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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ilaria naît en 1699, dans une Venise à peine remise de la peste où « l'on s'aimait avant de mourir ». Ses parents Francesca et Giacomo Tagianotte, marchands d'étoffes, ont perdu trois de leurs enfants à la naissance. Alors, cette sixième fille qui leur arrive, Francesca l'a tout de suite su, elle la destine à chanter parmi les anges de la Pietà, pour que sa voix s'élève jusqu'au paradis. Ainsi commence le roman d'apprentissage musical et sentimental né de la double passion – le grand feu – de Léonor de Récondo pour le violon et l'écriture.


Financée par la République de Venise, la Pietà accueille des filles abandonnées à la naissance, parmi lesquelles se glissent quelques jeunes filles dont la riche famille peut financer la formation, pour en faire, sous l'égide des plus grands maîtres, des chanteuses et des musiciennes accomplies que l'on accourt écouter lors des concerts qu'elles donnent, cachées et tout de blanc vêtues, derrière les grilles de leur hospice. Lorsque Ilaria y grandit, le maître de violon et le compositeur principal de la Pietà est Vivaldi. C'est à son école qu'elle découvre, toute jeune, le grand feu qui ne cessera plus de l'habiter, cet « art qui se façonne dans une addition d'âmes » : la musique. Sa voix d'or à elle, ce sera celle de son violon.


Mais, alors qu'à ses rêves d'évasion, jusqu'ici circonscrits par sa réclusion à leur seule expression musicale, quelques sorties chaperonnées par la riche famille de son amie Prudenzia viennent donner une nouvelle forme, amoureuse cette fois, un autre feu s'allume, qui pourrait aussi bien nourrir le premier que la consumer tout entière. Ilaria a désormais quinze ans. Pour ses semblables sans appui familial, l'avenir est au couvent, sauf pour celles, assez rares, que l'exception de leurs talents permet de se produire à l'extérieur, et parfois, d'être demandées en mariage...


Dans cette Venise d'eau, elle-même enfiévrée six mois par an par la frénésie du carnaval, le roman d'apprentissage se fait incandescent. du feu de la musique à la passion amoureuse, d'une plume qui palpite et cascade en vagues musicales, Léonor de Recondo investit sa propre expérience, émotionnelle et sensorielle, et, jusqu'à son impressionnant bouquet final, nous enchante d'un récit habité, ardemment romanesque, féministe aussi. Quand la musique et l'écriture s'épousent si joliment, l'on ne résiste pas au feu de la lecture.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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* Manque d'étincelles *

Autant le dire tout de suite, ce Grand feu n'est pas celui qui va vous réchauffer et vous tenir éveillé par les longues nuits d'hiver. On a plutôt tendance à le lâcher, et ce n'est pas parce qu'il brûle.

Le grand feu retrace la vie d'Ilaria. Elle est née en 1699 à Venise. sa mère, en remerciement d'un bon accouchement la confie au Pio ospedale della pieta. Bref, à l'orphelinat. Ce n'est pas que sa maman était pauvre ou prostituée, non non, elle et son mari sont marchands de tissus et ont déjà deux autres filles. Ilaria grandira donc comme une recluse en connaissant pourtant ses parents. 1703, Antonio Vivaldi est engagé comme maitre de musique à la Piéta. Ilaria connaitra son premier grand feu dans l'apprentissage du violon.
elle se fait une copine, Prudenza et reçoit de temps à autre l'autorisation de sortir du couvent pour aller chez Prudenza. Là elle rencontre Paolo. Il deviendra un jour le second feu d'Ilaria. Paolo est fou d'elle, mais Paolo est aussi un homme d'armes. Leur amour explose quand ils auront 17 ans.

Ce roman avait tout pour faire un beau feu d'artifice ! Vivaldi à Venise, la délaissée, la recluse qui trouve l'amour, un soupçon d'homosexualité refoulée, et là, ça fait flop. Rien ne s'anime, rien n'éveille, rien ne titille notre intérêt. le grand feu ne fait pas d'étincelles.
C'est beau et très bien écrit, là dessus, rien à redire, la plume de Léonor de Recondo est esthétique à souhait. Mais le trop beau est parfois ennuyant.
Pas un défaut, pas une manie. La musique et Vivaldi sont sous-exploités.

Ce roman est aussi lisse qu'un billard botoxé. Un peu trop pour moi.




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Il fait froid en ce début du mois de Janvier 2024 ? Vite ! un grand feu dans la cheminée.

Un premier feu qui saisit qu'Ilaria, née le 31 Mai 1699, c'est celui de la musique. Déposée par sa mère Francesca, auprès de sa cousine Bianca, dans ce couvent de la Pietà de Venise, elle ressent ses premières émotions artistiques la voix extraordinaire de Maria parmi le choeur des femmes.
Mais ce ne sera pas le chant qu'elle va apprendre, mais le violon. Et un peu plus tard, sous la férule d'Antonio Vivaldi en personne elle va s'embraser … mais n'allons pas trop vite.

Un second feu c'est celui de l'amitié. Privée d'amour maternel, non pas que Francesca renie sa fille, mais le choix de la déposer à la Pietà, cette institution religieuse bien connue des Vénitiens, a ses règles : si les femmes ne sont pas des moniales, elles vivent néanmoins cloitrées et n'ont droit à retourner dans leur famille que le jour de Noël. Une journée particulière pour Ilaria, où elle côtoie ses deux soeurs qui font bande à part et ne la considèrent pas comme l'une des leurs.
Heureusement il y a Prudenza. Prudenza appartient à l'une des nobles familles vénitiennes, la famille Leoni et vient à la Pietà en auditrice libre. Elle n'est pas éprise de musique comme Ilaria, mais ses deux jeunes filles se sont liées d'amitié et ne cesseront de grandir ensemble.

Un troisième feu ce sera l'amour pour Paolo, le propre frère de Prudenza. Mais Paolo rêve de gloire et de batailles, et son embrasement pour la belle Ilaria, qu'il a aperçu un jour avec sa soeur dans la famille Leoni, bien plus accueillante que sa propre famille, le porte à rechercher les honneurs pour éblouir celle dont il rêve jour en nuit.

Ce qu'il faut savoir c'est que Léonor de Recondo est violoniste elle-même. L'autrice décrit très bien les premières sensations éprouvées par la petite fille, lorsque les vibrations d'une voix pure lui ont traversé l'épiderme, jusqu'à ce qu'elle maîtrise ce violon qui devient son prolongement. Sa rencontre avec le grand maître italien va achever son apprentissage : elle devient bien vite sa copiste préférée, Léonor de Recondo suggérant qu'elle aurait elle-même tenu le stylo et suggérer quelques passages de composition à celui qu'elle admire plus que tout …

Plein de sensibilité et de sensualité, « le Grand Feu » est un très bel hommage à cette sensation de transport dans laquelle la musique peut nous embarquer parfois.

De Léonor de Recondo j'avais chroniqué « Revenir à toi », une histoire attachante de relation entre mère et fille, mais j'avais aimé aussi « Amours », belle relation d'amour charnelle entre femmes, et « Pietra Viva » ou Michel Ange livrait sa passion pour la sculpture, après la mort de son ami moine, mais aussi se livrait dans une rencontre avec un enfant orphelin de six ans.

Ici c'est la musique qui vibre au travers de ses pages et nous transmet un message qui nous rappelle combien l'art est essentiel dans les périodes troubles comme la nôtre aujourd'hui.
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Un voyage musical et sentimental dans le baroque de la Cité des Doges.

Comme à son accoutumé, Léonor de Récondo transporte le lecteur dans un autre monde. C'est au travers d'un patricien - Vivaldi - qu'elle nous promène dans Venise, foisonnante ville du XVIIIe siècle. Mais cette fois elle y met aussi le son. Cette musique qui l'attire tant dans sa vie à elle, est certainement l'explication. Son et image font un tout.

Ok, je suis une inconditionnelle de Vivaldi ; j'y reviens régulièrement entre mes frasques musicales diverses et variées. Mais cette passion pour Vivaldi, le violon, le baroque et l'architecture de Venise est profondément ancrée en moi et j'aime à y revenir malgré toutes mes échappées vers tout ce qui me parle dans le contemporain. Je dois dire que je n'ai pas été déçue par la mise en scène de tous ces sujets dans ce roman.

Une grassouillette dose de romantisme ( disons un peu trop pour moi ) traverse ce petit livre de 220 pages, mais cela fait partie du jeu, partie de ce que recherchait vraisemblablement l'autrice.
Lorsqu'elle en parle en interview, on sent cette passion pour le lyrique, pour le beau et pour le bonheur que procurent les arts.
L'amour absolu, l'amitié et une multiple de sentiments dessinent la vie des personnages.

Ilaria Tagianotte est placée, très vite après sa naissance en 1699, à l'ospedale della Pietà une ancienne institution vénitienne, couvent dédié aux orphelins. Les enfants y sont protégés de la prostitution et de l'infanticide. Un enseignement de musique, particulièrement intense et bénéfique, en fait des musiciens aux qualités reconnues. L'attrait pour les concerts qui y sont donnés en témoigne.
La chance qu'aura Ilaria, c'est d'avoir pu devenir non seulement une bonne violoniste mais aussi la copiste d'Antonio Vivaldi. Quelques unes des oeuvres de Vivaldi sont avantageusement abordées et c'est là qu'on mesure à quel point Léonor de Récondo est virtuose en sa demeure. Pour moi, le maestro pourrait être encore plus présent mais, s'il l'était, se pourrait être au détriment des émotions des personnages.

Dans cet institut républicain et très strict, elle connaitra aussi l'amitié avec la petite Prudenza, ainsi que l'amour absolu auprès de Paolo, le frère particulièrement rêveur de cette dernière. Douceur et fougue sont mêlées pour contrebalancer l'enfermement que vivent les enfants.
Le feu est à tous les étages : que ce soit dans le corps d'Ilaria lorsqu'elle joue du violon, ou dans les corps amoureux. Léonor de Récondo est une virtuose en sa demeure, celui du romanesque.
Entre l'eau de Venise et le feu dans les coeurs, tout s'équilibre.

Encore un roman poétique et sur l'art pour cet automne littéraire. Comme beaucoup d'entre nous, nos écrivains aussi ont cherché à s'accrocher à des rêves, à du beau. Ça doit être l'époque qui fait cela.
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Que ce livre fut apaisant après la lecture de “Gataca” de Thilliez ! ici rien à résoudre, juste ressentir une écriture allégro ma non troppo.

Léonor de Récondo est également violoniste baroque et nous offre un roman musical.
Le grand feu, nous dit l'artiste, c'est celui qui m'anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j'écris.”

Le style s'accorde parfaitement avec la musique au coeur de ce roman.

Le grand feu”, c'est l'incandescence de la musique de Vivaldi qu'Ilaria interprète au violon.
C'est aussi l'amour qui enflamme cette jeune fille de 15 ans, qui déclare son amour dans le son.

Vous vous retrouverez sur les canaux vénitiens au dix-huitième siècle, enchantés par la féerie des palais aux façades taillées en diamant.

L'autrice allie amour et musique en une exaltation du corps qu'Ilaria ne trouve nulle part ailleurs que dans le contact de l'archet sur la corde.
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Un roman d'amour dans la cité de Venise au début du XVIII ème siècle .

D'abord, amour de la musique .
Cela commence par la naissance d'Ilaria dans la boutique de tailleur de ses parents et par la décision de sa mère Francesca de vouer l'enfant à la musique en la confiant à Bianca, sa cousine qui travaille à la Pietà .

La Pietà est une institution vénitienne qui offre aux orphelines recueillies dans ce lieu et à quelques autres enfants une éducation musicale poussée, les jeunes filles donnant ensuite des concerts qui sont très prisés par les vénitiens .

Lorsque, jeune enfant, Ilaria commence le violon, c'est le Maitre Antonio Vivaldi qui préside à l'organisation de l'enseignement tout en composant ses oeuvres dont il confie plus tard la copie à Ilaria.

La Pietà, établissement public, a un fonctionnement monacal et les jeunes filles ne sortent que rarement, ainsi Ilaria ne voit sa famille qu'une fois par an et ne connait rien de la vie de la cité.
Le grand feu est aussi un roman d'amour , celui de Paolo pour Ilaria.

Les descriptions autour de la musique, de sa création à sa transmission et à l'apprentissage d'un instrument sont magnifiques, Leonor de Recondo qui est également violoniste sait parfaitement en parler, c'est là que le feu est le plus grand et le plus beau et c'est par ses mots que l'émotion nait .

" La voix, le virginal, la beauté. Elle trésaille, cette partition inconnue la remplit. elle va prendre feu. Son violon va brûler l, es tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive, elle avec le ruban, l'habit blanc, ses tresses, une couronne incandescente. "
Ce roman rend hommage aussi à la Sérénissime, cité unique où le bruit silencieux de l'eau joue avec la lumière toujours changeante.

J'ai trouvé l'histoire d'amour entre Paolo et Ilaria plus secondaire, classique , et la flamme qui dévore le jeune homme est moins crédible dans sa manière de s'exprimer que celle des musiciens même si cette passion va troubler la jeune fille .

Mon sentiment , à la lecture de ce roman a été ambigu , bercé par la musique des mots de Léonor de Récondo mais sans véritable émotion .
C'est beau mais je suis restée un peu à la porte, sans vraiment ressentir la chaleur de ce grand feu.

#Legrandfeu #NetGalleyFrance
Je remercie les Éditions Grasset et NetGalley
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1699, Venise. Lors d'un concert à la Pietà, institution musicale pour orphelines de la Sérénissime, Francesca Tagianotte, émue par la musique produite par ces jeunes filles cloîtrées, qui ne vivent que par et pour la musique, décide sur une impulsion que ce sera là le destin de son enfant à naître. Ilaria n'est pas une orpheline comme la plupart des autres pensionnaires de la Pièta, mais ce sera tout comme. Son sacerdoce sera l'apprentissage du violon, auprès d'Antonio Vivaldi, et toute sa passion et son énergie seront tournées vers cet instrument.

« Ilaria se prend à rêver que ces deux heures pourraient être sa vie tout entière. La musique et la famille. L'ardeur qu'elle met soudain à jouer du violon parcourt son corps, fourmille dans ses mains. Son esprit, tendu par l'écoute, va exploser.
La voix, le virginal, la beauté. Elle tressaille, cette partition inconnue la remplit. Elle va prendre feu. Son violon va brûler, les tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive, elle avec le ruban, l'habit blanc, ses tresses, une couronne incandescente. »

Car, on le comprend avec ces lignes, Iliaria est une petite fille passionnée, dont les émotions et la passion ont besoin de trouver un exutoire, elle qui se sent abandonnée par ses parents - et pour cause -, et avec qui elle se sent comme une étrangère, le seul jour où elle peut rentrer chez elle, à Noël .
Jusqu'au jour où ce feu, qui menace de la consumer parfois, trouvera un autre objet… le feu, par où tout commence et souvent, tout finit, emportera tout.

Léonor de Recondo nous convie ainsi à un voyage, en premier lieu dans la Venise de la fin du xviie siècle, mais surtout intérieur, dans la tête de personnages exaltés qui vivent leurs sentiments et leurs émotions avec leur intellect et n'en parlent que rarement : la mère d'Ilaria aimerait dire son amour à sa fille qui la fuit, Ilaria et Paolo, qui s'aiment, sont « persuadé[s] que parler de cet amour viendrait l'atténuer, que c'est dans le secret de cette intimité que vit leur lien, qu'il va croître, sans aucun doute, croître encore ».

C'est dans ces entraves que les personnages vivent paradoxalement leur liberté. Pourtant, j'ai cru pendant une grande partie de ma lecture que celle-ci mettait au contraire en scène un certain emprisonnement des esprits : Ilaria vit dans l'institution de la Pietà, d'où elle ne peut sortir comme elle le souhaite et n'étudie que la musique, Prudenza, son amie, vit a moitié dans ces murs, à moitié dans celle de sa famille patricienne d'où elle ne pourra sortir que par le mariage, nouvelle prison dont on ne s'échappe que grâce au veuvage…
Mais c'est en fait un roman qui parle de liberté, celle qui s'obtient par la sortie de son corps, pour laisser son âme prendre son envol, dans la musique, dans l'amour. Et dans ces conditions, qu'importent les murs physiques ?

Un très beau roman, d'une facture un poil classique, mais servi par une langue riche et magnifique. Léonor de Recondo sait retranscrire et magnifier les émotions, les pensées de ses personnages, et m'a transportée pendant ma lecture hors du temps, dans cette Venise mythique.

Il m'a rappelé le roman « Stabat Mater », de Tiziano Scarpa, qui porte lui aussi sur la Pietà et l'influence d'Antonio Vivaldi.
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Avec grâce et en musique, Leonor de Recondo nous transporte à la Sérénissime au début du XVIIIème siècle.

« C'est au petit matin du 31 mai 1699 qu'Ilaria naît » (incipit).

Elle est le sixième bébé du ménage, Francesca et Giacomo Tagianotte, prospères marchands de tissus. Ils ont déjà perdu trois bébés, il ne leur reste plus que deux filles.

Pour une raison nébuleuse, Francesca abandonne son bébé à La Pietà (hospice, orphelinat et conservatoire de musique de haut niveau). le maître de violon n'est autre qu'Antonio Vivaldi.

Ilaria n'a pas vraiment sa place à La Pietà car elle n'est ni orpheline, ni fille de patriciens. Ce statut ambigu va de pair avec une personnalité et des aptitudes musicales bonnes, mais sans relief. Elle a besoin d'amour, d'être réconfortée. Elle excelle comme copiste de Vivaldi.

Sa vie c'est sa passion dévorante pour Paolo, fils d'une puissante famille vénitienne.

Le grand feu fait feu de tout bois, feu de l'amour, flamme de la passion musicale, buisson ardent…

Leonor de Recondo construit une romance musicale historique très bien documentée où transcende sa passion pour la musique – elle est elle-même violoniste émérite, elle joue du violon depuis l'âge de cinq ans.

Le XVIIIème siècle scelle le déclin de Venise et l'emprise de l'empire ottoman.

Le Grand Feu fait écho avec « Éblouissante Venise », une exposition, sur Venise au XVIIIème siècle qui s'est tenue au Grand Palais de septembre 2018 au 21 janvier 2019, que j'ai adoré ! Je retranscris quelques extraits du dossier pédagogique (je sais que c'est très malhonnête, mais au moins je ne m'en cache pas !).

1703 : Peu de temps après être ordonné prêtre, Antonio Vivaldi (1678-1741), violoniste virtuose et compositeur, devient Maître de violon à l'hospice et conservatoire de musique, le Pio Ospedale della Pietà. 10 ans plus tard, il prend avec son père la direction du théâtre Sant'Angelo et sera Maître de chapelle à la cour du prince Philippe de Hesse-Darmstadt, gouverneur de Mantoue (1719).

1718 : La paix de Passarowitz entérine la perte par Venise de ses territoires en Méditerranée : les Ottomans reprennent le royaume de Morée (Péloponnèse) et les dernières possessions de la Cité des doges en Crète.

1725 : Édition à Amsterdam des Quatre Saisons de Vivaldi, composées quelques années auparavant.

La lecture me permet de m'adonner à l'histoire, ou tout au moins de l'intérioriser, car des leçons d'histoire de mes études secondaires, il ne m'en est rien resté !

Je ne savais rien de la vie de Vivaldi. Je complète mes connaissances avec Google, mon Dieu comment faisait-on avant Google ! Je recopie quelques informations que j'ai glanées.

Vivaldi était très connu de son vivant puis passé aux oubliettes, redécouvert avec Bach (1685-1750) (son contemporain) au début du XIXème siècle. Il connait son heure de gloire à partir de la 1ère moitié du XXème siècle.

Son poste de maître violoniste, à La Pietà, n'était pas à la hauteur de sa notoriété mais présentait l'avantage de lui permettre de disposer d'une main d'oeuvre compétente à faible coût.

On connait peu de choses de sa biographie, mais si qu'il était asthmatique et très nerveux.

« Vivaldi ne faisait rien pour passer inaperçu. Arguant de son handicap physique qui ne l'empêchait ni de mener une vie trépidante d'activité, ni d'entreprendre de longs et pénibles voyages, il ne se déplaçait « qu'en gondole ou en carrosse », accompagné dès cette époque d'une étonnante cohorte féminine. Ces dames, disait-il, connaissaient bien ses infirmités et lui étaient d'un grand secours. Leur présence à ses côtés alimentait aussi les rumeurs… »

« On rapporte sur Vivaldi cette anecdote singulière : disant un jour sa messe quotidienne, il lui vint une idée musicale dont il fut charmé ; dans l'émotion qu'elle lui donnait, il quitta sur-le-champ l'autel et se rendit à la sacristie pour écrire son thème puis il revint achever sa messe. Déféré à l'inquisition, il fut heureusement considéré comme un homme dont la tête n'était pas saine, et l'arrêt prononcé contre lui se borna à lui interdire la célébration de la messe. » (En 1706).

Le grand feu allie habilement histoire et fiction. C'est un roman qui se tient à lui tout seul. le contexte historique est bien intériorisé, il est accessoire mais non indispensable pour apprécier le récit. Je suis reconnaissante à Leonor de Recondo de ne pas abreuver son texte de références (comme par exemple dans "Veiller sur elle"). C'est reposant de pouvoir lire sans avoir constamment besoin de consulter Google !

Le style est de bonne facture XIXème. Leonor de Reconor nous transmet bien sa vibrante passion musicale et nous tient un discours enflammé.

« Ilaria se prend à rêver que ces deux heures pourraient être sa vie tout entière. Elle va prendre feu. Son violon va brûler, les tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive, elle avec le ruban, l'habit blanc, ses tresses, une couronne incandescente. » p.66

« Avant de fermer les yeux pour l'écouter, Ilaria regarde ses cheveux couleur braise. Elle se demande si Venise est une ville d'eau parce que justement tout s'y enflamme. L'instant d'après, elle se laisse porter par la phrase suspendue du violon. » p.77

« Elle retourne le violon, regarde la table d'harmonie, approche son visage des cordes et souffle doucement à l'intérieur des ouïes. Son souffle résonne. Elle entend l'air qui s'infiltre comme dans un gros coquillage, comme le bruit du vent s'engouffre dans un escalier et vibre à l'appel de fenêtres ouvertes. Sa respiration parcourt les fibres. La respiration et les notes ne sont que du vent. » p.87

Le lyrisme déborde et les mots peinent à se cristalliser.

« Horde en suspens. Son coeur aux abois.
La nuit entière, les chiens, sur leurs appuis instables, attendront l'aube pour que l'amour du jeune homme se soumette à l'imparfaite loi des mots. Contours malhabiles d'un sentiment qui se transforme sans cesse, qui épouse les failles et les hostilités de son corps. » p. 150

Par-ci par-là, quelques réflexions philosophiques.

« La beauté, certains soirs, désarme la mélancolie. » p.52

L'arrière-grand-père de Paolo raconte son expérience du 21 août 1609 où il a pu, du haut du campanile de San Marco, regarder à travers une lunette astronomique.
« Je regardais à travers la lunette et en tendant le bras, je pouvais toucher Murano. »
[…]
"Si Dieu avait décidé de rendre l'homme à moitié aveugle, quelle vérité tentait-il de cacher ?"

Le thème du tissu est récurrent, en référence aux bouts de tissu bleu que Francesca coud dans les ourlets en guise de talisman, ou au ruban rouge égaré par Ilaria dont Paolo se ceint l'abdomen.

Merci Leonor de Recondo pour cette lecture mélomane et instructive, même si je regrette quelques excès de grandiloquence et de mélodrame.
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Rentrée littéraire 2023.

'ai retrouvé dans ce nouvel opus toute l'élégance et la poésie qui caractérisent l'écriture de Léonor de Récondo.

J'ai adoré partir à Venise au XVIIIe siècle sur les traces Ilaria. Dés son plus jeune âge, la fillette est placée à la Pieta, institution religieuse où les jeunes filles peuvent apprendre le chant ou la musique.
Ilaria grandit et découvre le violon avec des élèves de Vivaldi, instrument dans lequel elle excelle au point de devenir la copiste du grand compositeur.
Ilaria est de plus en plus attirée par les bruits et les rumeurs qui lui parviennent de l'extérieur et va s'employer à profiter de la moindre occasion pour s'échapper des murs et explorer la ville jusqu'à sa rencontre avec Paolo.

J'ai craint à ce moment là de basculer dans un roman à l'eau de rose, mais grâce à la virtuosité de l'auteure, la magie continue et m'a emportée jusqu'à la dernière page.

L'amour, la musique, Venise, un récit où se mêle charnel et spirituel en font un magnifique moment de lecture.

Je remercie les Editions Grasset et NetGalley pour leur confiance.
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Le grand feuLéonor de Récondo, Grasset 2023****
lecture en novembre 2023
Venise fin du 17e siècle, Ilaria voit le jour, illumine de sa petite présence un jour pas comme les autres. Avant de la tenir dans les bras, ses parents la confient à la Pietà, institution qui recueille les enfants abandonnés. Ilaria sera musicienne, c'est le voeu et la volonté de sa mère.
A la Pietà Ilaria découvre le violon et Antonio, Antonio Vivaldi le maître. le feu est encore jeune et la voix de Léonor de Récondo, chaleureuse, me prépare, me guide vers l'antre où quelques flammes se prêtent à prendre vie. Cette voix touche mes sens, les fait vibrer à l'unisson avec le sang, quelque chose que je ne devine pas encore et que de plus en plus j'ai envie de découvrir, pour réchauffer, peut-être, ce qui s'est refroidi, pour entretenir le feu, risquer la brûlure.
L'écriture de Léonor de Récondo crée, en dehors de l'espace et du temps, l'espace d'une vie et le temps d'un souffle de passion, le feu qui nourrit, le même feu qui consume.
Les mots épousent un geste, une respiration, le pouls qui soudain s'emballe, un rêve fou, un rêve tendre, les mots s'enlacent en transparences multiples, la profondeur prend naissance, le vertige aussi.
Son travail d'écriture repose essentiellement sur les sensations, un monde intérieur qui ne connaît pas de lois, qui ne connaît que ses lois sans les connaître vraiment, il s'y soumet, s'y laisse engloutir, dévorer, chaque jour encore plus fort encore plus définitivement. « Elle ne savait pas que son corps était capable d'émettre une telle sonorité. Avant, son imaginaire la guidait, maintenant, c'est le violon. Elle se souvient alors des mots D Antonio : un monde qui s'ouvre. »p.89
L'écriture est musique, des largos, des rythmes lents, des vibratos, silences à écouter avec un legato vers une émotion éveillée, « elle entend chaque note de la composition D Antonio. Une voix après l'autre, ça s'échafaude… Ilaria entre alors dans l'esprit du compositeur. Elle voit les sentiers qu'il emprunte, les bifurcations, les traverses, les évitements, les évidences qui tissent sa musique. Elle pénètre le labyrinthe de la fabrication. Et ce faisant, elle apprend. Les accords se succèdent, la ligne du violon se dessine, elle la sent sous ses doigts. le mystère se révèle. »p.92, et la musique devient écriture, et les notes deviennent tuteurs pour l'émotion, elles expriment, touchent, transforment, remplissent, abîment.
Est-ce le parcours d'Ilaria qui appelle une langue poétiquement symbolique ou c'est la plume de Léonor de Récondo d'une profonde et vibrante sensibilité qui fait naître une vie s'acheminant vers le grand feu ? Je n'ai pas la réponse et je crois qu'elle n'est pas importante, les deux sens se croisent et vivent ensemble dans un accord majeur. Son style touche mon regard intérieur, le marque et lui prête cette lunette magique à travers laquelle la réalité se présente soudain différente, tout semble à portée de main, grâce à la poésie et à la littérature, et moi de me poser la question « la réalité est-elle un mirage ? »p.103, notre vie est-elle un labyrinthe où on se sent souvent perdu  corps et âme ? le sang de notre corps, la flamme de notre âme ont le même besoin d'air, le même besoin d'une certaine beauté unique pour chacun, et dont l'intensité fait vivre ou mourir. « Au fil des années, elle [la Prieure] a appris à déceler le moindre détail changeant, la lumière, le rouge-gorge qui se pose sur le rebord de la fenêtre, la fleur qui éclot...et la musique ! Comment s'habituer à cette beauté, chaque jour renouvelée dans l'église… là réside l'abandon de la chair, le mien, pense-t-elle en souriant. »p.109
Tout le texte du livre est construit en grands paragraphes et chapitres sans nom, sans numérotation, fluidité se reposant sur ces espaces vides, pleins de silence. Les dialogues, les réflexions, les pensées exprimées ainsi que les plus intimes, muettes comme des notes cachées, s'intègrent et se nichent dans le texte, ne changent pas l'équilibre, ne modifient pas le rythme, augmentent l'harmonie.
Ilaria grandit à l'intérieur des murs de la Piéta, dans la musique et un tumulte intérieur, mais le monde est ailleurs, « elle est prise par un désir profond d'avenir, loin de cette terre. Au gré d'une migration mystérieuse, qui la mènerait Dieu sait où ».p.117
Ilaria Tagianotte, nom prédestiné, « celle qui coupe la nuit », celle dont l'âme s'abreuve dans la flamme, dont le corps est musique, le tout est passion.
« Cette nuque soudain l'émeut [Antonio] : il y perçoit toute la fragilité de la jeune fille, sa délicatesse, et en même temps cette concentration appliquée qui la rend et la renforce. Il voit dans la vertèbre saillante à la base de la nuque toute l'allégorie de la musique. La peau fine, la résistance de l'os et dedans une pulsation protégée par ces épaisseurs, trésor caché sous les carapaces. »p.130
Le corps s'exprime, il ne connaît pas les fausses notes, mais il connaît les notes abîmées, disloquées, hésitantes, fiévreuses, mourantes, il connaît les notes de l'amour et celles de la passion. « L'opéra c'est difficile. C'est au long cours, il faut garder le souffle jusqu'au bout… Toute la sensibilité du monde est dans la voix. »p.132. le corps, matière vivante et ses exigences, sans son appel, est-on encore en vie ? Par quel miracle notre corps fonctionne ?
Les jeunes filles enfermées à l'intérieur des murs de la Pietà trouvent leur liberté dans la musique qui transperce et transforme leur âme, éveille leur corps, va dans les profondeurs. Ilaria rencontre l'amour, il arrive comme la foudre, le souffle s'arrête, le corps s'épanouit, l'âme est transportée, la passion brûle et consume, amour pour la musique, amour pour Paolo, « pour la première fois, ils se respirent, chevelures mêlées au coeur du labyrinthe… en matière de flammes, elle s'y connaît. Parfois elle brûle, quand elle joue du violon. Ça part de son coeur, jamais de son esprit… elle a l'impression que tout s'enflamme… alors elle s'enfuit où elle peut, elle plongerait volontiers dans la lagune. »p.168
Livre flamme, livre feu, pages de musique et de passion, choix sublime des silences pour mieux écouter les battements du pouls et l'écoulement du sang fouetté par le coeur.
La lecture de chaque page du roman s'imprègne d'intensité et de chaleur, un crescendo vers le fortissimo et l'impetuoso final, et au loin la lagune mauve, un feu qui ne s'éteint pas et « l'indifférence du monde qui protège la grâce et la délicatesse de leur amour »… faille du temps embrassant deux amoureux et un violon.
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