Que Dieu me savonne, et que
Claude Chabrol me pardonne !
L'ombre de
Charles Denner plane au dessus de ce livre ...
"
L'affaire Landru" est un témoignage de premières mains, mais écrit, en 1924, à six de ses mêmes premières mains !
Emmanuel Bourcier,
Henri Béraud et
André Salmon, tous trois romanciers et journalistes, tous trois témoins et reporters ayant, à un moment ou à un autre, couvert l'affaire.
Le 12 avril 1919, un petit escroc est arrêté à Montmartre.
Le lendemain, un entrefilet annonçant la nouvelle dans quelques journaux passa complètement inaperçu.
Mais le jour suivant, sur trois colonnes avec photographies, un long article s'étalait sous un titre sensationnel :
"le mystère de la villa de Gambais, un nouveau Barbe-Bleue".
"Le Petit Journal", en découvrant l'importance de l'affaire, avait grillé tous ses confrères.
Henri Landru, l'homme aux cent noms, l' escroc relégable, était accusé d'avoir assassiné plusieurs femmes ...
La première partie de ce livre, " le sire de Gambais", qui est aussi la plus longue, a été écrite par
Emmanuel Bourcier qui a couvert l'affaire comme reporter de "Paris-Soir".
Et c'est avec une certaine truculence et un légèreté certaine que Bourcier raconte ...
Il a choisi le prisme du journalisme, il se met en scène, cite et rencontre dans ses pérégrinations son collègue
Henri Béraud qui, dans la deuxième partie de ce livre, s'attardera sur le procès de Landru.
La troisième et dernière partie, très courte et signée
André Salmon, faisant le récit de l'exécution du Barbe-Bleue de Gambais.
Ils ont tout vu, tout connu, tout approché, ces journalistes !
Et surtout, ils ont des lettres, du style et de la ressource.
Cet ouvrage est contemporain de l'affaire, il a été rédigé à chaud.
Il n'est pas une de ces reconstitutions blafardes dont notre époque est si coutumière.
Henri Béraud, par exemple, faisait partie des reporters présents lorsque la police sonda l'étang des Bruyère ...
Mais surtout, les trois écrivains-reporters ont su enchâsser leur récit dans le contexte de son époque, en dérouler la progression de manière à le rendre captivant et pittoresque.
Cependant, aucune de ces trois plumes n'en a pour autant délaissé ni l'analyse, ni la description.
Si le ton est parfois léger, le propos sait aussi se faire grave, évocateur et précis.
Le livre est à l'image d'un procès où, malgré la juste colère du président du tribunal provoquée par les rires de l'assistance, chacun scrutait le visage de l'accusé, chacun cherchait dans ses yeux froids le secret de Landru ...
Ce livre, "
l'affaire Landru", est extrait d'une collection parue chez Albin-Michel.
Dans cette collection,intitulée "les grands reportages", on retrouve quelques titres d'
Albert Londres dont "
Dante n'avait rien vu" et "
au bagne", ainsi qu'un titre d'
Edouard Helsey, "au pays de la monnaie de singe", un compte-rendu de voyages effectués en Allemagne entre 1913 et 1923.
Le reportage, nous dit la quatrième de couverture, est plus attachant dans sa saisissante réalité que mille romans d'imagination.
Que Dieu me savonne, et que
Claude Chabrol, une fois de plus me pardonne, cette histoire est plus macabre que dix saisons du Grand-Guignol ...