Le faire propre de Michel-Ange est encore moins reconnaissable dans la figure de la Vierge, dont les draperies surchargées, aux plis minutieux et compliqués, rappellent le style mis à la mode par Verrocchio, style que Michel-Ange n'adoptera qu'un instant et auquel il ne substituera ces draperies collantes, traitées par larges masses, qui seront une des plus grandes beautés de son art. Cette statue était si peu caractérisée que le public croyait y reconnaître la main de Cristoforo Solari, et Michel-Ange, pour en revendiquer la paternité, se crut obligé de la signer. Il s'est arrangé plus tard pour que de pareilles méprises ne fussent plus à craindre.
Son oeuvre principale fut le groupe de la Pietà qu'il fit en 1498, sur la commande du cardinal français Jean de la Groslaye. Ici il est à son aise : il peut, sans s'éloigner du domaine de l'art religieux, satisfaire sa passion pour les nudités, et, avec toute son ardeur d'artiste, il sculpte le beau corps du Christ étendu sur les genoux de sa mère. C'est une oeuvre intermédiaire entre le Bacchus et le David. Michel-Ange n'a encore arrêté aucun des traits qui constitueront sa manière.
Pour comprendre la formation du génie de Michel-Ange, il faut tout d'abord considérer le temps passé dans l'atelier de Ghirlandajo et l'influence exercée sur lui par ce maître. C'est une éducation de peintre qu'il reçoit. Voilà le premier mot à dire et il est capital. Si Jules II s'adressa à lui pour peindre la voûte colossale de la Sixtine c'est parce qu'il savait ce dont il était capable; et si la Sixtine est la plus belle fresque de l'art florentin, c'est bien parce que Michel-Ange avait admirablement appris l'art de peindre, c'est parce qu'il avait reçu les leçons de Ghirlandajo.
La Sixtine tout entière, que l'on considère les Prophètes et les Sibylles, ou les figures décoratives qui les entourent ou les scènes de la Genèse, n'est en effet qu'un recueil de statues. Si Michel-Ange a accompli cette oeuvre si facilement, s'il l'a faite avec une telle perfection, c'est parce qu'il ne sortait pas des habitudes de son esprit, qu'il n'entreprenait pas une oeuvre anormale et nouvelle pour lui, c'est parce qu'il continuait à développer l'art qui avait eu jusqu'alors toutes ses préférences.
Une longue vie de quatre-vingt-dix ans, toute consacrée au travail, les changements d'idées qui transforment à ce moment l'école florentine et qui substituent l'imitation des oeuvres d'art antiques à la représentation des formes vivantes, les événements qui le font passer de la cour sensuelle de Laurent de Médicis au grave milieu de la cour romaine, les drames qui ensanglantent l'Italie, tout a contribué à donner à l'oeuvre de Michel-Ange les caractères les plus originaux et les plus variés.