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Un roman de cape et d'épée souvent, on se croirait dans Dumas. Avec en plus de la réflexion, de la philosophie. L'histoire racontée se passe dans les années 1770, dans ces années justement où les grands philosophes sont à l'honneur. Or George Sand aime beaucoup Jean-Jacques Rousseau. Il est donc question d'éducation mais aussi de relation homme/femme.
C'est l'histoire d'un homme qui, ayant été un enfant mal éduqué, est devenu un jeune homme brutal, ingérable. Par amour, il va se transformer.
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Mauprat, dont l'action se situe au 18ème siècle n'est pas un long roman. 434 pages aux éditions folio classique.

Il aborde des thèmes tels que l'éducation, le féminisme, mais encore, l'égalité. Thèmes qui, on le sait, sont chers à George Sand.

Le roman est ce qu'on appelle protéiforme. Roman d'amour, roman d'apprentissage, et même, diront certains, roman gothique (avis que je ne partage pas tout à fait comme vous le verrez ci-dessous).

Les Mauprat se partagent en deux branches. L'une honorable, l'autre terrifiante, surnommée d'ailleurs les Coupe-jarret. Des bandits reclus dans leur château sombre et délabré. Débauchés, vivant comme les plus ignobles seigneurs du Moyen-Âge, ne payant ni leurs gens ni leurs dettes et ne reculant devant aucune vilenie pour faire régner la terreur.

Bernard, qui nous raconte son histoire, a été recueilli enfant par les Mauprat Coupe-jarret et va donc grandir entre terreur et violence.

Dès le début du roman, et quoique Bernard fasse preuve d'une grande sévérité envers lui-même, on sent qu'il s'est toujours senti en décalage avec les Mauprat Coupe-jarret. N'ayant toutefois aucun modèle de comparaison, il s'est développé sans prendre conscience de la violence atypique de cette famille. Imaginant que cette manière de vivre était une chose tout à fait normale.

Souvent maltraité, sans personne pour cultiver en lui aucune valeur, il a fait comme il a pu pour survivre. Devenant lui-même brusque et intempérant. Sauvage.

Un jour, les Mauprat Coupe-jarret ramènent au château Edmée, leur cousine issue de la branche honorable de la famille. Alors qu'ils se réunissent pour discuter de son sort, qu'on imagine peu enviable, elle se retrouve seule avec Bernard. Interpellée par la complexité de Bernard, à la fois différent des Coupe-jarret et en même temps emporté et violent, elle tente de l'amadouer pour le convaincre de l'aider à s'enfuir. Bernard, complètement fasciné par cette femme, accepte, à condition qu'elle lui promette de l'épouser.

Pendant qu'ils prennent la fuite, les secours assiègent le château et les Coupe-jarret périssent.

Bernard est accueilli par Edmée et son père. Il vont le choyer comme un fils, et tenter de l'éduquer.

Bernard rappelle à Edmée sa promesse, mais cette dernière pose son éducation comme condition au mariage.

On caractérise souvent ce roman de gothique. Néanmoins, hormis les scènes qui se déroulent dans le château de la Roche-Mauprat qui effectivement est à la fois effrayant et inquiétant, le roman n'est pas en tant que tel « gothique ».

Le reste du roman qui se concentre presqu'exclusivement sur l'éducation de Bernard et l'évolution de sa relation avec Edmée relève plus du romantisme que du gothique. Notamment par la présence importante de la nature dans cette partie du roman et par son aspect plus « contemplatif ».

L'aventure y est également moins développée. On pourrait penser que cette alternation de style engendrerait un déséquilibre, mais George Sand parvient malgré tout à maintenir le lecteur en haleine.

Si le roman est-ce qu'on appelle un roman protéiforme, il me semble toutefois que ce qui domine, c'est l'évolution de Bernard. À ce titre, il me paraît plus opportun de qualifier Mauprat de roman initiatique que de roman gothique.

Roman initiatique
Le thème central abordé par George Sand est indubitablement l'éducation.

Mauprat, c'est avant tout l'histoire d'une humanisation. Humanisation qui, pour George Sand passe nécessairement par l'éducation.

On le sait, George Sand était une fervente admiratrice de Jean-Jacques Rousseau et de son « Emile ». le roman est empreint de cette influence.

La conception de George Sand telle qu'elle est développée dans Mauprat se distingue toutefois de la thèse de Jean-Jacques Rousseau en ce qu'elle estime qu'un homme n'est ni bon ni mauvais de nature et que seule l'éducation peut le sauver de mauvais instincts ou penchants.

Ce qui ressort également de Mauprat, c'est que George Sand n'envisage pas l'éducation je dirais « ex cathedra », à savoir une éducation froide, impersonnelle. Comme un fichier ou une rame mémoire qu'il suffirait de s'implanter. Non. Pour George Sand, l'éducation nécessite un développement intérieur. Une digestion. Mais aussi une contemplation et une analyse de notre propre fonctionnement. Analyse rendue possible par l'éducation. En d'autres termes, si l'éducation n'est pas suffisante, elle est toutefois nécessaire.

Et on le ressent très bien dans le roman. Bernard acquiert rapidement les rudiments de l'éducation classique. Lire, écrire, étudier les grands philosophes, mais cet apprentissage seul ne lui permet pas de devenir meilleur, plus humain.

Après cet apprentissage, il lui faut encore faire un travail d'introspection, d'intégration des valeurs que l'éducation lui a dévoilées. Il doit en quelque sorte les faire siennes. Et pour les faire siennes, il doit s'interroger sur lui-même. Remettre ses réactions et ses émotions en question.

Edmée, personnage central de Mauprat incarne toutes les idées féministes de George Sand.

Non seulement c'est une jeune femme audacieuse, intelligente, persévérante, mais en plus elle n'hésite pas, malgré son rang et son époque, à défendre des idées d'égalité et d'humanisme.

Elle exige de Bernard qu'il aille toujours plus loin dans son éducation. Intransigeante, elle le pousse dans ses derniers retranchements pour faire de lui un homme toujours meilleur.

Mauprat aborde des sujets relativement sérieux au travers d'une histoire captivante, pleine d'aventures avec des personnages crédibles et bien construits dont certains, quoique secondaires sont particulièrement singuliers et attachants.

En mêlant plaisir et réflexion, George Sand nous prouve que ce qui est distrayant et agréable peut être intelligent.

Sa vision est par ailleurs profondément humaniste et positive et en ces temps de crise, inutile de dire que ça fait du bien.
Lien : https://nevrosee.be/mauprat-..
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Mauprat a failli me tomber des mains une ou deux fois. Pas pour son style, que j'ai apprécié, ou le romanesque de son histoire, mais pour son narrateur. Que j'ai détesté ce Bernard !
Un brin d'explication est néanmoins nécessaire. Tout commence par les Mauprat, de petits seigneurs berrichons, qui se subdivisent en deux branches. A l'une appartient Bernard, élevé par son grand-père Tristan dans une forteresse d'où il rançonne plus ou moins le pays, et à l'autre appartient Edmée, du même âge, élevée dans l'amour d'un père sage, esprit baigné dans les livres des philosophes, et pourtant elle aussi une Mauprat, farouche et entêtée quand lui en vient l'envie.
Bernard sauvera Edmée de ses propres oncles en lui arrachant sous la contrainte la promesse qu'elle serait à lui, et Edmée, résolue à ne céder qu'à un homme qu'elle en jugerait digne et pas à ce sauvage qui sait à peine écrire son nom, domptera Bernard jusqu'à en faire un homme civilisé.
Ce qui m'a gêné dans ce livre, c'est que pendant les neuf dixième de son déroulement, même quand Bernard est soi-disant réformé, il est d'une jalousie proprement insupportable. Et que je vous tuerai si vous en aimez un autre, et que je souffre parce que vous n'avez pas répondu comme je voulais, et que je vous suis totalement dévoué mais que vous ne me regardez pas assez, et moi et moi et moi....
Monstre d'égoïsme, ce bonhomme, et je ne suis pas non plus fan du thème de la femme domptant l'horrible: comme si elle était responsable de son âme à lui et de son comportement. C'est un être humain, pas une bête fauve, et s'il fait n'importe quoi, c'est lui le coupable, pas elle.
Bien que je râle, croyez bien que j'ai tout de même apprécié suffisamment pour arriver au bout.
Roman sur la puissance de l'éducation, Mauprat me prouve surtout qu'on a tort de parfois résumer George Sand à un auteur pour enfants!
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J'ai une relation particulière avec Mauprat, parce que ma mère me l'a lu tout haut quand j'étais petite, pour me consoler d'être malade alors que j'étais en vacances. Les textes de Sand sont aérés, aisés, d'un tissage relâché ; il est difficile d'y délimiter des paragraphes intenses ; cela en fait à l'inverse des merveilles à écouter.
L'histoire a été racontée en détail dans les autres critiques. Elle est fondée sur un système binaire entre un pôle « sauvage » (la branche Coupe-Jarret des Mauprat) et un pôle « civilisé » (la branche Casse-Tête). Bernard de Mauprat n'appartient en réalité ni à l'un ni à l'autre : il a été emmené encore petit chez les Coupe-Jarret ; il est ramené jeune homme chez les Casse-Tête. Revenu à une civilisation où il est plus heureux, il conserve en lui une sauvagerie qui le marginalise. Il a pour sa cousine Edmée, chez qui il vit désormais, un amour violent qu'il tente de domestiquer.
Le château des Coupe-Jarret, tout à fait anachronique, même à la fin du XVIIIe s où l'action est censée se passer, est le lieu d'un romanesque échevelé dont j'ai gardé toute ma vie les images : Edmée qui apparaît à Bernard à la lueur du feu, les combats pendant l'orage sur les tours, la fuite dans les souterrains, les lueurs dans la nuit, le serment arraché par la peur.
Le reste du roman est constitué d'une lutte entre Bernard et Edmée. A la force de Bernard, Edmée répond une force égale (« A Mauprat, Mauprat et demie ! »). Je la vois sans cesse sur son cheval, avec sa cravache, qu'elle quitte de temps en temps, pourtant. Ainsi lorsqu'Edmée est victime d'une tentative d'assassinat, c'est naturellement vers Bernard que se portent les soupçons.
Je voudrais ajouter deux choses qui nuancent ce qui a été dit par les autres critiques :
- Bernard est marginalisé et en cela, il est à plaindre. le roman est sans cesse ambigu à cet égard. Lorsqu'il dit à Edmée - qui le repousse en soi et surtout parce qu'il est un Coupe-Jarret - « je ne sens pas qu'il y ait du mal en moi », il revendique, à juste titre, un être moral individuel et lui cloue pour une fois le bec d'ailleurs ; cette phrase est restée pour moi celle qu'articule toute personne repoussée à cause de son appartenance communautaire ;
- malgré toutes ses paroles raisonneuses, Edmée est inapte au fond à dire son propre amour. Elle n'y parvient que lors du procès final, réécriture sandienne - a-t-on dit - du procès du Rouge et le Noir. Là où une femme a le courage que Mme de Rénal n'a pas, de dire qu'elle aime cet homme qu'on accuse d'avoir tenté de la tuer ; et d'essayer ainsi de le sauver.
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Nous sommes après la Révolution française ; dans un récit enchâssé, Bernard de Mauprat, un noble éclairé, gagné depuis presque toujours aux idées nouvelles, raconte les événéments de son enfance et de sa jeunesse, qui ont mené le domaine de la Roche-Mauprat à la ruine, son grand-père et ses oncles au brigandage, et sa rédemption par sa rencontre fortuite avec Edmée de Mauprat, sa cousine ("tante à la mode de Bretagne")...

Un combat contre une éducation viciée et contre l'instinct d'égoïsme et de possession s'engage, entouré de l'affection d'un entourage hétéroclite et bienveillant.

Voilà un roman magnifique, sans doute un des plus beaux romans que le Romantisme m'ait donné à lire, mais je n'en ai certes pas lu énormément, car la complaisance dans les sentiments outrés de certains d'entre eux a souvent eu le don de m'exaspérer. Sand dose à la perfection ces ingrédients-là, et l'on peut voir Bernard pleurer, s'évanouir ou s'exciter, sans lever une seule fois les yeux au ciel.

cf. suite de la note de lecture sur mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Ce récit se situe dans le Berry. Bernard, personnage principal, est élevé par des seigneurs malfaisants et tyranniques, membres de sa famille. C'est dans des circonstances tragiques qu'il va être adopté par la deuxième branche de sa famille, dont les principes sont la sagesse, l'éducation et la bonté. Il va tomber amoureux de sa cousine, promise à un illustre chevalier. Pour la conquérir, il devra abandonner ses manières d'enfant sauvage, par l'éducation et l'instruction.

Il s'agit d'un roman peu connu, mais un des plus profonds de George SAND. L'évolution du personnage est montrée avec beaucoup de subtilité et de finesse. En outre, ce livre pose nombre de réflexions sur le rôle de l'éducation, les travers de l'Église ou de la Justice... Je ne peux qu'en recommander la lecture. C'est passionnant et enrichissant !
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Je ne sais pas pour vous mais Mauprat, moi, cela ne me rappelait rien. La mare au diable, ou La petite fadette ou encore Consuelo, oui, mais ce titre, il me semble bien ne jamais l'avoir entendu auparavant. Et c'est une agréable découverte car Mauprat est un roman tout à la fois captivant, émouvant et enrichissant. Mauprat est le nom de la famille qui est au centre de ce roman. Il s'agit, comme les décrit la quatrième de couverture, « de petits seigneurs berrichons, incultes et cruels, qui ne seraient pas déplacés dans un roman de Sade et perpétuent au dix-neuvième siècle les pires usages du monde féodal ».

La famille Mauprat est en réalité divisée en deux branches : les Coupe-Jarret , la branche aînée qui, c'est un euphémisme de le dire, a mal tourné, et les Casse-tête, sages et justes, héritiers de l'esprit des Lumières. le narrateur, Bernard Mauprat, dernier héritier des Coupe-Jarret, est un homme âgé qui revient sur sa vie, longue et agitée. L'histoire débute alors qu'il a dix-sept ans et vit avec ses horribles oncles, les Mauprat Coupe-Jarret, depuis qu'il a perdu ses parents à l'âge de sept ans. Son oncle Hubert Mauprat, de la branche cadette des Casse-tête, avait essayé de le recueillir quelques années avant, afin de l'enlever des mains de ces infâmes bandits, mais en vain.

Nous sommes dans le Berry, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, peu avant la révolution française. La fille d'Hubert Mauprat, enlevée par ses infâmes oncles, est amenée par ceux-ci à Bernard Mauprat, afin qu'il fasse preuve de sa virilité. Mais Bernard, bien qu'élevé par ses oncles, ne partage pas leur penchant pour la violence, les exactions et autres crimes qu'ils commettent régulièrement, et tombe amoureux d'Edmée. Il s'évade avec elle de l'affreuse demeure de la Roche-Mauprat, après lui avoir fait promettre qu'elle n'appartiendrait jamais à aucun autre que lui-même. Bernard ramène Edmée chez son père, qui installe Bernard chez lui et l'adopte enfin.

Commence alors une longue période pendant laquelle Bernard vit aux côtés d'Edmée. Celle-ci exige que Bernard s'instruise, ce qu'il fait avec l'abbé Aubert, ami de la famille. Edmée promet à Bernard de l'épouser lorsqu'il sera devenu un gentilhomme cultivé et apte à vivre en société, c'est-à-dire tout d'abord, à s'y comporter de façon mesurée. Mais les doutes assaillent fréquemment Bernard. Il s'impatiente et craint qu'Edmée ne change d'avis ou ne soit pas sincère. D'autant que celle-ci est depuis longtemps promise à M. de la Marche. Bernard s'ouvre parfois à Edmée, ce qui est l'occasion d'échanges passionnés mettant à l'épreuve les sentiments exacerbés des deux cousins. C'est d'ailleurs suite à l'un de ces épisodes qui représentent pour lui une torture, que Bernard décide de s'engager auprès de Lafayette, et de partir combattre pour l'indépendance de l'Amérique. Bernard ne rentrera que six ans plus tard en France. Et c'est alors qu'un événement grave viendra tout remettre en question, au moment même où tout se présentait pour le mieux, Edmée ayant en effet attendu Bernard pendant ces longues années.

Je ne vous en dirai pas plus pour préserver la fin de l'intrigue, dont on suit les rebondissements avec intérêt. En effet, on s'attache rapidement aux personnages de Bernard et Edmée, comme à ceux tout aussi intéressants de Patience, Hubert, et Marcasse. Mauprat est un roman très riche, aux multiples facettes, que J.P Lacassagne caractérise ainsi dans sa préface : « un roman indéfinissable, dense et captivant que l'on a pu lire comme un roman d'aventures, un roman d'éducation, un roman d'amour, le premier des grands romans champêtres ou des grands romans sociaux » .

En effet, le roman se veut parfois romantique, -et c'est là que se situent à mon avis les quelques longueurs, avant le voyage en Amérique notamment-, parfois aventurier, avec un horrible château, une évasion, quelques poursuites à cheval, et d'effrayants moines qui se retrouvent dans une auberge sordide. C'est aussi un roman social, lorsque Edmée devise avec ses amis proches et refait le monde, ou lorsque Patience développe des idées égalitaristes. On y retrouve d'ailleurs l'influence de Jean-Jacques Rousseau, que George Sand cite à plusieurs reprises, puisqu'il est particulièrement admiré par Edmée. Celle-ci a d'ailleurs beaucoup apprécié La nouvelle Héloïse et s'emploie à développer les qualités que Rousseau aime chez une femme : « elle aimait à reconnaître avec lui que le plus grand charme d'une femme est dans l'attention intelligente et modeste qu'elle donne aux discours graves ». Enfin, c'est un roman d'éducation qui comporte de très belles pages sur l'intérêt de la culture, comme lors de l'initiation de Patience à la poésie.

Vous l'aurez compris, une très belle lecture que je vous conseille, et qui donne envie de se replonger dans les classiques !

Mauprat, George Sand, Folio classique n°1311, Paris, 1981, 476 p.

Blog le livre d'après, http://lelivredaprès.com/mauprat-de-george-sand/
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Quelques années avant et après la Révolution.

« … sa santé robuste, sa taille droite, sa démarche ferme et l'absence de toute infirmité annoncent quinze ou vingt ans de moins. Sa figure m'eût semblé extrêmement belle sans une expression de dureté qui faisait passer, malgré moi, les ombres de ses pères devant mes yeux. »

Bernard Mauprat, vieil homme de quatre-vingts ans, reçoit dans sa demeure près de Châteauroux, dans l'Indre, un jeune homme qui souhaiterait entendre, par le dernier des Mauprat, l'histoire de cette famille légendaire.
Cette curiosité est teintée des peurs enfantines…

« C'est que dans mon enfance, j'ai placé le nom de Mauprat entre ceux de Cartouche et de Barbe Bleue, et qu'il m'est souvent arrivé alors de confondre, dans des rêves effrayants, les légendes surannées de l'Ogre et de Croquemitaine avec les faits tout récents qui ont donné une sinistre illustrations dans notre province, à cette famille des Mauprat. »

Bernard devient orphelin à sept ans. Sa tutelle est disputée par les deux branches de la famille, l'aînée et la cadette. C'est son grand-père Tristan qui l'emmène dans le Château de la Roche-Mauprat, un repère féodal lugubre, malsain, tenu par un pont-levis. Dans cet antre pernicieux, il fait la connaissance de ses huit oncles, tous plus vicieux, méchants et dégénérés les uns que les autres. Seul enfant dans ce cloaque, il est confié à la garde de l'oncle Jean, un handicapé, qui lui fait subir des sévices et des vexations. Traité comme un animal, il endure des tortures physiques et morales sans pouvoir s'en échapper. Au fil du temps, son caractère se forge, et sans être aussi immoral que sa parenté, Bernard devient dur et calque son tempérament sur celui de ses oncles, cachant son humanité sous un masque ignoble.
La vie et leurs subsides sont faits de larcins, de taxations, de brigandages et de viols. Les seigneurs d'autrefois sont devenus des tourmenteurs, des charognards et des voleurs.
Bernard a quinze ans lorsque le grand-père décède, il en a dix-sept quand pour la seconde fois sa vie bascule…
Un jour, oncle Laurent qui s'était absenté toute la journée, rentre en compagnie d'une jeune fille. Perdue, elle pense pénétrer dans la demeure de Madame Rochemaure, une dame dévote de la région, et accorde bien innocemment sa confiance.
Bernard succombe à sa beauté et, dans un conciliabule, arrive à soutirer à ses oncles la permission d'être le « forceur ». S'enfermant avec elle dans une pièce, il commence à se faire pressant. La belle ne tarde pas à comprendre le piège et se présente aussitôt… Elle est Edmée, fille de Monsieur le chevalier Hubert de Mauprat, frère cadet de son grand-père. Petit à petit, dans le bref temps qui leur est imparti, l'un essaie de lui voler un baiser, l'une tente de le raisonner, l'un est poursuivi par le sang bouillonnant des Mauprat et de dix années d'une éducation sauvage, l'une ne murmure que deux mots « Sauve-moi, sauve-moi ! ».

Et si en la sauvant, Bernard s'affranchissait en même temps ? L'évasion serait une double délivrance. L'enfant grossier et barbare, bien souvent cruel, voit son avenir près d'Edmée qu'il aime déjà passionnément. Avant de partir, une promesse est scellée…

« - Jurez que vous serez à moi d'abord, et après vous serez libre ; je le jure. Si je me sens trop jaloux pour le souffrir, un homme n'a qu'une parole, je me ferai sauter la cervelle.
– Je jure, dit Edmée, de n'être à personne avant d'être à vous.
– Ce n'est pas cela, jurez d'être à moi avant d'être à qui que ce soit.
– C'est la même chose, répondit-elle, je le jure.
– Sur l'Evangile ? sur le nom du Christ ? sur le salut de votre âme ? sur le cercueil de votre mère ? »

J'ai aimé ce roman, entre aventure et amour. Il est une saga fragmentée en plusieurs épisodes. L'introduction est celle d'un vieil homme qui se retourne sur son passé. Sa nostalgie n'est pas remplie de rancoeur, elle est douce pour celle qu'il a aimée, voire vénérée.
« Elle fut la seule femme que j'aimai ; jamais aucune autre n'attira mon regard et ne connut l'étreinte de ma main. Je suis ainsi fait ; ce que j'aime, je l'aime éternellement, dans le passé, dans le présent, dans l'avenir. »
La première partie raconte la pitoyable moralité de sa famille, le château La Roche-Mauprat, les bois, l'ermite philosophe Patience, la tour Gazeau, Marcasse « le preneur de taupes »… Bernard est un sauvageon dont l'attitude est avant tout une fanfaronnade tirée de l'orgueil, de la peur et de l'inculture. Jusqu'au jour où il rencontre celle qui le fera évoluer. Plus qu'une amante, Edmée sera une mère. Dans cette deuxième partie, Bernard se retrouve à Sainte-Sévère dans la maison de son grand-oncle où il recevra l'éducation, les bases, qui lui font défaut. Ces leçons seront données par l'abbé Aubert, ami d'Edmée et de Patience. Troisième partie, c'est Paris et les salons littéraires, philosophiques, les poseurs, les précieux, le ridicule, mais aussi un début de modernité. La Fayette enrôle pour les Etats-Unis… Quatrième partie, l'Amérique et une ouverture sur un autre monde ; l'amitié fraternelle avec un scientifique-herboriste, Arthur. Cinquième partie… et dernière ; le procès.
A l'aube de la Révolution, George Sand nous présente les années d'un « siècle éclairé ». L'esprit est libre et commence à se défaire des carcans familiers. Elle donne aussi un beau rôle à Edmée qui est l'initiatrice, la femme qui tait sa passion pour faire grandir un homme.

Bernard dit…
« Ne croyez à aucune fatalité absolue et nécessaire… et cependant, admettez une part d'entraînement dans nos instincts, dans nos facultés, dans nos impressions qui ont entouré notre berceau, dans les premiers spectacles qui ont frappés notre enfance… Admettez que nous ne sommes pas toujours absolument libres de choisir entre le bien et le mal… L'homme ne naît pas méchant ; il ne naît pas bon non plus, comme l'entend Jean-Jacques Rousseau, le vieux maître de ma chère Edmée. L'homme naît avec plus ou moins de passions, avec plus ou moins de vigueur pour les satisfaire, avec plus ou moins d'aptitude pour en tirer un bon ou un mauvais parti dans la société. Mais l'éducation peut et doit trouver remède à tout ; là est le grand problème à résoudre, c'est de trouver l'éducation qui convient à chaque être en particulier… »
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Un de mes livres préférés de mon adolescence. Si romantique et avec tant de détermination féminine.
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