Le chat d'Ana ne griffera plus.
Par bonheur pour nous, Olivia Resenterra, son exécutrice testamentaire littéraire, le fait à sa place.
Ce deuxième roman est un coup de griffe : incisif, rapide, inattendu.
Voilà donc Ana un peu déboussolée cherchant l'endroit pour une sépulture digne du matou décédé qu'elle transporte dans son panier de voyage.
Commence alors Nécrologie du chat, dernier voyage du félin et de sa maîtresse, en forme d'odyssée miniature : trois jours d'errance hivernale, de brèves rencontres inutiles, de dialogues de sourds.
Une boucle de quelques kilomètres qui ramène le lecteur au point de départ, un peu sonné, mais admiratif de la maestria de l'auteur qui fait tant avec si peu.
La quatrième de couverture détaille le périple funéraire d'Ana mieux que je ne saurais le faire. Je m'aperçois qu'il y manque quand même la toute première rencontre : celle de la concierge de l'immeuble dont Ana sort dans les premières pages.
On ne peut pas tout dire quand on fait le résumé pour le dos d'un roman... C'est bien, ça me laisse un peu d'initiative !
Ça commence donc comme pour une mise en scène de théâtre ou un scénario de court métrage. Des didascalies. L'auteur pose les éléments du décor (le hall de l'immeuble d'Ana) et ses accessoires (boîtes aux lettres, sapin de Noël déplumé encore garni). Pas de lever de rideau. La scène s'anime avec l'entrée d'Ana portant sa boîte à chat, et l'irruption de la gardienne. Confrontation.
Les décors et les personnages qui se succèdent ensuite sur la route d'Ana sont tous plantés avec le même très fin dosage entre réalisme et stylisation.
La Nécrologie du chat, c'est aussi, illustrée avec un humour très noir et très cruel, une revue de diverses formes d'incommunicabilité plus amères et désespérantes les unes que les autres, ce qui n'en exclut pas la drôlerie féroce. Il y a le rejet rageur de la gardienne d'immeuble, l'intérêt cauteleux du fermier, la suspicion jalouse de la pseudo-rivale, l'indifférence bavarde des cyclo-touristes, la curiosité intéressée du marchand de cercueils, etc.
À chaque rencontre : sa saynète acide, cynique ou absurde, son décor minimaliste tout en étant évocateur, ses dialogues épurés mais criants de justesse. Jusqu'au dénouement surprenant, chargé en émotion, dont le deus ex machina sort des bois...
J'ai déjà dit par ici il y a longtemps que je n'appréciais pas la surcharge de métaphores, que j'admirais le tour de force des écrivains qui en sont économes, qui savent décrire sans comparer, ou le moins possible ; c'était à propos de Modiano qui a dit quelque part qu'il se méfiait des métaphores. Je ne sais pas si Olivia Resenterra s'en méfie, mais elle les utilise avec une parcimonie élégante : “ une nuée de moineaux comme une grande voile gonflée par le vent ”, des “ branches de platanes [qui] ressemblent à des doigts de vieille femme ”, et c'est à peu près tout !
Cela donne une narration au plus près du motif, photographique, sans fioritures, précise comme j'aime.
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