AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 30 notes
5
3 avis
4
10 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce roman d'anticipation, terrible dystopie où le protagoniste n'a qu'un nom, l'employé, pour le désigner, est une formidable évocation de l'univers saccomannien : déshumanisation institutionnalisée, étouffement et écrasement d'un monde implacable et chaotique, sclérosé et désespérant, noirceur des âmes et valeurs humaines décharnées. Personne n'a de nom mais une fonction, ultime désincarnation pour s'emplir uniquement d'une étiquette socio-économique.
Guillermo Saccomanno oblige son lecteur à l'observation aigüe des protagonistes et des situations, avec un style envoûtant, précis, épuré et redoutablement efficace : la froideur mécanique concentrationnaire dans laquelle évolue l'employé hypertrophie le moindre sentiment ou ressenti, d'où une lecture quasi hypnotique et un état de malaise, accentué par les courtes précisions apportées par l'auteur évocatrices d'une actualité connue (clonage, enfants tueurs, terrorisme…), rendant ce monde apocalyptique si familier.

Pris dans un étau existentiel, professionnel, familial et social, où l'environnement est hallucinant de pression, de peur, de traitrise, de lâcheté, d'aliénation et de violence, l'employé doit choisir entre confort d'une routine vide de sens, faisant de lui un soldat du quotidien, et échappée belle. Cette évasion ne peut être que sentimentale, dernier recoin de valeurs sauvegardées : c'est à l'intérieur de l'humain que règnent les derniers possibles, c'est bien le rêve qui est subversif parce qu'il est l'ultime danger dans un système déshumanisé.
Guillermo Saccomanno qui a connu la dictature argentine de Videla, dépeint un monde semblable au nôtre où la compétition, les comportements prédateurs et le conformisme dominent sur l'empathie : le même monde, mais poussé au bout du bout de sa logique humainement mortifère. Terrifiant comme une tragédie annoncée. Un seul bémol : un peu plus de folie et d'inventivité à ce roman, une plus grande prise de risque dans la construction, dont les thèmes ont déjà été traités en littérature, auraient fait de ce récit un livre culte.
Commenter  J’apprécie          190
L'Employé erre dans un monde hostile, la pluie acide accompagne son quotidien morose. L'insécurité, les attentats, l'armée omniprésente font parties rythme les jours qui s'écoulent lentement. La peur d'être le prochain viré survient tous les jours.
Se conformer, rester dans la norme est essentiel afin de conserver son emploi.

"L'employé" peut paraître au premier abord être un roman sombre où le lecteur est plongé dans une ville maussade. Mais, Saccomano Guillermo crée un rythme de lecture très poétique et unique. Les actions s'enchaînent dans un style d'écriture envoûtant telle un tango .Enrique Santos Discépolo pensait que le Tango était " une pensée triste qui se danse" Saccomano Guillermo a sût transmettre toute la magie de cette danse dans cet ouvrage.
L'Employé peut se cacher en chacun de nous, car nous nous sommes tous un jour où l'autre senti emprisonné dans un quotidien trop présent.

Troublant, bref "L'Employé" est un Ovni de la littérature !!
Commenter  J’apprécie          160
l'employé est une ombre anonyme, un salarié parmi des milliers qui se rend quotidiennement à son bureau pour y effectuer le travail aliénant lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille (en l'occurrence une femme et des enfants odieux et ingrats). Dans cette dystopie argentine, le monde est à la fois déroutant et familier : rien ou presque de nouveau sous le soleil : une concurrence exacerbée au sein d'une entreprise, un mariage aigre, des attentats, des pluies acides, un état policier et au milieu de tout cela notre employé, impuissant et résigné... du moins jusqu'à ce qu'une idylle naissante avec la secrétaire de l'entreprise bouscule sa routine et qu'il se mette à rêver à d'autres horizons.


Guillermo Saccomanno nous offre ici un livre d'anticipation fluide et efficace. L'ambiance est très réussie avec un décor à la Blade Runner, des scènes majoritairement nocturnes et des pluies incessantes. On ressent également assez bien la tension engendrée par le "tous contre tous" au sein de l'entreprise qui est renforcée par la paranoïa avérée du personnage principal. L'absence de noms pour les personnages (désignés généralement par leur fonction) renforce le caractère déshumanisant de la société. L'auteur distille enfin une ironie efficace (Comme lorsque le héros demande à sa dulcinée si elle aime les enfants et que celle-ci lui répondant par l'affirmative, le couple décide naturellement d'assister au spectacle d'un combat d'enfants). Impossible également de ne pas songer au film de Terry Gilliam Brazil avec ce monde retro-futuriste désincarné et dysfonctionnel qui écrase l'homme ordinaire. D'ailleurs, j'imagine que c'est un choix volontaire de l'auteur (ou alors celui-ci n'aurait pas mis les pieds dans un bureau depuis plus de trente ans lorsqu'il écrit son livre) concernant l'ambiance (rétrofuturiste ?) très datée années 70/80 du monde du bureau (division sexuelle très marquée, paperasse à foison, chèques, calepins, coupe-papiers etc.).


Pour ce qui est du personnage principal, Guillermo Saccomanno fait le choix de nous raconter l'histoire du point de vue d'un personnage qui peut se montrer mesquin, lâche et égoïste. A l'instar des héros de Philipp K. Dick, le plus souvent, il est résigné face au monde hostile qui l'entoure et "fait avec". le principe me plait… Dommage que l'auteur ne parvienne cependant pas à nous faire ressentir de l'empathie à son égard.
Enfin et c'est le principal reproche que je ferais au livre, au demeurant tout à fait agréable à lire : il n'invente rien et ne sors que rarement des sentiers battus et rebattus, l'auteur utilise des vieilles recettes qui ont fait leurs preuves et reprend des thématiques déjà lues maintes et maintes fois. Cela fonctionne mais ne vous attendez donc pas à voir le genre révolutionné.


Bref, le livre l'employé est un roman d'anticipation efficace qui saura vous faire passer un moment agréable en reprenant les thèmes classiques du genre. À l'instar de son personnage principal, le livre remplit son office sans faire preuve d'originalité ni d'initiative mais de manière consciencieuse et fiable.
Commenter  J’apprécie          122
Ce roman de 2010 de l'écrivain argentin Guillermo Saccomanno, traduit en 2012 aux excellentes éditions Asphalte par Michèle Guillemont, met en scène une société dystopique ultra-violente, dans une métropole où les hélicoptères quadrillent jour et nuit le ciel pour prévenir toute fusillade ou attaque terroriste, où les faits divers les plus abominables se succèdent sur des écrans omniprésents, où les rues sont envahies par des animaux clonés redevenus bêtes sauvages et des enfants zombis.
Passant entre les gouttes de ces dangers dans une infra-vie passée essentiellement au bureau, l'employé est un personnage couleur de muraille débordant d'amertume, un salarié docile habité de fantasmes de violente insoumission, restant tard le soir derrière son ordinateur pour éviter de retrouver un foyer sordide, une grosse épouse despotique et un troupeau d'enfants obèses et vindicatifs.

«Il s'apprête à partir. La lenteur de ses gestes n'est pas seulement due à la fatigue. A la tristesse aussi.
L'ordinateur tarde à s'éteindre. Enfin, soupire-t-il. L'écran s'obscurcit. L'employé dispose soigneusement ses instruments de travail pour le lendemain : les stylos, l'encre, les cachets, les tampons, la gomme, te taille-crayon et le coupe-papier. Il l'astique. le coupe-papier semble inoffensif. Sauf qu'il peut devenir une arme. L'employé aussi paraît inoffensif. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences.»

On plaint en même temps qu'on déteste ce bon soldat pathétique, reflet d'une aliénation par trop familière, claudiquant, dissimulant son pardessus élimé, finalement lâche et traître mais se convaincant de sa supériorité pour rester debout.

«Il se demande jusqu'à quand il sera un personnage secondaire dans la vie de tous.»

Le rapprochement dans «L'employé» d'un monde d'entreprise froid et monstrueux mais extrêmement proche de nous, et d'un univers urbain extrêmement violent, forme un portrait glaçant de la sauvagerie et de la difficulté d'aimer dans la société moderne, et surtout de l'aliénation par la bureaucratie.
Dans cette société où les tentations de consommation, la peur du déclassement, l'exclusion et la violence ont atteint des degrés extrêmes et où l'empathie a disparu, - et ou, si d'aventure elle resurgit, elle sera rapidement éradiquée par les comportements dominants barbares et paranoïaques -, le portrait de cet homme soumis à la pression et au rythme infernal d'une entreprise déshumanisée, dont les seuls rêves sont des fantasmes de violence et de fuite, pourrait être totalement désespérant s'il n'était pas porteur d'un puissant message de révolte contre le conformisme.

«Ce matin, à son arrivée, il comprend qu'un licenciement va avoir lieu. Un garçon bien mis attend à la réception, près de l'accès principal aux bureaux. Une jeune fille ou un jeune homme à cette place signifie, chacun le sait, le remplacement d'un membre du personnel. Les nouveaux attendent, prêts à occuper un poste et à entrer immédiatement en fonction, tandis que les employés commencent leur journée dans la crainte, en se demandant qui va etre remplacé, qui sera licencié. le jeune aux cheveux gominés, au costume gris, à la chemise blanche et à la cravate bleue, est posté là tel un soldat en faction.
Dans un instant, dès qu'ils auront tous rejoint leur bureau, un haut-parleur annoncera le nom de celui ou celle qui est renvoyé. D'une formule neutre, comme dans un aéroport, on informera publiquement de qui il s'agit. L'équipe de sécurité empêchera alors toute opposition à cette mesure en encerclant immédiatement le bureau de celui ou celle qu'on expulse.»

Un roman dur, prévisible mais étonnamment attachant, précédé d'une très belle préface de Rodrigo Fresan, qui souligne les parentés avec Franz Kafka, George Orwell et Hermann Melville notamment, récit qui entre en aussi en résonance avec l'exceptionnel «Extrait des archives du district» de Kenneth Bernard.
Commenter  J’apprécie          70
Le capitalisme, dans ses développements récents où le management se donne pour tâche de modifier le comportement des salariés, d'orienter ses désirs afin de les faire correspondre à celui de l'entreprise, bref, où les êtres humains sont façonnés, transformés dans leur intimité et dans leur âme, ce capitalisme donc est un totalitarisme.
"L'employé" illustre parfaitement, par le biais d'une dystopie, cette critique. le salariat deshumanise, les personnages, jamais nommés (donner un nom, c'est reconnaître autrui et l'intégrer dans l'humanité) sont réduits à leur fonction. Il faut vraiment être charitable pour appeler "société" cette addition d'égoïsmes où personne ne voit plus loin que son nez paranoïaque et dépressif. Livre désespéré où le personnage principal finit animalisé puis totalement nié. Par les chiens eux-mêmes. Un livre bienvenu, dense et bien écrit.
Commenter  J’apprécie          70
C'est un livre de science fiction rude et dur, perturbant. J'ai eu comme un sentiment d'étouffement en lisant ce livre. Les chapitres y sont courts, les phrases aussi. On partage la vie d'un anti-héros, prisonnier d'une ville sous tensions permanentes, une ville en crise, un homme battu par sa femme et ses gosses (sauf par le petit dernier qui lui ressemble, un gosse chétif et fragile),un tâcheron humilié au travail, qui va tomber amoureux, et qui va devenir, avec l'amour jaloux, suspicieux, possessif, avec très vite des envies de meurtre.
Ce livre aide à comprendre sur les rapports humains, il met en évidence les conséquences à court terme du consumérisme, de l'individualisme, de la violence sur les rapports humains. L'écart entre les riches et pauvres est clairement souligné.
Très bon livre, belle découverte, je ne connaissais pas cet auteur., je ne suis pas déçue.
Commenter  J’apprécie          50
Une fable puissante et tristement joueuse de l'aliénation intime au coeur d'un totalitarisme national et d'une déshumanisation entrepreneuriale.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/06/04/note-de-lecture-bis-lemploye-guillermo-saccomanno/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          40
Dans une ville dystopique où règnent le chaos, la misère et l'individualisme, un employé tombe amoureux et commence à rêver d'une autre vie.
[...] Obéissant, résigné, passif voire inerte, l'employé au centre de l'histoire a tout d'un anti-héros répugnant, mais il dit quelque chose de nous. Nous préférons souvent ne rien faire plutôt que d'agir, et c'est comme ça que nous laissons passer de plus en plus d'événements inacceptables.
À travers les thèmes récurrents des dérives capitalistes et de l'individualisme, Guillermo Saccomanno montre les conséquences de l'escalade et de la banalisation de la violence, à la fois physique et psychologique. Si la radicalité des guérilleros augmente la riposte étatique, la passivité des personnes soumises (bien plus nombreux) n'est pas non plus la solution d'un monde meilleur. Tels des animaux, elles acceptent que des personnes de pouvoir définissent pour elles un espace vital, une liberté, de plus en plus restreints.
Si les traits sont forcés, il n'y a rien d'absolument surréaliste. Dystopique ou futuriste ?
[...] L'Employé est publié chez Asphalte, un éditeur engagé à la ligne éditoriale aboutie : les textes présentés dans la collection Fictions sont accompagnés d'une playlist choisie par l'auteur (disponible sur leur chouette site).

L'article entier sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/l-employe-guillermo-saccomanno-a107119718
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
Commenter  J’apprécie          40
Noir
Rouge

Noir de la destinée d'un homme ordinaire
Rouge du sang dont il est éclaboussé

C'est l'Argentine de la dictature que reconstruit Guillermo Saccomanno. Une Argentine sous la terreur. Une Argentine qui baigne dans l'angoisse et la soumission. Au sein de cette Argentine, un homme. Banal, anonyme, sans relief. Un « employé ». Employé, c'est sa fonction. Employé, c'est ainsi qu'il s'appelle dans ce récit. Ou plutôt : « l'employé ». Sans majuscule, neutre. Autour de lui gravitent « le chef », « la secrétaire », « le collègue ». Pas de majuscule pour eux non plus. L'employé a un emploi. L'employé a une famille. L'emploi et la famille sont « dans » l'employé. Il vit avec ça, cet homme. Il vit, c'est une façon de parler.

Parce que la terreur est aussi « dans » lui. Terreur de perdre son emploi. Terreur de traverser la ville. Terreur de retrouver sa femme. Terreur.

La ville explose de tous les attentats qui y sont commis. La ville est rougie du sang des chauves-souris, émincées vives par les pales des hélicoptères qui, jour et nuit, la survolent. La ville suinte des rebellions qui naissent et qui sont foudroyées par les milices. La ville. L'employé la parcourt, le matin, le soir, la nuit. Il enjambe les corps, morts ou vifs, de ceux qui sont déjà broyés, ou qui le seront demain. Il croise des chiens. Des chiens clonés, agressifs, malfaisants. Il croise des gosses. Des gosses drogués. Des gosses prostitués. La ville est noire. La ville est rouge.

L'employé se méfie. de tout. de tous. Et il a raison. Parce que la délation règne. « le collègue » est suspect. Il est derrière son dos, à le surveiller. Paranoïa.

L'employé tombe. Amoureux. L'employé tombe. Dans la folie. L'employé tombe. Dans la perversion.

Noir. Rouge. Ce roman prend aux tripes.
Lien : http://litterauteurs.canalbl..
Commenter  J’apprécie          30
l'employé vit dans un futur proche dans une ville d'un pays d'Amérique du sud où la violence étatique et sociale règne, où des chiens clonés errent dans les rues au milieux des SDF, où le bruit des hélicoptères se mêle au tumulte de la ville. C'est un bon employé, travailleur, ne comptant pas ses heures, soumis. le soir, il rechigne à rentrer dans son appartement où l'attend une femme violente et de gros enfants laids et superficiels. Il tombe amoureux de la secrétaire mais celle-ci passe de longs moments dans le bureau du chef. Cependant, l'employé, passant outre sa pusillanimité, veut croire en un monde meilleur, ailleurs et avec l'élue de son coeur…
l'employé est un roman dystopique saisissant qui immerge le lecteur dans le marécage des pensées de cet homme jamais nommé. Comme dans les romans de Saramago -on pense d'ailleurs à L'aveuglement- les dialogues sont enfouis dans le corps du texte, ce qui ne nuit pas à la lecture mais nous empêche de nous en extirper pour mieux être captif de cette sombre histoire orwellienne.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
Commenter  J’apprécie          10


Lecteurs (68) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
371 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}