Le bonheur national brut est un indice de mesure du bien-être qui existe depuis 1972 au Bhoutan, petit royaume enclavé entre l'Inde et la Chine. Sur même principe que l'indicateur économique du PIB (Produit International Brut), le BNB a pour objectif de guider le développement économique du pays vers l'épanouissement et le bonheur de la population. C'est également le titre du deuxième roman de
François Roux publié en 2014. L'histoire d'un groupe composé de quatre amis qui évoluent, entre l'arrivée des socialistes au pouvoir en 1981 avec l'élection de
François Mitterrand, et celle de
François Hollande en 2012. En même temps, c'est 30 ans de l'histoire de France qui nous est raconté. Quand la petite histoire rencontre la grande Histoire.
Le 10 mai 1981, François Mitterand est élu. La gauche prend le pouvoir, tous les espoirs sont permis. Quatre amis vivant en Bretagne, l'année de leur dix-sept ans, celle du bac, vont nous conter leurs espoirs, leurs rêves. Ils partent à la recherche du bonheur, de la réussite.
Une ellipse de trente ans passe et nous retrouvons nos protagonistes à l'aube de l'élection d'un autre président socialiste,
François Hollande. Que sont-ils devenus ? Leurs rêves, leurs espoirs se sont-ils réalisés ?
D'un François à l'autre on voit l'évolution du monde politique, l'évolution de notre société, l'apparition du sida… On retrouve les personnages à l'heure d'un premier bilan à l'aube de la cinquantaine. Ont-ils trouvé le bonheur ?
Ce livre est la fresque d'une génération. Nul doute que ça parlera aux lecteurs de la tranche 30-40 ans car
François Roux retrace avant tout une époque dans toutes ses composantes : on y retrouve les chansons, les films qui ont traversé notre jeunesse. C'est également un oeil critique sur notre société contemporaine. Une fresque politique et sociale qui dénonce les excès du capitalisme, du rôle et du pouvoir de l'argent, de notre société de consommation, du sida, de l'argent au centre des scandales politiques, du harcèlement moral et professionnel, de l'évasion fiscale, les pots de vin… La vision est juste, l'écriture percutante.
On ne s'ennuie pas une seule seconde pendant la lecture de cette brique de 768 pages.
François Roux scanne avec grande précision la France des années 80 : on y retrouve ses vinyles d'AC/DC, Rocard et la 2e gauche, le Palace et les paillettes,
Bernard Tapie comme ange noir annonciateur d'une économie fondée sur la finance, l'apparition du SIDA… C'est une véritable machine à remonter le temps qui nous est offerte. Il décrit ces années où l'économie était une affaire d'hommes et pas de finances, où la politique était guidée par les convictions et pas encore un objet de marketing. Un temps où les nouvelles méthodes de management n'avaient pas encore fait des ravages… C'est drôle, c'est vif, c'est bien documenté. Au fil des années, le récit se pose, devient moins drôle, moins vif, à l'image de cette France qui se crispe, qui se durcit.
«
le bonheur national brut » est avant tout un roman sur la jeunesse, ses espérances et ses batailles. Sur la maturité ensuite, ses renoncements, ses relâchements, ses abandons. Comment vivre heureux ? le bonheur est-il toujours là où on le cherche ? Qu'est-ce que réussir sa vie ? le roman de
François Roux pose toutes ces questions dans une perspective économique et politique autant que dans les trajectoires individuelles de ses personnages, les questionnements d'une génération, celle de « la crise, du chômage, de la surconsommation, de la mondialisation, de la croissance molle, de l'argent roi soudain devenu fou ».
Le parti-pris de
François Roux, cette fulgurante ellipse, de coller le récit de la jeunesse à celui de l'âge mûr, est terriblement efficace. Vertigineux télescopage, qui met en évidence le choc entre les aspirations de la jeunesse et ce que la vie en a fait.
Enfin, c'est un roman sur l'amitié, ce sont ces pages qui offrent ses plus beaux extraits : « Et je me dis que l'amitié était décidément une chose bien étrange qui pouvait associer des individus aussi dissemblables que nous l'étions alors et que nous le fûmes pendant les trente années qui suivirent. Après tout, pourquoi pas ? » (p.14).
Une fresque captivante. La chronique d'une génération. Maitrisé de bout en bout, ce roman d'apprentissage à quatre voix est une photographie saisissante d'un monde en mutation. le lecteur est tout aussi attendri par les destins des quatre garçons devenus des hommes qu'aux descriptions d'une époque révolue.
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