Ce tome fait suite à Lonely City ; il contient les épisodes 31 à 36 de la série. le tome suivant est Spider's Thrash (épisodes 37 à 42).
Épisode 31 - Spider Jerusalem découvre avec horreur qu'il a été récupéré par la société de consommation, assimilé par la société du spectacle. Il existe une déclinaison en dessins animés de ses aventures. En surfant sur les chaînes de télé, il découvre même qu'il est le personnage principal de 3 autres feuilletons, chacun avec son ton particulier. Ces séquences sont illustrées par autant de dessinateurs différents :
Kieron Dwyer, Lea Hernandez,
Bryan Hitch et Fank Quitely. La conclusion est dessinée par
Eduardo Risso.
Épisode 32 - Après ce terrible coup au moral et à sa crédibilité, Spider n'a plus qu'une seule solution pour se ressourcer : se promener à pied dans les rues de la Ville. Chaque page se compose de 2 illustrations de la largeur de la page, avec un texte en dessous reprenant le flux de pensées de Spider Jerusalem.
Épisode 33 - Yelena Rossini et Sharon Yarrow bourrent Spider de cachets et s'offrent une virée en Ville sans chaperon, entre filles pour se détendre. Au programme : alcool, shopping et conversations entre filles.
Épisode 34 à 36 (histoire intitulée "Gouge away") - Spider Jerusalem décide de mener une enquête de moralité tout seul. Sa cible : Alan Shact, conseiller du président et directeur de sa campagne électorale. Il secoue toutes ses relations jusqu'à ce qu'elles crachent ce qu'elles savent.
Dans la première moitié de ce tome, Ellis continue de creuser les motivations de Spider Jerusalem. La première histoire porte un coup terrible à Spider en le rendant banal et inoffensif ; ses propos font partie du bruit ambiant en ayant perdu toute dangerosité (le signal est noyé dans le bruit). S'il s'agissait d'un artiste de musique, on dirait qu'il est un vendu, qu'il fait du commercial. À la fin de cet épisode, Spider hallucine une forme d'épiphanie dans laquelle il se retrouve face à son public. C'est du grand
Warren Ellis qui semble décrire à la fois ce que la reconnaissance dans le monde des comics lui a apporté et coûté, et à la fois une nouvelle phase de gestation de Spider. L'apport d'illustrateurs différents permet de donner du goût à chacune de ces parodies télévisuelles, parmi lesquelles je retiens surtout les pages de Lea Hernandez,
Bryan Hitch,
Frank Quitely (on dirait qu'il s'agit de Geoff Darrow) et
Eduardo Risso.
Puis
Warren Ellis remet Spider sur le trottoir pour une petite balade de réflexion. La force de l'écritu
re d'Ellis réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'un collage de pensées éparses, ou d'une dissertation interminable, mais d'une sorte de léger monologue intérieur adressé au lecteur. Sous ces dehors de causerie à bâton rompu, Ellis fait émerger une motivation plus profonde de Spider que la quête absolue de la vérité. Et pour finir, Spider redevient le journaliste gonzo que tout le monde déteste et craint, dans une belle résurgence d'esprit punk et nihiliste.
L'épisode consacré aux filles apporte une sorte de détente, mais aussi un autre point de vue sur les mêmes thèmes qui sont le refus de la compromission, le refus de l'intimidation, le refus de fermer les yeux. Avec les 3 derniers épisodes, Ellis reprend une forme de narration plus traditionnelle dans laquelle il y a une aventure, avec un début, et une résolution finale. Spider est redevenu dangereux, incontrôlable et intolérant. Ellis commence également à resserrer la continuité de sa série en évoquant des épisodes précédents qui semblaient jusqu'ici n'avoir pas de conséquences à long terme.
Dans l'omb
re de ce scénario intelligent, irrévérencieux et provocateur,
Darick Robertson et
Rodney Ramos continuent de mettre en images des idées complexes, en développant de manière cohérente l'environnement dans lequel évolue Spider Jerusalem, et du reste de la troupe. Ils savent à la fois composer des images qui restent dans la tête et insérer des détails qui produisent un petit plus dans la lectu
re. Dans la première catégorie, le lecteur se souviendra de Spider prostré sur le carrelage de sa cuisine en pleine défonce, sous l'oeil de Sharon et Yelena, de Spider en train de pousser un moine bouddhiste sous les roues d'une voitu
re, de Sharon et Yelena en train de s'entraîner dans un stand de tir avec des mannequins particuliers, de Spider en train de défoncer le nez d'un individu à grands coups de talon, etc. Dans la deuxième catégorie, le lecteur découv
re dans un coin de cases un détail qui tue : le retour de l'inscription "Stomp" (Écrase !") sous les semelles de Spider, l'inscription "Free Steve Chung" répétée sous forme de graffiti (en hommage à un correspondant obsessionnel du courrier des lecteurs), l'inscription "durée expirée" sur un banc public, les incroyables herbes dans la réserve communautaire Farsight, les bougies de l'autel dressé à la mémoi
re de Vita, etc.
Dans ce tome,
Warren Ellis redonne du sens au mot "alternative", expose une nouvelle motivation qui définit les actes de Spider Jerusalem, avec des illustrations qui font plus que simplement mettre en images le scénario.