Le commissaire divisionnaire Lucien-Napoléon Paolini s'ennuyait Quai des Orfèvres. Aussi quand un ancien adjoint nommé commissaire près de Versailles vint lui demander de l'aide pour résoudre une affaire criminelle, celui-ci ne s'est pas fait prier.
Le corps d'une jeune fille nue a été retrouvé sur les bords de la Bièvre par des gosses. Tuée à l'aide d'une aiguille en plein coeur. Le plus étrange c'est un dessin sur l'épaule. Un triangle rectangle qui porte une lettre au sommet de chaque angle.
Paolini, genre de commissaire Maigret du sud, va démêler les fils de cette énigme avec patience et psychologie, évitant les pièges nombreux parmi tous les suspects.
Première lecture d'un ouvrage d'Adam Saint-Moore qui était un habitué des éditions du Fleuve noir. S'il a beaucoup produit de livres d'espionnage et de science-fiction, c'est dans la collection "Spécial police" que je le découvre.
Roman classique d'une enquête policière où les talents d'un commissaire de police vont faire merveille pour séparer le vrai du faux.
Le style est enjoué pour tracer le portrait de chaque protagoniste, parfois même provocateur en comparaison du politiquement correct qui plane sur la littérature d'aujourd'hui.
Seul bémol dans cette agréable lecture : je me demande encore comment le coupable a pu transporter le corps sans vie de soixante kilos, le charger dans une barque, puis le décharger encore sachant sa faible constitution.
Encore une énigme à résoudre...
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Il prévoyait aussi une de ces plongées harassantes dans une certaine bohème mondiale, dans l'intelligentsia snobinarde, le "hippy" de luxe, le maoïste à Ferrari, la starlette entretenue, le décorateur homosexuel, le couturier dans le vent, le "gourou" tout droit débarqué de Katmandou, le chroniqueur mondain qui tutoie tout Paris, le metteur en scène sur le retour, la princesse (russe ou italienne) sexagénaire, avec ses bijoux et son gigolo de service, l'auteur dramatique espagnol, grec ou scandinave, anti-fasciste et scandaleux ; enfin, la faune, toujours pareille à elle-même, qui gravite dans le même cercle étroit, avec ses crises de nerfs, ses coucheries, ses parlotes, ses tics, ses rites et ses vanités.
A chaque fois que le commissaire avait à connaître d'une de ces affaires qui mettaient en scène le Milieu et sa faune de truands et de caïds, il éprouvait un sentiment d'agacement prodigieux en songeant à l'usage incroyablement faux qu'en faisait le cinéma. Le mythe du truand est une des plus ahurissantes entreprises de mystification de la société actuelle. Rien n'est en fait plus vil, plus bête, plus cruel, plus lâche que le truand ordinaire. La fameuse loi du Milieu est, en fin de compte, une assez horrible loi de la jungle qui permet à ces messieurs de se trahir et de s'assassiner à loisir. Le commissaire éprouvait un haut-le-cœur quasiment incoercible à chaque fois qu'il avait, assis en face de lui, un de ces gaillards au coefficient mental de protozoaire, sournois et violent. Et la rage le prenait en songeant que, par le miracle de l'imagination de quelque scénariste qui cultivait soigneusement son personnage bien parisien d'ancien truand et sa légende d'ex-caïd, ce primate rosseur de femmes et tueur de pauvres bougres allait se transformer en archétype héroïque et en séducteur fatal.
Le commissaire divisionnaire Lucien-Napoléon Paolini ne se portait bien que l'été. C'est dire qu'il ne jouissais pas d'une santé enviable pendant trois saisons sur quatre.
Le climat parisien lui était fortement déconseillé. Il développait, dès les premiers froids, un rhume magistral qui s'engraissait et "perdurait" jusqu'à la fin du printemps.
Paolini était célèbre, au Quai des Orfèvres, pour ses cache-nez interminables, ses chandails tricotés par ses nièces corses et les innombrables remèdes, homéopathique ou non, qu'il ingérait chaque jour.
Mais, l'été venu, soudain, le petit Corse redevenait lui-même. La chaleur le ressuscitait. Il s'épanouissait alors comme un poisson échoué qui, soudain, retrouve son élément naturel.
"La Vaguelette", avec ses tonnelles fleuries, son ponton où tiraient mollement sur leurs chaînes une demi-douzaine de barques à la peinture écaillée, s'inscrivait dans ce type de caboulots chers à l'intimisme populaire de l'entre-deux guerres. On s'attendait à voir Michel Simon et Arletty surgir de la salle du café-bar, et le Gabin sans bedaine des années trente, tombeur des filles à la dérive, arriver en chaloupant.
Le coin était joli, d'ailleurs, bien choisi pour que les clients puissent déguster leur friture en se reposant les yeux sur la verdure.
Il les précéda dans un vestibule carrelé et poussa une porte. Ils pénétrèrent dans une vaste salle quasiment nue, tendue de draperies imprimées de fleurs pavot. Sur le sol, à différents niveaux, des coussins géants. Partout, des châles de soie imprimée et des draperies de soie indienne. Ce genre de décor était la dernière mode depuis que la mère de Jacky Onassis avait fait transformer son salon en une sorte de campement de gitan de luxe.