Est-ce que j'ai enchaîné les tomes 9 et 10 au lieu d'intercaler une autre lecture entre les deux comme j'avais décidé de le faire? Oui.
Est-ce que je manque complètement de discipline? Oui, aussi.
Est-ce que je ne pouvais pas attendre un peu de relire "L'Ermite de Haute Folie", que je connaissais pourtant déjà? Non.
"L'Ermite de Haute Folie" est donc le tout dernier tome des "Contes du Korrigan", merveilleuse saga de chez "Soleil Celtic" et orchestrée avec talent par les bardes, korrigans à leur manière, Ronan et
Erwan le Breton, bien que ce dernier semble ne plus en être pour ce qui concerne notre Ermite et "La Colline d'Ahna" et , comme toujours quand je suis attachée à une série, une oeuvre, j'ai le coeur gros d'entamer le dernier chapitre.
La formule (magique) est restée inchangée depuis le premier tome ("Les Trésors Enfouis"): l'album nous raconte trois contes, trois légendes qu'il met dans la bouche de différents conteurs (Koc'h, Dir Botez, Siobhan ou encore l'abbé Fouré comme c'est le cas pour "L'Ermite de Haute-Folie") et sous les crayons de différents dessinateurs. L'ensemble est ainsi toujours varié, riche, coloré mais toujours porteur d'unité, de cohérence... Et chaque album est une écrin, une petite merveille toute enluminée.
Et puis, en filigrane des trois récits, on trouve également le fil rouge qui relie les albums les uns aux autres. Ce fil rouge est un korrigan du nom de Koc'h. C'est un conteur, le meilleur, le favori de la reine des Fées. Au fil des différents opus, Koc'h de simple conteur est devenu un personnage à part entière dont on suit le propre conte et croyez moi, c'est un korrigan foutrement attachant.
Commençons par le fil rouge, le fruit de toutes mes impatiences. "La Colline d'Anha" nous avait laissé en compagnie d'un Koc'h changé, transformé et solitaire. Un Koc'h sévère, âpre, dur qui gardait le silence sur son histoire dont on sentait combien elle avait dû basculer entre le tome 8 et le tome 9. Nous le retrouvons donc à nouveau, à l'orée de ce tome 10 sur la côte d'Emeraude bordée de granit. A ses côtés, ce corbeau que l'on croit reconnaître... Et une petite charrette à bras. Ils se rend chez un ami, un personnage qui n'est pas que de papier. L'abbé Fouré, surnommé ici "L'Ermite de Haute-Folie", vécut en effet à la fin du XIX°siècle et on lui doit les rochers sculptés de Rothéneuf, situé entre Cancale et Saint-Malo, sortes de monumentales créatures de pierre, énigmatique et non moins fascinant art brut. A peu près à la même époque, un certain facteur érigeait, lui, un Palais Idéal... Si Koc'h se rend chez cet ami aux traits des plus sympathiques c'est parce qu'il a lui a passé commande d'une statue bien particulière. Pendant que l'artiste met la main aux dernières finitions de la sculpture destinée à Koc'h, ce dernier se met à raconter de ces histoires dont il a le secret avant de passer la main à l'abbé, qui a lui aussi des récits plein la tête.
Les trois contes du jour ont la Bretagne et les siècles passés pour point commun. Ceux de Koc'h parleront de loups, de ténèbres, de musique et d'un sorcier vagabond, meneur de fauves et pourvoyeur de malheurs. Celui de l'abbé racontera les cruels naufrageurs de Rothéneuf, la caverne de leur trésor et la vengeance des mary morgans.
Comme dans le tome précédent, les contes de "L'Ermite de Haute-Folie" sont sombres, noirs et reflètent le basculement, la rupture que connaît la série à partir de "La Colline d'Anha" ainsi que ceux qu'a connu Koc'h.
A ce propos, les explications qu'on attendait tant depuis le tome précédent vont enfin nous être données dans les dernières planches de l'album. Enfin nous saurons pourquoi Koc'h est devenu si sombre. Il en donnera la raison à demi-mots en même temps qu'il nommera enfin le corbeau qu'il accompagne, en même temps que l'abbé nous dévoilera la statue qu'il a sculptée pour le Korrigan.
Un tome sombre mais magnifique comme toujours, un peu différent mais non moins poétique, non moins riche.
Et voilà... J'en ai fini avec ma relecture des "Contes du Korrigan" et ça me laisse un peu triste, un peu douce-amère. J'avais oublié combien j'aimais cette série je crois que je relirai encore et encore, quand j'aurai besoin de magie. J'avais oublié aussi ma frustration de ne pas savoir vraiment ce qu'a vécu Koc'h. Il est des ellipses qui vous torturent.