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La première guerre mondiale s'est abattue sur toute l'Europe. Les troupes allemandes affrontent l'alliance franco-anglaise dans un conflit qui s'enlise dans le décor apocalyptique des tranchées, enfumées par les gaz et sous un déluge de bombes. La notion d'humanité a été oubliée pour laisser la part belle à la bestialité qui sommeille en chacun. Elle se nourrit de l'absurdité et de la cruauté de la situation. le caporal Himmelstoss est une illustration parfaite de cette bêtise. Il est l'incarnation de ces petites gens (facteur dans le civil) qui compensent la frustration de leur vie étriquée, ratée, par l'abus de leur pouvoir dès qu'on leur en donne l'occasion. Un même caporal mettra à son tour l'Europe à feu et à sang des années plus tard et entreprendra l'inconcevable avec la Shoa, il s'appelait Hitler. Mais Erich Maria Remarque ne le savait pas encore lorsqu'il a écrit « à l'ouest rien de nouveau ». Remarquable prémonition ?
Ce témoignage d'Erich Maria Remarque oblige à réfléchir au-delà du simple rapport historique, aux possibilités ignobles que l'humanité est prête à accomplir au nom de l'orgueil d'une poignée de dirigeants pour le plus grand malheur de leurs populations.
La valeur propre de chaque individu est ignorée, piétinée, bafouée simplement pour satisfaire les ambitions de quelques « va-t'en-guerre » idiots, généraux d'opérette aux égos démesurés, mégalomanes drogués à la haine.
Cette horreur que les mots ne seront jamais assez forts pour décrire, inspire largement le témoignage d'Erich Maria Remarque. Ce n'est pas la simple histoire de ces hommes que l'on a sacrifié sur l'hôtel des vanités que nous conte l'auteur, c'est un pamphlet sur la nature de l'homme, guerrière, destructrice, aveugle.
Bien que cet ouvrage connût un succès mondial, il n'a été tiré de ce témoignage aucun enseignement, puisqu'il a même été brulé lors des autodafés de 1933 et Erich Maria Remarque, accusé d'être juif, a été déchu de sa nationalité allemande par les nazis.
C'est un texte essentiel à lire et relire pour ne pas oublier que l'homme est faillible et que tout peut recommencer l'instant d'un égarement, car il y aura toujours des gens pour veiller à manipuler les esprits afin de créer le chaos, quel que soit leur bord, leur couleur politique ou leur statut social.
Le germe de la guerre est en gestation en chaque homme, chaque femme et il n'existe aucun moyen pour l'anéantir.
Il n'y a rien à espérer de l'espèce humaine.
Traduction de Alzir Hella et Olivier Bournac.
Editions Stock, le livre de poche, 220 pages.
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Tout a été dit sur le roman de Remarque. Et de toute façon, il est si difficile d'exprimer son ressenti face à un tel récit. Quand on a été secouée, bouleversée comme je l'ai été en lisant "A l'ouest rien de nouveau", on peine à trouver les mots.

Peine, colère, angoisse... une multitude de sentiments et d'émotions se sont succédé en moi au cours de ma lecture.
Des récits anti-militaristes, il y en a eu pléthore. Mais peu ont la puissance du roman de Remarque. Avec ce récit de la vie de jeunes soldats allemands sur le front lors de la grande guerre, Remarque parvient à atteindre une totale universalité dans son propos. C'est de tous ceux qui ont connu la guerre que parle l'auteur.
A l'évocation du quotidien des soldats (même les aspects les plus triviaux) succèdent des réflexions sur la vacuité et l'absurdité de la guerre.
On perçoit déjà aussi les difficultés qu'auront les rares rescapés à se réintégrer dans la société civile. Survivants mais brisés.
Au milieu de l'horreur, la seule petite lueur à laquelle on peut se raccrocher, c'est la solidarité, la fraternité qui unit ces jeunes hommes, ces gamins à peine sortis de l'enfance, qui parviennent parfois à trouver la force de rire , de rire de tout, même du pire, juste pour ne pas crever.

"A l'ouest rien de nouveau" est un grand roman humaniste, un chef d'oeuvre absolu.

Challenge Multi-défis 2017 - 41 (52 - un livre dont l'action se déroule durant la 1ère Guerre Mondiale)
Challenge 14-68 entre 2 points de bascule 2017
Challenge ABC 2017-2018 - 1/26
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Nourris de sentiments patriotiques et emmenés presque de force au bureau de recrutement par un professeur enthousiaste à la fin de leurs études, un groupe de jeunes garçons allemands de 18-19 ans se retrouve au front, pendant la première guerre mondiale. La réalité de la guerre se révèle alors bien éloignée des discours exaltés des civils restés au pays.

Le roman s'ouvre sur l'enthousiasme des soldats à l'idée de recevoir double ration de nourriture, même si cette double ration est due à la mort de la moitié de l'unité. S'enchaînent les scènes de la vie quotidienne du soldat : rester terré dans les tranchées alors que les bombes tombent autour d'eux, se dépêcher de mettre les masques à l'approche des gaz toxiques, effectuer des manoeuvres qui paraissent sûrement brillantes sur une carte d'état-major mais suicidaires et sans intérêt sur le terrain, … Tous se rendent compte que leur vie est irrémédiablement brisée, quel que soit le vainqueur au final. La rupture avec les civils est totale, le retour à la vie normale impossible. Comment devenir autre chose que soldat après toutes les horreurs vécues ?

Témoignage court mais poignant contre les atrocités de la guerre. Espérons qu'au prochain appel au massacre, les gens seront plus sensibles aux vécus des soldats qui l'ont déjà faite, plutôt qu'aux cris de ceux qui pousseront à la faire.
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Erich Maria Remarque a fait ses humanités, et les horreurs exprimées dans ce style légèrement suranné en sont pires. C'est aussi une certaine idée de la culture qui meurt en 14-18, qui croyait qu'on ne pouvait se conduire en bête quand on avait appris le latin.
Les bleus tombent en rangs serrés, n'ayant eu le temps que d'apprendre à mourir. Les vieux, qui ont au moins 19 ans, consentent à fermer les yeux faute d'imaginer une paix où revivrait le monde d'avant. C'est le massacre des innocents et les soldats d'Hérode ne sont pas différents de leurs victimes. Il y a si peu de haine dans ce récit, et tant de résignation. Et tant de morts.
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Imagine all the people
Livin' life in peace.
(John Lennon)

Qu'est-ce qui fait que ce petit roman publié en 1928 sous la forme d'un témoignage écrit à la première personne par un jeune soldat allemand de la guerre de 1914-1918, soit devenu un succès mondial, aussi bien de critique que de public, et qu'il n'ait pas pris une seule ride un siècle après sa publication?

Avec ce livre, nous sommes encore une fois devant la preuve, s'il en fallait, qu'en matière de littérature :
On peut faire sublime et durable en faisant simple. On peut toucher un lectorat très large et atteindre l'universel, tout en partant de son expérience propre, sans se mettre personnellement à nu, sans effets grandiloquents, sans manichéisme de bon aloi, sans pathos superfétatoire. Avec cette pudeur de ceux qui entrevoient que l'essentiel pour chacun de nous ne s'explique jamais complètement, et que l'expérience subjective individuelle, y compris celle de l'horreur, risque de toucher un plus grand nombre, plus loin et plus large, lorsqu'elle serait plutôt suggérée que mise trop en avant ou répertoriée de manière trop appuyée.

Tel le regard frais et exempt de ce très jeune homme qui découvre en même temps que le lecteur la monstruosité de la nouvelle machine de destruction massive que le siècle XX est en train d'accoucher. Récit de guerre à la première personne, déclinant d'un point de vue intérieur cette logique implacable du front propre à transformer n'importe quel jeune homme plein de confiance dans le monde adulte et dans l'avenir, en «homme-bête», «dur, méfiant, impitoyable, vindicatif, brute». Regard sans défiance d'un jeune de 18 ans «traqué par la mort», empreint de toute la spontanéité et l'innocence propres à cet âge. Regard qui prend de la hauteur aussi, grâce à qualité littéraire de la belle langue qui le traduit avec naturel et profondeur, sans emphase distrayante cependant, sans recherche particulière sur le plan formel non plus, «caméra à l'épaule», comme l'a signalé à très juste titre un critique de l'oeuvre, ce qui confère à ce récit à la fois une grande puissance d'évocation émotionnelle et une vraisemblance quasi documentaire (Erich Marie Remarque étant par ailleurs l'un des premiers auteurs à se servir pleinement en littérature de cette technique «caméra à l'épaule» qui ferait par la suite date parmi les écrivains du XXe siècle).

Roman réaliste, enlevé, dépourvu néanmoins donc de tout sentimentalisme superflu, A L'OUEST RIEN DE NOUVEAU connut un succès mondial dès sa publication. Il reste l'un des ouvrages les plus directement accessibles et expressifs de toute la littérature de guerre du XXe siècle. Témoignant du charnier à ciel ouvert dans lequel s'était peu à peu transformée la Grande guerre, il porte en même temps un éloquent et très saisissant message universel et pacifiste. Brûlé lors du célèbre l'autodafé du 10 mai 1933 à Berlin, son auteur, ouvertement opposé dès 1932 au régime nazi, devrait quitter définitivement son pays cette même année-là.

J'avoue que je ne m'attendais vraiment pas à être aussi conquis, touché par un roman qui, comme tant d'autres, fait à un tel point partie intégrante du paysage littéraire ordinaire que l'on finit par ne se donner même plus la peine (et surtout le plaisir, dirais-je) de les lire !

Même si à mes yeux il n'y aurait pas de lecture «nécessaire», encore moins «obligatoire», mais comme c'est tout de même le cas dans certaines situations, j'avoue m'être demandé au cours de celle-ci, pourquoi donc, à la place de classiques souvent indigestes à de jeunes lecteurs qui n'ont pas encore acquis la maturité nécessaire -langagière entre autres-, pour les apprécier, ne propose-t-on pas, dans les programmes «obligatoires» de lecture au collègue un ouvrage tel celui-ci? (En sachant que peut-être il doit être proposé quelquefois par certains enseignants – (?).
Et même si malheureusement il n'y a rien de nouveau, ni à l'ouest, ni à l'est, et la littérature de son côté, il ne faut pas rêver, n'a pas le pouvoir de changer le monde, il s'agit tout simplement d'une belle lecture qu'on ne peut que recommander vivement à tous, ne serait-ce qu'au nom de ses qualités intrinsèques en tant qu'oeuvre littéraire.
Pour preuve de ce que je viens d'avancer, le fait qu' à l'instant où je rédige ce billet (qui n'aura, je pense, rien d'original non plus par rapport aux 250 critiques du livre déjà publiées sur le site !), outre une guerre aux portes de notre «ouest» à nous, déjà si éprouvé au cours du dernier siècle, et susceptible d'entraîner le continent et le reste du monde dans un éventuel troisième conflit mondial, au moins six autres conflits armés sanglants sont en ce moment même en cours à travers le monde!

Et que, de toute façon, depuis le XXVIe siècle avant J.-C., en Mésopotamie, l'humanité n'a quasiment jamais connu de périodes sans guerres.

Et que nous continuons malgré tout à subir, au XXIe après J.-C., cette maudite et soi-disant nécessaire politique de la «paix armée» prônant toujours comme meilleure solution pour éviter la guerre, la maxime «civis pacem para bellum», formule latine n'ayant à ce jour pris, elle non plus, hélas, la moindre ride...
Et que malgré tous les massacres inutiles, malgré des générations et des générations de jeunes successivement fauchées, malgré les océans de larmes versées depuis des siècles par nos mères éplorées, malgré la Shoah, malgré tous les mouvements pacifistes, ceux de la contreculture des années 60, les hippies et tutti quanti, malgré le tube planétaire de John Lennon, malgré tous les hymnes et toutes les conférences consacrées à la paix, rien ne permet, à ce jour, d'espérer voir cette locution latine définitivement remplacée par cette autre, à la base ô combien moins antinomique pourtant, aussi infiniment plus raisonnable sur tous les plans imaginables : «Civis pacem para pacem» : «Si tu veux la paix, prépare la paix».


...
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« Pourquoi donc y a-t-il la guerre ? »

Il est des livres qu'on a attendus, longtemps. Et puis le moment venu, on les ouvre avec précaution parce qu'on sait qu'ils ne vous laisseront pas comme avant. A l'ouest rien de nouveau en fait partie. Un nuage de cette jeunesse s'est envolé avec ces gaz mortifères cet « été de mil neuf cent dix-huit... »
C'est émouvant, réaliste et tellement juste. Un magnifique roman pacifiste.
Cette jeunesse entre deux vies, entre deux âges, perdue… « Nous sommes délaissés comme des enfants et expérimentés comme de vieille gens »
Est-ce que la parution en 1929 a aidé à la prise de conscience ? « Nous voyons les choses toujours trop tard. » Quelle tristesse.
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Tout au long de ma lecture, il ne m'a pas quittée ou je ne l'ai pas quitté! Sa présence était palpable!

Je l'ai vu avec sa capote gris-bleu se déposséder de sa personnalité sous l'effet de la peur de la mort,
Je l'ai vu debout dans le camion qui l'emmenait vers le front, avec les autres poilus, serrés comme des sardines, ballotés par les secousses,,
Je l'ai vu se jeter d'un bond dans un entonnoir, s'aplatir face contre terre, mordre la poussière, en priant Dieu d'être épargné, (il était croyant),
Je l'ai vu entouré par les flammes, fuyant, tombant, se relevant,
Je l'ai vu se transformer, devenir un animal prêt à tout pour survivre dans cet enfer, saisissant une grenade et la lancer dans les jambes des assaillants,
Je l'ai vu devenir cruel,
Je l'ai vu anéanti, respirant l'odeur du sang, rechercher des blessés et les entendre mourir, impuissant,
Je l'ai vu marcher dans un paysage dévasté, un sol ravagé par les mines, des corps déchiquetés tout autour de lui,
Je l'ai vu saisir son masque à gaz, pas suffisamment à temps puisqu'il n'avait plus de cils et de sourcils,
Je l'ai vu dans les tranchées, peut-être en train de tailler les deux obus qui trônaient sur la cheminée de sa fille,
Je l'ai vu épuisé, étendu dans les abris, avoir faim, plein de boue, plein de poux, chassant les rats,
Je l'ai vu se boucher les oreilles pour ne pas entendre les cris de détresse des chevaux blessés,
Je l'ai vu blessé, brûlé, gémissant, sur un brancard parmi ses autres camarades agonisants, vivants leurs derniers instants,
Je l'ai vu en permission retrouver sa Juliette qui pendant son absence, comme toutes les ouvrières de la région, faisait tourner l'usine du chocolat Menier, à un poste des plus durs,
Je l'ai vu repartir "la mort dans l'âme", sans très bien comprendre le sens de cette boucherie,
Je l'ai vu et les larmes me sont montées aux yeux, l'émotion m'a étreinte.

Il s'appelait Victor, il était morvandiau et garçon de ferme de son état. C'était le plus merveilleux des hommes, il était doux et tendre. Je le revois avec sa moustache à la gauloise (caricature d'Henri Vincenot), sa ceinture de flanelle, ses bretelles et ses pinces à vélo.

Il était parti avec l'espoir que ce serait la dernière fois, (c'est ce qui lui a été dit), il est parti pour son fils, puis pour son petit-fils mais il y a eu l'exode, la seconde guerre mondiale, la guerre d'Algérie!

J'ai rédigé une critique très personnelle mais elle est sincère. D'autres amis et amies ont très bien su parlé de ce livre alors je me suis autorisée à écrire mon ressenti, la façon dont j'avais vécu cette lecture! A travers lui, je pense à tous ces jeunes hommes parfois des enfants, qu'ils soient de n'importe quelle nationalité, qui ont été sacrifiés! Je pense à toutes ces mères, toutes ces épouses, tous ces enfants qui n'ont pas vu leur Poilu revenir.
Victor est revenu de cet enfer, comment a-t-il pu reprendre le cours de sa vie? Il n'en parlait pas!

J'avais lu beaucoup d'excellentes critiques sur ce livre. Les jeunes générations doivent s' emparer de cet ouvrage qui, j'imagine, n'est plus au programme des lycéens! A nous, les plus anciens de transmettre : la transmission, l'éveil des consciences, c'est, à mes yeux, essentiels!

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Attention : chef d'oeuvre!!! Pour les personnes qui apprécient les livres traitant de la Première Guerre Mondiale, ce roman est à conseiller. Bien sûr le sujet est terrible, la guerre des tranchées, les corps à corps, la descriptions des blessés et des morts, l'incursion dans un hôpital militaire... Mais il y a aussi la réflexion des simples soldats, sur la guerre, ses origines, ses conséquences... la bêtises de certains petits gradés à l'armée, l'appel au sacrifice lancé par des "planqués" civils... la vie au quotidien dans la boue, sous la pluie d'obus, avec la faim au ventre... Cette oeuvre parle de la guerre du côté allemand, mais on y retrouve les mêmes descriptions que dans des romans de Dorgelès ou Genevoix, la même authenticité, le même dégout, la même colère... Ces auteurs ayant combattu savaient de quoi ils parlaient... Un coup de coeur.
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Il y a des titres qui deviennent parfois des slogans, presque des mantras. Et on les prononce sans plus savoir d'où ils viennent.
Ici, c'est la dernière page du livre qui nous donne la clé du titre choisi par Erich Maria Remarque.
Une clé de Sol placée à la fin d'une portée qui devrait rester encore un peu dans nos mémoires. Un Sol labouré, un Sol conquis et déconquis.
Une clé de do pour un boléro dont Ravel écrira : "c'est une danse d'un mouvement très modéré et constamment uniforme", un do qu'on tourne à la vie, un do qu'on tourne à l'espoir, pour ces jeunes hommes entraînés par le mugissement de cette partition macabre.
Merci à l'amie Babéliote qui m'a incité à me plonger dans ce chef d'oeuvre.

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Quoi de plus banal qu'un livre sur la guerre, me direz-vous ? Celui-ci est exceptionnel. Aucune glorification de fait d'armes, une exhortation implacable au pacifisme. A l'Ouest rien de nouveau est un livre sur la vie quotidienne d'un soldat de dix-huit ans, au front, pendant la première guerre mondiale. Côté allemand ! L'Ouest, pour les Allemands, c'est la frontière avec la France.

Succès mondial de librairie dès sa publication en 1928, le livre, inspiré par la propre expérience de son auteur, Erich Maria Remarque, lui valut d'être proposé deux fois pour le prix Nobel, une fois en littérature, une fois pour la paix, sans succès. L'ouvrage fut interdit par l'Allemagne nazie, E.M.Remarque déchu de sa nationalité. Plutôt une chance pour lui. Il vécut entre les États-Unis et la Suisse, où il mourut en 1970. Entretemps, il avait beaucoup écrit pour le cinéma et épousé Paulette Goddard, l'ex-égérie de Charlie Chaplin, la gamine des Temps modernes.

Paul, le narrateur, est allemand. Il aurait pu être français, anglais, américain, canadien... C'est un jeune homme attachant. Il est ouvert, sociable, serviable. Manipulés par un professeur, ses camarades et lui se sont engagés avec enthousiasme en 1916. Un enthousiasme vite douché par l'instruction militaire, qui gomme leurs personnalités, puis par la vie au front, qui les prive de leur humanité pour ne leur laisser qu'un instinct de survie animal. « Nous avions dix-huit ans et nous commencions à aimer le monde et l'existence ; il nous a fallu tirer un trait là-dessus. le premier obus qui est tombé nous a frappés au coeur ».

Paul raconte son quotidien dans la tranchée, la boue, la pluie, le froid, les rats, la faim, la peur. Sans fausse pudeur, il évoque la camaraderie, la solidarité, les blagues, les combines, tout ce qui permet de supporter l'insupportable. Car il faut survivre aux horreurs provoquées par les bombes, les obus et les rafales de mitrailleuses. A la vision des corps déchiquetés, des membres arrachés, d'une tête en partie emportée, d'entrailles qui jaillissent d'un ventre ouvert à la baïonnette. Au sifflement et à l'explosion des projectiles, au hurlement de douleur du camarade touché, juste à côté, qui plus tard, bourré d'antalgiques, pleure en silence parce qu'il comprend qu'on ne peut rien pour lui, et qu'il va mourir là, dans quelques minutes, ou dans quelques heures, peut-être dans quelques jours, à dix-huit ans.

Pourquoi lui, pourquoi pas moi, se demande Paul ? le hasard. C'est par hasard que l'on vit ou que l'on meurt. Il n'a aucun pouvoir sur la trajectoire des obus. Pas plus qu'il n'en a sur les événements. A titre personnel, il n'a aucun grief contre celui d'en face, tout près, à quelques mètres, français ou anglais, du même âge, dans une tranchée identique à la sienne, avec la même boue, les mêmes rats, la même peur, la même hantise de la blessure grave, de la mutilation. Et le même but : survivre. Quitte à « devenir soi-même meurtrier par angoisse, fureur et soif de vivre ».

Le livre fait penser à la première partie de Voyage au bout de la nuit, de Céline. Mais le ton n'est pas le même. le personnage de Bardamu est révolté, hargneux, haineux, en rupture de ban. Il s'exprime avec insolence, brutalité, privilégiant l'apostrophe et l'invective. Rien de tel chez E.M. Remarque. Son narrateur est un jeune homme simple, attaché à sa ville natale, à sa famille, à ses amis. Son expression est faite de phrases courtes, précises, lumineuses. Il fait preuve d'une vraie empathie, cette disposition qui permet d'accompagner les autres dans leurs souffrances physiques ou morales. Touchant !

Une sorte de ressentiment, mais pas de haine, contre les va-t-en-guerre de l'arrière, et contre les sous-off's médiocres et tyranniques. Paul constate avec amertume que l'expérience du front est indicible, car les civils sont enfermés dans des clichés de devoir patriotique et de faits d'armes héroïques. N'y a-t-il que la littérature pour transmettre ?

La dernière page du livre ne compte que quelques lignes. Elles sont en italique parce qu'elles n'entrent pas dans le récit de Paul. Octobre 2018. Quelques phrases tranquilles au contenu infiniment triste, rompant avec la brutalité du récit, le font glisser doucement vers le néant, comme certaines oeuvres musicales qui s'éteignent paisiblement dans leur dernier mouvement. Mahler, le Chant de la terre, la Neuvième Symphonie. Tchaikovsky, La Symphonie Pathétique...

Me vient à l'esprit, comme en surimpression, le Dormeur du val, qu'écrivit Rimbaud lors de la guerre précédente, côté français. Je ne peux m'empêcher d'en extraire quelques vers :
Un soldat, jeune, bouche ouverte, tête nue,…
Dort ; il est allongé dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut….
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Quand un soldat de vingt ans tombe au combat pour une cause qu'on lui a imposée, c'est un peu notre enfant qui meurt.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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