Une découverte hier soir, en fouinant dans une des librairies de ma ville.
La couverture (un détail très coloré, flamboyant d'un tableau de l'auteure-peintre) a attiré mon regard, ainsi que le contenu du 4e de couverture, qui m'a révélé une artiste colombienne dont j'ignorais jusqu'au patronyme...
Inutile de vous préciser mon enthousiasme, puisque j'ai lu ces
Lettres dans la nuit !!
Emma Reyes, née en 1919, à Bogota, enfant abandonné de ses deux parents, se retrouve seule au monde avec Hélène, sa soeur, aînée de 2 ans et demi...une enfance des plus chaotiques et malmenées... remplie de mauvais traitements... pour finir 15 années dans un couvent, à travailler, prier,subir vexations, punitions, et sermons où le Diable et le Péché... sont les obsessions quotidiennes des religieuses; et tout ce temps d'enfermement, de coupure avec le monde extérieur ,sans recevoir ni instruction, ni culture... Ce qui sauvera notre vaillante "narratrice",
c'est à la fois la présence protectrice de sa soeur et son travail à l'atelier de broderie, au couvent, où ses dons en dessin se révélèrent... Cette passion deviendra toute sa vie...
Ces lettres sont accompagnées de dessins de
Emma Reyes; dessins où il y a une présence récurrente de petits enfants et de mères...aimantes !
Cela pourrait être un einième récit d'enfance malheureuse, mais ce qui change tout à ce récit par lettres ( adressées à son ami et critique,Germain Arciniegas, entre 1969 et 1997), c'est la tonalité extraordinaire, rendue par le style plein d'images et de couleurs, d'anecdotes naïves, qui rendent avec beaucoup de finesse, la sensibilité extrême des enfants...
"Elle s'est approchée de la grande porte, a d'abord posé le panier, puis le Petit, bien calé contre la porte, et quand elle a commencé à lui couvrir la tête sous la couverture, j'ai compris qu'on était en train de l'abandonner. (...) Je crois que c'est à ce moment-là que j'ai su d'un coup ce qu'était l'injustice et qu'à quatre ans, un enfant pouvait désirer ne plus vivre et être
englouti dans les entrailles de la terre. Ce jour-là restera sans doute à jamais comme le plus cruel de mon existence.
Je ne pleurais pas, mes larmes n'auraient pas suffi, je ne criais pas non plus car mon sentiment de révolte était plus fort que ma voix. "(p. 70-71)
Ces Lettres sont éditées en France, parallèlement à une exposition de cette artiste ayant lieu au Musée de Dordogne à Périgueux jusqu'en mars 2018...
Car curieuse de cette artiste inconnue, j'ai été découvrir ses toiles... D'une variété infinie...tant au niveau des sujets, des styles et des couleurs !
Une oeuvre originale, riche et insolite , du figuratif à l'abstrait.
"Préface -
Piedad Bonnett, 2012
Dans les vingt-trois lettres qui constituent ce recueil, chacune abordant un chapitre de son enfance, on goûte le ton alerte des récits oraux grâce au formidable talent de la conteuse d'
Emma Reyes (...)
Mario Volpi soutenait que tout dans les tableaux d'
Emma Reyes était " à la fois élémentaire et raffiné, authentique et instinctif", remarque qui s'applique aussi à cet ouvrage d'une facture trompeusement naïve. Car au-delà de la chronique de sa vie, l'auteure a eu à coeur d'y croquer la Colombie discriminatoire, classiste et raciste de son enfance, celle des années trente "(...) (p. 8)
Une très belle découverte que je m'empresse de partager avec vous !...