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138 pages
Librairie Payot, Lausanne (01/01/1900)
5/5   1 notes
Résumé :
Ces nouvelles parues en 1891 nous conduisent des bords du Léman jusqu'aux plus hauts mayens valaisans et de la cité de Calvin jusqu'aux tréfonds du Jura vaudois. Rod y évoque avec nostalgie la pureté idyllique du pays de son enfance, la vie primitive mais noble des populations de montagne, la magie des Noëls d'antan, et la joie sans mélange que procure le retour annuel des saltimbanques...
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(...) comme il demeurait immobile, anéanti, le regard attaché à la place fatale, le problème qui m’avait déjà inquiété se posait plus nettement à mon esprit : comment un homme de sens, – un homme que ses concitoyens, non des paysans ignares, mais des gens intelligents et instruits, chargeaient de leurs intérêts parce qu’ils le regardaient comme le plus capable et le plus honnête d’entre eux – comment un tel homme avait-il pu être frappé par le fait d’un meurtre commis sur un étranger au point d’en devenir monomane ? Quelque affinée que soit une conscience par le perpétuel examen des problèmes moraux, elle ne peut arriver naturellement à de pareilles aberrations : d’un autre côté, la paisible existence de ces populations montagnardes est trop simple et trop saine pour provoquer des troubles intellectuels qu’expliquent seuls les fatigues, les ambitions, les dérèglements et les excès de la vie des capitales.

Un coupable
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Sans doute, il y avait M. Ludin, un homme de même espèce qu’elle, qui la suivait comme son ombre, semblait l’aimer, écoutait ses pensées, et déjà commençait à la caresser de paroles tendres. Mais avec lui, ce serait comme les autres : un flirtage d’une semaine ou d’un mois, rien de plus !… Un beau jour, après avoir épuisé son répertoire de banale galanterie, las des petits plaisirs de papillon que seuls il désirait et qu’elle lui laisserait prendre comme elle les avait soufferts tant de fois, il s’en irait, lui écrirait une fois, deux fois peut-être, et ne saurait plus qu’elle avait passé dans sa vie… Et, dans son souvenir, se levèrent des figures connues, qu’elle revit briller et disparaître : c’étaient de beaux jeunes gens, presque tous nobles, élégants et riches, rencontrés de ci de là au cours de son existence errante, dans les salons où elle accompagnait ses élèves, dans les villes d’eau où elle suivait leur famille ; ils avaient été un instant attirés par sa grâce ou par son esprit, ou simplement par l’espoir de trouver en elle une rapide aventure. Quelquefois, elle avait aimé ; plus souvent, dans ces flirtages, que son inexpérience lui laissait prendre au sérieux, elle avait entrevu la fin de sa vie précaire, la richesse et la liberté après sa dépendance, ce bonheur d’un foyer qui serait sien, que désirent toutes les jeunes filles, qu’elles désirent bien plus quand elles sont aux prises avec le terrible problème du pain quotidien, et plus encore quand avec les années se réduisent leurs chances de le gagner. Puis, ces espoirs successifs avaient sombré, pour revenir sous des formes nouvelles et s’enfuir encore. Ils s’étaient éloignés, tous, ceux qu’elle avait aimés, ceux qu’elle aurait aimés, ceux qu’elle aurait acceptés, ceux qu’elle aurait subis, chacun emportant quelque chose d’elle et la laissant saignante d’une blessure d’amour-propre ou de cœur… À présent, enfin, elle les connaissait, et n’attendait plus rien d’eux. Elle savait qu’ils deviendraient rares de plus en plus, à mesure que les années achèveraient de la flétrir ; et devant ses pas, elle voyait s’étendre la longue avenue de sa vie déserte, sans joie, sans famille, avec au bout une de ces mornes vieillesses qui sont comme une mort anticipée…

La femme à Bouscatey
Chapitre Il
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Mlle Maugry est un personnage de légende : elle avait disparu toute jeune, selon l’usage des filles sans fortune, mais instruites et bien élevées, qu’on envoie gagner leur vie dans des pays lointains en enseignant la grammaire française et les éléments du piano à des fils de boyars ou de magnats. De temps en temps, on avait de ses nouvelles : elle était en Moldavie, dans une grande famille ; elle était heureuse et touchait de bons appointements. Puis, ses parents moururent, elle cessa de correspondre avec ses amis d’enfance ; on n’entendit plus parler d’elle. Parfois seulement, les mères qui envoyaient leurs filles bien loin, sur les bords du Danube ou du Dniéper, leur disaient :

« Tâche de faire comme Mlle Maugry, qui est depuis vingt ans dans la même famille ; elle a des économies et, quand elle sera tout-à-fait vieille, on lui donnera une pension. »

Un jour, le bruit courut que Mlle Maugry allait revenir : elle l’avait écrit à une de ses anciennes amies, rentrée au pays après avoir couru le monde comme elle. La moitié de la ville se transporta à la gare pour la voir arriver. (...)

Mlle Maugry revenait, desséchée et rhumatisée, avec des vapeurs, des crises de nerf et des manières du grand monde qui stupéfièrent la ville. Elle ramenait une petite comtesse moldave, âgée de huit ou dix ans, dont elle devait parfaire l’éducation. D’ailleurs, la noble famille dont elle instruisait les enfants depuis quelque trente ans, était aux trois quarts ruinée : on ne lui faisait pas de pension, et le prix convenu pour l’éducation de la petite comtesse lui était irrégulièrement payé. Malgré cela, elle faisait consciencieusement son devoir : elle n’instruisait pas seulement son élève, elle l’amusait aussi, et grandement, comme il convient d’amuser une héritière dont les ascendants directs ont eu quelque parenté avec les empereurs de Constantinople. Et voilà pourquoi elle achetait le plus beau des sapins coupés dans le Jura par le père Tronchin, les plus belles noix dorées qu’on trouvât dans la ville, le plus grand polichinelle que le marchand de jouets eût fait venir, à ses risques et périls.

Souvenirs de Noël
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Cinq ou six chalets, qu’on ne voit que lorsqu’on en est tout près, surgissent comme des taches dans la masse verte. Pauvres masures dont la misère contraste durement avec la richesse du décor. Ils sont rangés en cercle autour d’une placette où la boue s’amasse. Les portes ouvertes battent au vent. On les dirait inhabités. J’aperçois pourtant deux gamins, auxquels je vais demander le chemin du col de la Gueulaz : ils s’enfuient sans me répondre. J’entre dans tous les chalets : une pierre y sert de table, une grosse marmite se balance sur des bûches éteintes, trois ou quatre cuillers de bois sont appendues aux parois ; il y a deux bols, en bois aussi, sur la table, et dans un coin, une paillasse. Je finis par découvrir un petit vieux tournant dans une de ces masures. Je l’interroge. Il me regarde longtemps avant de répondre, puis me donne des explications confuses : je ne comprends guère que ses gestes. J’essaie de savoir de quoi, comment il vit. Il passe là trois, quatre mois de l’année, dévalant de temps en temps les pentes vertes pour tomber sur Fins-Hauts, le plus prochain village, battant le beurre ou surveillant la cuisson du fromage pendant que les garçons que j’ai vus gardent les troupeaux. Il se nourrit de laitage, dans lequel il fait tremper un pain noir, plus dur que du biscuit de mer, de polenta, de serré. Son patron lui apporte des vivres, et ils mangent chacun dans son coin, silencieusement, n’éprouvant même pas le besoin de parler.

— Vous ne vous ennuyez jamais ?

… Ses yeux expriment un immense étonnement. Au lieu de répondre à ma question, comme il commence à se familiariser avec moi, il me propose de me montrer le cellier. Et j’aperçois, à la lueur de sa chandelle, des rangées de serrés d’une blancheur fraîche et mate, des « matolles » de beurre doré, des fromages : toute une richesse inattendue. 

Croquis alpestres
Fénestral.
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Les jeunes filles, sans être belles, ne sont ni laides ni lourdes. À trente ans, elles sont flétries, et leur vieillesse est lamentable. C’est un navrant spectacle que celui de ces créatures qui n’ont presque plus rien d’humain et se cramponnent à la vie ; à force de porter sur leur tête de trop lourds fardeaux, quelques-unes ont subi quelque déformation intérieure et ne marchent que courbées en deux, comme si elles avaient eu le dos cassé par un coup violent, ou en sautillant, mues par des rétractations mécaniques des muscles, comme dans une inguérissable chorée. 

Croquis alpestres
Les habitants
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