Dans ce roman,
George Sand fait le même choix que son amant, celui du roman autobiographique : il n'agit pas d'Aurore Dupin et d'Alfred de
Musset, mais de Thérèse et Laurent (mêmes prénoms que ceux utilisés par
Zola quelques années plus tard pour un autre couple tragique, celui de
Thérèse Raquin). Pas difficile de deviner les véritables protagonistes derrière les personnages de fiction. Au lieu d'être poètes, ils sont peintres, mais leur vie à
Paris, leur passage en Italie, la maladie de l'amant, la présence du second amour sont les preuves qu'il s'agit bien de la même histoire.
Bien sûr, j'ai été séduite par cette peinture d'un amour qui lie deux génies, avant d'unir deux coeurs, l'écriture romantique est toujours là même si les troubles de l'homme, ceux qu'
Alfred de Musset attribue au mal du siècle dans son roman, n'ont pas la même complexité sous la plume de
George Sand.
C'est sur ce point que je m'attarderai, car c'est celui qui m'a le plus déçue. Evidemment, déjà, dans les autres récits, on sentait la toxicité d'Alfred de
Musset, capable d'une adoration proche du culte et d'une méchanceté destructrice vis-à-vis de celle qu'il aime. Mais ici, la narration fait de Laurent, le monstre. Pas complètement coupable, certes, parce que malade ; excusable, certes, parce que toujours sincère. Néanmoins, il est quand même présenté comme l'unique coupable de l'échec de cette relation amoureuse.
Et là où ça me dérange encore davantage, c'est que, de ce choix découle une forme de froideur dans le personnage de Thérèse. Elle ne m'a pas paru particulièrement amoureuse. J'ai eu l'impression qu'elle cédait à ses avances « pour voir », qu'elle l'aimait comme un fils, jamais comme un homme. Elle apparaît très clairement comme une sainte, toujours dans le sacrifice, toujours dans la résignation et même dans son attitude, pas franchement nette avec Palmer, la peinture présentée ici la dédouane de toute culpabilité. Ça m'a tout simplement paru faux ! du coup, j'ai eu l'impression, non d'un portrait à charge
De Musset, car ce n'est pas le cas, mais d'une forme d'éloge d'elle-même grâce à Thérèse, et je n'ai pas adhéré.
De fait, je comprends parfaitement le désir du frère d'Alfred, Paul, d'écrire sa version de l'histoire, dans Lui et Elle… Peut-être une prochaine lecture ? Qui sait ?