Voici d'abord le chapitre dans lequel Dante nous donne la description de Béatrice, description toute mystique, tout intérieur, qui nous montre plutôt qu'elle-même l'image qu'il en portait en lui :
" Cette très noble Dame, dont il a été parlé précédemment, était en si grande grâce auprès des gens, que lorsqu'elle passait par les rues on courait pour la voir; d'où me venait une merveilleuse joie. Et celui auprès de qui elle se conservait en était rendu si modeste, qu'il n'osait ni lever les yeux, ni répondre à son salut ; beaucoup, qui en ont fait l'expérience, pourrait en témoigner comme moi à qui ne le croirait pas. Elle marchait couronnée et vêtue d'humilité, ne montrant aucun orgueil de ce qu'elle voyait et entendait. Beaucoup disaient, lorsqu'elle était passée : Celle-là n'est pas une femme, mais un des plus beaux anges du ciel. Et d'autres disaient : Celle-là est une merveille ; bénis soit le Seigneur qui sait faire œuvre si admirable ! Je dis qu'elle se montrait si noble et si remplie de toutes les beautés, que celles qui la contemplaient en concevaient en eux-mêmes une douceur si digne et si pure, qu'ils ne savaient le redire ; et il n'y en n'avait aucun qui pût la regarder sans soupirer... "
Chapitre Il
Les Opere Minori
« Dante était de taille moyenne et légèrement voûté ; sa démarche était noble et grave, son air bienveillant et doux. Il avait le nez aquilin, les yeux grands, la figure longue et la lèvre inférieure une peu saillante sur la lèvre supérieure. Il avait le teint très brun, la barbe et les cheveux noirs, épais et crépus.
« Sa physionomie était celle d'un homme mélancolique et pensif, naturellement rêveur et taciturne; il ne parlait guère, à moins d'être largement, et souvent absorbé dans ses réflexions, il n'entendait pas toujours les questions qui lui étaient faites. »
On remarquera quelques contradictions dans cette description, incomplète et maladroite comme toutes les descriptions des quattrocentistes, indifférents à la figure extérieure de l'homme : (...) En tout cas, c'est l'austérité de cette tête grave et mélancolique que les portraitistes se sont toujours plu à accentuer. Quoiqu'il existe un portrait de Dante attribué à Giotto, et qui rentre bien dans la donnée générale, il faut accepter sa figure traditionnelle comme un type consacré plutôt que comme une image exacte et réelle.
Chapitre premier.
La vie de Dante
1 . Origines. — La question des origines de la Divine Comédie a provoqué de nombreuses recherches : dans le fait, Dante a pu trouver partout l'idée d'un voyage dans le monde surnaturel :
dans l'antiquité, d'Homère à Virgile, et plus encore autour de lui, car la seconde vie paraît avoir été la préoccupation dominante des hommes du moyen âge. L'enfer, le purgatoire et le paradis étaient par tout à ce moment-là (...). Les églises sont pleines des images des diables et des anges, et de nombreux récits de visions circulent dans le public : celle de Charles le Gros, celle du moine Albéric, etc. Enfin les écrivains mystiques remplissent leurs ouvrages de descriptions du ciel et de l'enfer : ainsi certains d'entre eux, que Dante connut certainement, Joachim de Flore et la nonne Melchthilde de Magdebourg. C'est donc directement dans l'âme de son époque que Dante a puisé l'idée de son œuvre, dans cette âme tourmentée par le souci de l'au-delà. Ainsi considéré, la Divine Comédie n' est pas une œuvre individuelle : elle est une œuvre collective.
Chapitre III.
La Divine Comédie. Observations générales
Mais l'épisode le plus saillant de la jeunesse de Dante, celui qui a soulevé aussi le plus de discussions, c'est son amour avec Béatrice. On sait comment il le raconte lui-même dans la Vie nouvelle, comment Boccace le raconte après lui, et tous les biographies après Boccace. Il avait neuf ans, quand , un jour de « doux printemps », dans une fête que donnait un noble Florentin, Folco Ricovero de Portinari, il vit pour la première fois celle qu'il devait immortaliser. C'était la fille de son hôte ; elle était de quelques mois plus jeune que lui, vêtue de rouge, et « de si louables allures », qu'on pouvait certainement lui appliquer ces paroles du poète Homère : « Elle ne semblait pas la fille d'un homme, mais d'un Dieu ! » À partir de cet instant, l'amour régna sur l'âme de l'enfant. Neuf années passèrent pourtant sans qu'il revît Béatrice. Au bout de ce temps, elle lui apparut pour la seconde fois, vêtue de blanc et en compagnie de deux nobles dames plus âgées qu'elle. Elle le salua, et acheva de le conquérir à jamais.
Chapitre premier
La vie de Dante
5. Dante et la théologie catholique. — On a cherché à voir dans la Divine Comédie une autre tendance et à faire de Dante, théologien, un pionnier de la Réforme. En réalité, c'est là une thèse insoutenable : Dante accepte les autorités reconnues par l'Eglise : saint Bernard, saint Thomas d'Aquin, et leur fait prononcer sur les questions controversées des arrêts dans le sens de leurs écrits. Il affirme expressément son absolue soumission aux arrêts de l'Eglise, qui ne se trompe jamais, dit-il. Il se montre extrêmement sévère pour les hérétiques, même pour ceux qui appartiennent à son parti et pour qui il aurait pu avoir quelque sympathie.
Chapitre III
La Divine Comédie. Observations générales