Le baldaquin de Saint-Pierre, commandé au début du pontificat, venait d'être terminé, et Urbain VIII, continuant à embellir la basilique, chargea le Bernin d'une seconde oeuvre non moins importante, le décor des quatre grands piliers soutenant la coupole. On lui demande ici, non pas de faire une oeuvre de toutes pièces, mais de terminer, de décorer l'oeuvre de ses prédécesseurs. Ce n'est pas lui qui a conçu les grandes niches superposées ouvertes dans les pilones; ces niches dataient des travaux de Michel-Ange et peut-être même des premiers projets de Bramante; mais au temps du Bernin, ce n'étaient encore que des trous sans aucun décor et l'on n'avait rien prévu pour les orner.
Le premier trait qui nous frappe dans l'art du Bernin, trait qui dans sa jeunesse est prédominant jusqu'à l'exclusivisme, c'est la volupté. Et en même temps, nous voyons, dès ses premières œuvres, un autre caractère tout différent, le caractère religieux, qui va aller sans cesse en se développant, de telle sorte que le Bernin, après avoir été le plus sensuel des maîtres, finira sa vie dans les élans du mysticisme chrétien. Cette alliance de deux sentiments si dissemblables donne à son art un caractère étrange, parfois déconcertant, qui prend toutefois un intérêt singulier lorsque nous songeons qu'il ne s'agit pas là de la fantaisie d'un artiste isolé, mais de la manifestation profonde de la pensée de tout un siècle.
Le Bernin avait fort bien compris que, à côté et en avant de la coupole de Michel-Ange, il ne pouvait y avoir place que pour des formes très légères, et il avait vraiment trouvé le contraste qu'il fallait pour ne pas nuire à la masse colossale de sa coupole.
Sa science dans l'art de fouiller les draperies l'entraîne à d'autres excès, à des complications inutiles, à des effets purement théâtraux. Visiblement, il veut frapper l'attention par des violences de mouvements et des oppositions d'ombre et de lumière; dans les immensités de Saint-Pierre il croit nécessaire d'outrer les effets; si son saint Longin étend si démesurément les bras, il semble que ce soit, non pour exprimer quelque idée, mais pour emplir l'immense niche où il est perdu, pour emplir tout Saint-Pierre.
Le Bernin, au lieu de faire retourner l'art à ses vrais principes, comme devait le faire Canova, travaillait au contraire, sans s'en apercevoir, à le faire entièrement dévier. Par suite de son exécution luxuriante et du faux attrait de ses nouveautés, le mal allait sans cesse en s'aggravant, et en le suivant l'art passait de l'élégance à l'affectation et de l'affectation à la caricature.