"Quatre amis, dont la connaissance avait commencé par le Parnasse, lièrent entre eux une espèce de société... ", — que tout le monde connaît, par toute sorte de livres. Mais comment négliger dans l'histoire de notre poète des réunions qui lui firent passer si utilement tant d'heures joyeuses? D'autant qu'on ne les a pas toujours peintes, en tout cas datées, très exactement.
Rappelons qu'elles ne peuvent être antérieures au début de 1664. — La Fontaine connaissait Racine de longue date: il avait retrouvé Molière vers 1660; il pouvait avoir vu Boileau par l'entremise de Furetière. Mais, d'autre part, Boileau, que son frère Puymorin avait présenté à Molière vers 62, Boileau en décembre 63 n'avait pas encore vu Racine. C'est seulement quelques semaines plus tard que toutes ces liaisons plus ou
moins lâches (rendues intermittentes par les absences de La Fontaine et par le séjour de Racine dans le Languedoc), se rejoignent et se resserrent, pour devenir une société.
Les songes, voilà bien ce qu'il aime le mieux, même dans la campagne. Sa voluptueuse indolence se complaît aux caresses de l'air, aux murmures des êtres vivants, à la griserie que donne la lumière. Il laisse entrer en lui mille sensations charmantes et vagues : la chanson du vent, sa colère rythmée et puissante, la joie que les oiseaux sèment dans les airs La vie de la nature un moment se confond avec sa propre vie.
Cette fois, il est bien perdu pour l'Église. . . Après ce roman, il en a lu d'autres : il s'est brûlé à ces lectures. Sa vie devient un songe où chaque réveil lui fait l'effet d'un mauvais rêve. Non, l'existence qu'on mène dans cette maison n'est pas la vie, c'est une mort! Non, Dieu n'a pas mis la joie sur la terre pour qu'on s'en détourne : une voix le crie au fond de son être. Comme il est sincère, il porte au confessionnal les aspirations de son âme souillée et pécheresse. Mais les pénitences n'y font rien : et il retourne à son péché. Désormais il est pour tout le monde un objet de scandale. Un jour vient où on lui conseille, où peut-être on lui enjoint de partir? Partir! il y a longtemps qu'il attend cette heure!
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Lié avec Molière. Boileau et Racine, vivant avec eux familièrement, La Fontaine a eu d'autres relations non moins illustres et plus mondaines. Il a sûrement pénétré dans le petit cercle aristocratique de la rue de Vaugirard, où Mme de La Fayette avait pour intimes le duc de La Rochefoucauld et la marquise de Sévigné.
Mais pour le moment, soyons-en certains, ses rêves de plaisir, refoulés par la contrainte du séminaire, allaient se donner carrière en toute licence. Et le plus clair profit de son noviciat, où il n'avait su prendre des habitudes ni de pensée ni de conduite, où il avait appris seulement à se connaître et à voir que le sérieux n'était pas son fait, ç'allait être, ô ironie, de le rejeter vers les joies profanes.