean Raspail a autant de relation avec la réalité humaine que l'univers a l'eau de rose de Barbara Cartland ou les cowboys incarnés par John Wayne avec le vrai Far West américain, mais Jean Raspail est un reveur, un poete, un aventurier romantique, pas un écrivain réaliste.

La fin du roman, bien que sombre, est une note d'espoir comme c'était déja le cas dans "Le Camp des Saints". Espoir incarné par l'image d'une femme idéalisée - ici Myriam, la fille disparue du souverain - présente dans plus d'un roman de l'auteur. Cette figure féminine récurrente, a la fois mere et amante, douce mais forte, est au centre des univers de Jean Raspail, le nécessaire complément du male guerrier pour qui elle incarne tout ce qui donne sens a la vie mais aussi l'espoir de la renaissance lorsque le monde s'écroule. Il faut dire que la poésie des univers de Jean Raspail doit beaucoup de sa force a ce personnage féminin.

Peut-etre m'aurait-il suffi d'écrire en guise de compte-rendu que c'est le récit d'un reve, celui du colonel-major von Pikkendorf (encore un personnage récurrent des romans de Raspail et qui, a n'en pas douter, est son alter ego). C'est un reve en quatre parties. La premiere partie est celle du reve somptueux, déja du passé au moment du récit, le reve d'un age heureux, celui d'un féodalisme éclairé, des chevaliers chrétiens héroiques, des éveques et des souverains triomphants qui construisent ensemble un monde idéal en apportant par les armes la lumiere divine aux peuples barbares. C'est un peu l'ere de Charlemagne et de ses paladins sans peur, pieux, fideles, si virils et si romantiques. La deuxieme partie du reve, c'est celle qui est décrite, celle ou le reve se transforme en le cauchemar de la chute, de la déchéance et de la revanche des barbares. La troisieme partie, c'est la fin du reve avec le réveil brutal au sordide de la modernité (lisez le roman, je ne vous en dirai pas plus). La derniere partie, c'est l'espoir de se rendormir et de reprendre le somptueux reve d'avant le cauchemar, peut-etre meme en plus beau (la aussi lisez, je ne vous en dirai pas plus).
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LE roman onirique
il fera rêver l'adolescent qui sommeille en nous
des idées originales, un style feutré, refus de la vulgarité, ça fait du bien.
Ah ! sauter sur son cheval !
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