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EAN : 978B0071ME1O6
Editions Alphil (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
Cet adolescent polonais et cette fillette hongroise n'auraient jamais dû se rencontrer ; mais la Deuxième Guerre mondiale éclate et ils sont juifs tous les deux. La famille de Kurt fuit le Sud de la Pologne, envahi par l'armée allemande, pour vivre un long exode qui la mène d'Ukraine jusqu'à un camp de réfugiés en Sibérie, puis en Ouzbékistan et au Kirghizistan, enfin en Italie. La petite Kitty quitte pour sa part à jamais sa Budapest natale lorsqu'elle est déport... >Voir plus
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Kitty.

Pour occuper nos loisirs, la Direction de l'école organisait de temps en temps des soirées auxquelles elle conviait la jeunesse de Genève et des environs. La Communauté juive nous invitait également à ses fêtes, car il y manquait souvent de jeunes Juifs. C'est ainsi que lors d'une soirée mémorable, organisée à Anières le 26 février 1950, j'ai fait la connaissance d'une jeune fille adorable, Kitty. Je me souviens de son visage rayonnant, de sa robe bleue qui lui allait si bien, et surtout du fait qu'elle dansait admirablement. Elle était si légère dans mes bras ; un vrai plaisir. Nous avons beaucoup dansé et comme, la semaine suivante, il était prévu une autre soirée à Genève, nous avons pris rendez-vous.
Le 4 mars 1950 , lendemain de mon anniversaire, fut un jour dont je me souviendrai toujours. Nous avions dansé pratiquement tout le temps ensemble. Je me croyais au septième ciel jusqu'au moment où, vers la fin de la fête, j'ai voulu arranger une autre rencontre avec ma belle. Je lui ai demandé où et quand nous pourrions nous revoir ; elle m'a regardé d'un air bizarre et m'a répondu qu' " on verrait bien ". Sans aucun commentaire ! J'étais anéanti. Mon charme proverbial, malgré les apparences, n'avait pas fonctionné. Quel dommage !
Quelques jours plus tard, en discutant avec les copains, j'ai appris que Kitty Breszlauer était l'amie de mon copain Meyer. J'ai voulu en savoir plus : Meyer m'a dit que cette demoiselle était sérieuse, que c'était une fille à marier et non une de celles avec lesquelles on ne faisait que s'amuser. Lui, de toute façon, n'avait pas de visées sur elle. Je me suis donc promis de revenir à la charge. Mais je n'étais pas au bout de mes peines !
Mes amis et moi avions organisés une excursion à Cointrin, pour visiter l'aéroport et les hangars de Swissair. En sortant de ces installations, et en attendant le bus pour rentrer, j'ai vu Kitty, flanquée de son inséparable amie Anne-Marie. Nous nous sommes salués comme des gens civilisés, après quoi j'ai voulu entamer mon baratin, mais je n'ai pas pu placer un mot, car Kitty m'a tout de suite coupé la parole en me demandant où était Meyer. . . J'ai pensé qu'il valait mieux ne pas insister.
Hélas, au plus profond de moi, le mal était fait : j'étais follement amoureux et ne pensais plus qu'à elle. Comment l'approcher et l'amadouer ? Dans ma vie, les hasards ou les " synchronicités " - pour reprendre Jung - ont toujours joué un grand rôle : ce fut également le cas à ce moment-là. Un jour, alors que je me promenais avec Dzieciak sur les quais des Eaux-Vive, j'ai aperçu Kitty sur son vélo. Elle se dirigeait vers Cologny, c'est-à-dire dans la même direction que nous, et nous a même dépassés. Quelques minutes plus tard, elle arrivait à pied en face de nous. J'ai été surpris qu'elle ait rebroussé chemin et j'en ai profité pour l'aborder. Que faire pour attirer son attention et l'amener à me revoir ? J'ai inventer sur-le-champ une histoire invraisemblable : je lui ai dit que j'écrivais un travail en français et que j'avais des difficultés en orthographe et en grammaire. Ne pourrait-elle pas m'aider un peu ? À mon grand étonnement, elle a accepté et nous avons pris rendez-vous pour le samedi suivant. Le plus difficile était fait. Bien entendu, je n'ai jamais eu aucun travail à corriger. . . mais nous n'en avons même pas reparlé.
À l'époque, la Communauté juive de Genève cherchait à intégrer les élèves de l'Institut, jeunes Juifs venus du monde entier. Pour ce faire, ils avaient demandé à des familles locales de nous patronner : tous les samedis, j'étais ainsi invité par un couple d'un certain âge à partager leur repas de midi. Je me rendais donc chaque semaine à Genève, avec un vélo que je m'étais procuré, pour dîner dans le quartier des Pâquis. J'étais ensuite invité chez Kitty pour le café. On le prenait dans sa chambre, dont la fenêtre donnait sur les tours de la cathédrale. Sa mère était bien entendu toujours là comme chaperon. Elle nous laissait quand même parfois un moments seuls et nous en profitions bien, avant d'aller faire notre traditionnelle promenade. Nous avons parcouru ainsi toutes les routes du canton, à pied ou à vélo. Quand j'avais un peu d'argent, nous nous arrêtions dans une auberge pour boire quelque chose et, si j'étais vraiment riche, pour manger un gâteau.
C'est ainsi que commença notre idylle. J'étais très, très amoureux. Les parents de Kitty ne nous permettaient de nous voir qu'une fois par semaine : soit le samedi soit le dimanche ; mais parfois nous trichions et nous nous voyions en cachette pendant la semaine. Pour que le temps ne soit pas trop long entre deux rencontres, nous échangions des lettres. Il m'était plus facile d'exprimer mes sentiments par écrit que de vive voix.

Rencontre avec Kurt.

Le 26 février 1950 était un dimanche ; il y avait danse à Anières. Anne-Marie et moi y sommes allées, bien entendu. Maman était là aussi, car elle ne m'aurait pas laissée aller dans un endroit aussi dangereux pour mon intégrité physique et morale sans dûment me chaperonner. Vers la fin de la soirée, j'ai dansé plusieurs fois avec un jeune homme très sympa, qui avait un sourire ensorcelant, Kurt Rübner. Mais je n'ai pas reconnu en lui l'admirateur de la chanteuse ; ce n'est que bien plus tard que j'ai fait le lien. J'ai vraiment dû être particulièrement sensible à son charme puisque, à mon insu, il agissait sur moi pour la deuxième fois.
La semaine suivante, il y avait une autre soirée dansante, organisée par la Communauté israélite à Genève. Rendez-vous fut donc pris pour le samedi et j'ai appris que ce soir-là tomberait le lendemain de l'anniversaire de mon danseur et, par la même occasion, de celui de Meyer. Ce soir-là, Kurt et moi ne nous sommes pas quittés. À un moment donné, il m'a proposé quelque chose à boire. " Un Cointreau, Mademoiselle ? Cela vous va ? " ( " Qu'est-ce que cela peut bien être ? ", me suis-je demandé. " Peu importe, pourvu que nous buvions ensemble " ) " Oui, oui, bien sûr, cela me va très bien. " Le pauvre ! J'ignorais que tout son argent de poche de la semaine y passait J'aurais eu bien de la peine à m'en douter car il était gai, enjoué, drôle, charmant.
Où était Meyer ? Sûrement dans la salle, mais je ne m'en suis pas préoccupée, car Kurt et moi enchaînions les danses. J'avais le sentiment irrésistible que, quoi qu'il arrive, ce garçon-là et moi passerions toute notre vie ensemble. La notion de mariage n'intervenait en rien dans mon intuition, je n'y pensais absolument pas. Ce que je ressentais n'était pas une affaire sociale, c'était une conviction profondément intime. À la fin de la soirée, mon cavalier m'a demandé si nous pourrions nous revoir. J'avais mauvaise conscience de n'avoir pas encore donné son congé à Meyer et j'ai répondu très évasivement : " On verra bien, l'occasion va déjà se présenter ! " Et là-dessus, nous nous sommes quittés.
Les jours suivants, je nageais dans le bonheur de mon amour tout neuf. Je planais sur un petit nuage, jusqu'au mercredi. Ce jour-là, la rationalité a repris le dessus. J'ai commencé à me fustiger :" Qu'est-ce que c'est que ces façons ridicules de répondre quand il te demande à te revoir ? Maintenant, c'est fichu. Plus jamais tu ne retrouveras. Et ces idées godiches : " nous passerons toute notre vie ensemble " ! C'est inimaginable d'être bête à ce point ! "
" Himmelhoch jauchzend, zu Tode betrübt ", disait souvent ma mère, citant Goethe. Ce qui signifie à peu près : " Jubilant jusqu'aux nues, puis attristé à mort. " C'était à peu près cela. Après le bonheur total, je suis tombée dans une profonde déprime. Anne-Marie n'était pas présente à la soirée mémorable, mais toute la semaine, elle en a abondamment entendu parler.
Le samedi suivant, après l'école, nous avons enfourché nos bicyclettes pour un petit tour, comme c'était notre habitude en ce temps-là. Nos roues nous ont guidées jusqu'à l'aéroport de Cointrin. Et là ! Qui vois-je ? Tout un attroupement de jeunes gens et parmi eux. . . Kurt ! . . . " Anne-Marie ! Regarde ! Il est là ! Là-bas ! " Nous avons vite fait de mettre pied à terre et nous nous sommes rapprochées d'eux. Ils étaient venus visiter les installations de l'aéroport. Nous avons bavardé un moment, puis. . . rien. Vous vous rendez compte ? Il ne m'a pas demandé de me revoir ! Ma déprime c'est encore accrue. Ce n'était même plus de la déprime, c'était carrément le désespoir total.
Plusieurs semaines se sont écoulées avant que je ne revoie Kurt. Un soir, alors que je faisais un tour à vélo sur le quai Gustave Ador, j'ai aperçu deux jeunes gens à pied que j'ai aussitôt reconnus : Kurt et l'un de ses amis qu'on appelait " l'Enfant ", car il avait l'air particulièrement jeune. Je les dépasse à toute vitesse, " ils ne m'ont pas vue, c'est évident, n'est-ce pas ? " et pose ma bicyclette un peu plus loin. Puis je reviens à pied, avec l'air de ne pas y toucher. Devant la statue de la Bise, on s'arrête, on se salue. Et voilà que Kurt me raconte toute une histoire à propos d'un travail qu'il a écrit en français, et pour lequel il cherche désespérément un correcteur. Est-ce que je serais d'accord de l'aider ? Oui ? " C'est chouette ! Et quand est-ce que je peux vous l'amener ? " " Samedi prochain, chez vous ? Ce sera parfait ! " En effet, je pouvais voir qui je voulais, mais ma mère préférait que la rencontre se passe chez nous. Le samedi suivant il était là, à l'heure dite. Et tous les samedis suivants aussi. Le travail à corriger ? Je n'en ai jamais vu la couleur. Et pour cause : il n'a jamais existé !
Nous étions éperdument amoureux. Ce qui n'a pas manqué d'inquiéter ma mère, qui a très vite décrété que nous ne pouvions nous voir qu'une fois par semaine, le samedi ou le dimanche, au choix. Et jamais entre les deux. Mais on était en juin, et début juillet Kurt partait passer les vacances d'été chez ses parents en Israël. Nous avons donc triché un peu, juste avant qu'il ne parte, mais pas trop. . .
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